Christophe Lavigne présente les caractéristiques classiques du sympathisant actif de l'extrême-droite: militaire de carrière, le jeune homme n'était pas encarté au Bloc Identitaire mais fréquentait virtuellement tous les réseaux de la mouvance fasciste: sur son profil Facebook, on trouvait tout aussi bien Dominique Venner que Guillaume Faye, prédicateur de "la guerre totale entre l'Occident et l'islam".
Un arsenal idéologique amplement suffisant pour le décider à passer à l'acte: en août 2012, le jeune homme jette un engin incendiaire sur la mosquée de Libourne. Heureusement une caserne de pompiers se situe juste en face du bâtiment, et l'engin ne fait que peu de dégâts matériels. Mais évidemment, il place les croyants dans une situation d'anxiété devenue banale en France, puisque ce type d'actes y devient extrêmement fréquents.
Conforté par ce premier acte, et l'impunité qui en découle puisqu'il n'est pas identifié, Lavigne veut frapper plus fort, bien plus fort et prévoit de tirer sur la mosquée de Vénissieux, le lendemain de la fin du Ramadan. Ce sont des proches, qui le dénonceront, convaincus de sa volonté de réaliser son projet. Il sera arrêté la veille du jour prévu pour l'attentat. Chez lui, des munitions.
Seulement, Lavigne a un bon avocat: puisque Lavigne a été arrêté la veille de l'exécution de son projet, et que les munitions retrouvées peuvent être classées dans la catégorie 8 ( autorisées et souvent utilisées pour les armes de collection et historiques), toutes les charges tombent concernant l'attaque fomentée contre la mosquée de Vénissieux. Surtout d'emblée, Lavigne est considéré comme ayant agi seul, indépendamment de toute organisation. Tout ceci aurait évidemment été différent s'il avait été intégriste musulman et en contact régulier, virtuel ou réel avec d'autres membres de cette obédience. On se souvient ainsi qu'en 2012, un physicien du CERN qui avait échangé uniquement sur internet avec des membres d'un groupe salafiste avait été condamné à quatre ans de prison ferme, alors qu'aucun de ses mails n'évoquait un début de commencement de projet précis. Mais l'extrême-droite extra-parlementaire n'est pas logée à la même enseigne. Christophe Lavigne avait reconnu son projet d'attaque, il n'en bénéficiera pas moins d'un non-lieu total.
Reste l'attaque, réalisée , contre la mosquée de Libourne. Si celle-ci n'a pas brûlé, s'il n'y a pas eu de victimes, cela ne relève en rien des choix de Lavigne, même si celui-ci au procès évoquera un "acte manqué" et son "envie de se faire arrêter" , ainsi que la traditionnelle excuse des "déboires sentimentaux". Excuse relayée complaisamment par la presse qui semble trouver un peu logique quand même de noyer son chagrin en incendiant des lieux de culte musulmans.
Finalement Lavigne sera condamné à trois ans de prison, dont dix-huit avec sursis, il ne retournera donc pas en prison, ayant déjà effectué neuf mois de détention provisoire. Le montant des dommages et intérêts à verser à la mosquée de Libourne ? 2000 misérables euros.
A la sortie du procès, Monsieur Lavigne s'est dit "soulagé". On le comprend. On n'est évidemment pas obligé de souscrire au tout-prison comme seule réponse à la violence raciste et aux projets d'actes terroristes. Mais une nouvelle fois, on ne peut que constater l'indifférence totale du pouvoir politique et des médias au terrorisme d'extrême-droite. L'affaire Lavigne est restée cantonnée aux faits divers, à aucun moment, elle n'a fait l'objet d'un débat politique sur la dangerosité du milieu où il évoluait. A aucun moment, des voix ne se sont élevées contre les sites sur lesquels ce jeune homme a eu le cerveau formaté,alors que de son propre aveu, il fomentait un attentat depuis ses quinze ans sur la base des théories fascistes: Lavigne espérait en effet que son acte contre la mosquée de Vénissieux susciterait des émeutes en banlieue, ce qui amènerait l'extrême-droite à progresser.
D'aucuns argueront qu'il n'y a pas eu mort d'homme. Pas cette fois. Mais ce sont 77 personnes qui ont payé de leur vie les incitations de l'extrême-droite norvégienne sur le cerveau d'un autre jeune homme , Anders Breivik.
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