Mise à jour du 1er Novembre: les menaces de Trump et l'avertissement du pompier pyromane Mark Zuckerberg
Donald Trump a ajouté à la tension lors d’un meeting, samedi 31 octobre, en assurant que l’élection présidentielle ne serait pas décidée mardi. Il a averti ses fidèles qu’ils vont « attendre des semaines ». « Le 3 novembre va arriver et nous n’allons pas savoir [qui a gagné] et vous allez avoir du chaos dans notre pays », a-t-il dit. Il a également suggéré que « de très mauvaises choses » pourraient se produire pendant que les États comptent les bulletins de vote, les jours suivant le scrutin, laissant entendre, sans la moindre preuve, que ces opérations seraient propices à la fraude.
Ce climat a poussé, le 29 octobre, l’International Crisis Group (ICG), organisation spécialisée dans le règlement de conflits et violences, à publier pour la première fois depuis sa création une note concernant les États-Unis. Ils « sont confrontés à des risques de violences électorales sans précédent dans leur histoire moderne », estime le président de l’ICG, Robert Malley. Les États-Unis « donnent généralement des conseils aux pays du monde entier sur la façon d’éviter de tels conflits, de réduire la polarisation politique, d’approfondir le respect des institutions et de lutter contre les injustices raciales ou ethniques profondes. Ce serait le bon moment pour ce pays de s’appliquer à lui-même les leçons qu’il dispense si souvent aux autres. »
Quant au PDG de Facebook,
lourdement impliqué dans les manipulations de 2016 en faveur de Trump
avec Cambridge Analytica et contraint de supprimer les comptes des
complotistes de QUanon, il prend cette fois-ci des précautions:
"Je suis inquiet qu'il y ait un risque de troubles civils dans tout le pays, alors que notre nation est si divisée et que les résultats électoraux prendront potentiellement des jours ou des semaines à être finalisés".
Zuckerberg a rappelé une partie des garde-fous mis en place, comme l'interdiction de toutes les publicités sur des sujets de société ou de politique, sur ses plateformes aux États-Unis , à la fermeture des bureaux de vote, pour réduire les risques "de confusion ou d'abus" le temps qu'il faudra.
Memorial 98
A la veille d'une élection cruciale pour les États-Unis et pour le monde entier, nous avons interrogé Nelcya Delanoë, ethno-historienne, spécialiste de l’histoire des Etats-Unis. Elle est professeure émérite à l’Université Paris 10 Nanterre, écrivaine, auteure de nombreuses traductions, dont la dernière s’intitule Crazy Brave, Paris, Globe éditions, 2020, en collaboration avec Joëlle Rostkowski et de nombreux ouvrages, dont le dernier s’intitule D’une petite rafle provençale... Paris Le Seuil, 2013.
Memorial 98
Voir également nos articles et dossiers ci-dessous.
Trump apparaît à la traîne dans les sondages, y compris dans les États décisifs qui basculent souvent; peut-il rattraper ce retard?
Les sondages donnent certes une avance importante au candidat Biden
Le poids actuel des états-membres (les USA sont un état fédéral) reste décisif, et on n'en sait peut-être pas encore tout à fait assez.
Il faut 270 voix de grands électeurs pour être élu.
Dans la quasi-totalité des états sauf deux ( Nebraska et Maine) , tous les membres du Collège électoral doivent voter pour le candidat qui a remporté le vote populaire dans cet état et non pour le candidat de leur choix.
Chaque sénateur et membre de la Chambre des Représentants peut, une fois le Congrès élu, contester un vote
Si Trump peut rattraper le vote populaire ?
Il est derrière Biden, mais la marge est étroite dans certains états, en sa faveur ou en sa défaveur, selon les sondages
Le 24 octobre, la BBC créditait Biden de 51% du vote populaire contre 43% à Trump, le lendemain, le site d’analyse électorale FiveThirtyEight crédite Biden de 51,9% et Trump de 42,9% du vote populaire
Quant à IPSOS, son évaluation est de 50% pour Biden contre 40% pour Trump…
Selon les instituts de sondage, Biden aurait donc perdu 2 ou 3 points depuis le 10 octobre.
