lundi 14 août 2017

Charlottesville: comment la Syrie d'Assad est devenue une icône de l'extrême-droite américaine

Parmi les publications reprises par Buzzfeed de la page Facebook présumée de James Alex Fields Jr., le pilote de la voiture qui a tué une contre-manifestante lors des manifestations d'extrême-droite à Charlottesville, en Virginie, samedi, on trouvait les icônes préférées de l'extrême droite,  Pepe the Frog, des croix gammées, et une photo d'Adolf Hitler enfant. 

Chose peut-être plus surprenante, il y avait aussi une photo du président de la Syrie, Bashar al-Assad, en uniforme militaire complet, sous laquelle était écrit " Jamais vaincu". Les réseaux sociaux ont largement diffusé les  captures d'écran du profil ,maintenant inaccessible, samedi et dimanche, même si l'authenticité du compte n'a pas pu être confirmée. Mais la fascination apparente avec Assad correspond bien  à un lien plus général entre l'extrême droite et le régime syrien qui s'est progressivement manifesté ces derniers mois (1) et a joué un rôle tout au long du rassemblement nationaliste blanc de ce week-end en Virginie.


La politique d'Assad - et celle de son père avant lui - ont toujours été associées plus à la gauche qu' à droite. Son père, le dictateur Hafez al-Assad, était au Moyen Orient l'allié le plus proche de l'Union soviétique tout au long de la guerre froide. Le fils a bénéficié du soutien ferme d'une partie de la gauche radicale internationale tout au long de sa tentative d'écraser la rébellion de six ans contre son règne.

Au cours des derniers mois, cependant, Assad est devenue une icône aussi pour l'extrême droite; ses dirigeants et ses porte-parole ont fait l'éloge de la férocité avec laquelle il a poursuivi la guerre, son rôle dans la lutte contre l’État islamique et ses positions perçues comme antagonistes à la fois  contre les musulmans et les Juifs .

Les méthodes implacables d'Assad qui ont abouti à des dizaines de milliers de victimes civiles semblent avoir encore accru sa stature. Dans une vidéo postée sur Twitter, trois hommes qui ont participé aux manifestations de Charlottesville ont salué l'utilisation par Assad des "barrel bombs", les barils d'explosifs pour soumettre les communautés qui se sont retournées contre lui.
 L'un porte un T-shirt qui dit: "Bashar's Barrel Delivery Co."

Les bombes à barriques sont des engins explosifs peu coûteux, fabriqués à bon marché, utilisés pour les bombardements à l'aveugle, et leur utilisation a tué des milliers de civils en Syrie.
"Assad n'a rien fait de mal", affirme une des figures de l'extrême-droite sur les réseaux sociaux, Tim Gionet, qui a diffusé cette vidéo, où on peut l'entendre crier " "Barrel bombs, hell yeah !"

L'émergence massive d'Assad en tant que héros populaire des néo-nazis semble avoir suivi une série de tweets en mars de  l'ancien chef  du Ku Klux Klan, David Duke, dans lequel il a prodigué des éloges au président syrien, en le décrivant comme un «chef incroyable» - et plus encore .


D'autres dirigeants d'extrême-droite ont de longue date exprimé leur soutien au président syrien et espéraient clairement que le président Trump, qui a fait des commentaires flatteurs sur Assad tout le long de sa campagne, s'engagerait pour lui. De tels espoirs étaient également basés sur le soutien que Assad avait reçu de certains politiciens d'extrême droite en Europe.  Marine Le Pen, en France, par exemple, a déclaré que maintenir Assad au pouvoir est «la solution la plus rassurante».
Après que Trump ait ordonné aux militaires américains de bombarder un aérodrome syrien en réponse à une attaque chimique dans le nord de la Syrie, de nombreux commentateurs d'extrême- droite ont exprimé leur consternation sur Twitter. Peu de temps après l'attaque, des manifestants opposés à l'intervention militaire, menés par le nationaliste blanc Richard B. Spencer, ont été confrontés à un groupe de manifestants antifascistes à l'extérieur de la Maison Blanche.

Bien que Trump ait continué à se détourner d'Assad,  l'appelant même « une personne vraiment maléfique» dans une interview télévisée d'avril, la fascination de l'extrême droite pour l'acharnement du président syrien à se maintenir au pouvoir a persisté. L'histoire d'amour de l'extrême droite avec Assad n'est d'ailleurs pas si étonnante: son parti Ba'ath est férocement nationaliste et ethnocentrique, axé sur la promotion de l'identité arabe. L'un des rares partis politiques autorisés par son régime et l'un de ses plus fervents partisans de la guerre est le Parti socialiste social syrien qui a tiré son logo de la croix gammée.

Traduit du Washington Post, article de Liz Sly et Rick Noah, 13 août 2017

(1) En réalité, les leaders suprémacistes blancs ont aux Etats Unis comme en Europe des liens très anciens avec le régime d'Assad, même si au niveau de la base activiste, l'intérêt limité pour les questions internationales ne suscite pas forcément des références permanentes au régime de Damas. David Duke dont il est question dans cet article a été l'invité de conférences publiques à Damas,pour y tenir des discours de soutien à Assad, et appeler à la guerre mondiale contre les "sionistes" ( voir ici une de ses interventions filmées: https://www.youtube.com/watch?v=21wyi5eGpxA)

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