Côté Grands Electeurs, le 23 octobre, la BBC crédite Biden de 279 voix et Trump de 125, mais Trump aurait plus de réserves que Biden
Les états clefs:
Biden aurait l’avantage dans le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin, emportés par Trump en 2016 par une marge de 1%
En 2016, Trump avait largement emporté l’Iowa, l’Ohio et le Texas, où sa marge serait cette fois-ci plus étroite.
Le site d’analyse politique FiveThirtyEight estime que Biden est "le préféré » des électeurs, et l’hebdomadaire britannique The Economist juge quant à lui qu’il est "très vraisemblable" qu’il battra Trump.
Ceci dit, on est encore à quelques jours des élections, la situation est extrêmement volatile et les sondages risquent d’être affectés, dans des proportions qui restent floues, par la place de l’épidémie dans le pays, de ses conséquences sur l’économie et sur la vie des électeurs et électrices
En dehors de toutes les causes habituellement évoquées quant à la fiabilité des sondages, l’incertitude risque de dominer jusqu’à la dernière minute en raison de cette pandémie multifactorielle
Le Président sortant laisse planer le doute sur la transmission du pouvoir s'il est battu. Il argue de fraudes éventuelles sur le vote par correspondance. Peut-il vraiment bloquer la passation des pouvoirs? Irait-il jusqu'à s'appuyer sur la mouvance d'extrême-droite qui le soutient et qui parade dans les rues ( Proud Boys, Bangaloos, QUanon et autres milices) ? Trump est-il prêt à lancer un mouvement de type fasciste? Peut-on parler d'une dynamique de guerre civile?
La question est de savoir quelles seront la nature et l’importance de fraudes éventuelles dans la réalité d’une part, et dans les imputations de Trump s’il perd, d’autre part
Il ne sera en tout cas pas le seul à en décider
La journée du vote sera sans doute chaotique, avec présence de personnes armées dans les lieux de vote et lors du dépouillement.
La marge entre lui et Biden sera décisive dans le déroulement du dépouillement et de la proclamation des résultats.
Et des recomptages qui ne vont pas manquer...
S’il est battu, Trump a annoncé que ce résultat ne pourrait être que « frauduleux », le « coup d’état électoral » réalisé en Floride contre le candidat démocrate Al Gore en 2000 restant un modèle possible.
Quant à Trump lui-même, il pourrait être « dépassé" sur sa droite et sur le terrain.
De la à parler de Guerre civile? Ce terme est très connoté aux États-Unis (référence à la Guerre de Sécession 1861-1865 ) et Trump, s’il est un businessman-tueur, ne semble pas avoir la carrure d'un chef de guerre.
La tension apparaît très forte dans une société étasunienne polarisée notamment sur le racisme, comme on a pu le vérifier après la mort de George Floyd .
Les grands
mouvement sociaux de la période récente, Black Lives Matters et #Metoo, peuvent-
ils contribuer à mobiliser des votant.e.s ?
Je ne lis pas dans le marc de café, mais le pays étant armé jusqu’aux dents, et s’étant surarmé depuis quelques mois (armes de guerre en particulier), il y a de la tuerie dans l’air, à coup sûr.
Dans l’Ohio, depuis janvier, on compte 128 morts par arme à feu, juste des querelles et autres bagatelles…
La société par ailleurs souffre de bien des maux, dont la paupérisation et la précarisation, la pauvreté le chômage et la maladie sans couverture sociale, le racisme, la violence sur le lieu de travail et d’habitation (exécution immédiate au profit du propriétaire ou du patron).
Certes les électeurs et les électrices des mondes afro-américain, latino et amérindien sont très mobilisés et vont voter massivement, ainsi que les femmes.
Mais les pauvres? Les chômeurs? Les sans logis? Les rejetés, les sous-prolétarisés et les ubérisés?
Bref, l’appartenance sociale demeure pertinente et son poids méconnu.
La participation:
Sur 240 millions d’électeurs éligibles au vote, 85 millions voteraient dès avant le 3 novembre, et la participation finale serait de 62 %, la plus importante depuis 1908, (65,7% pour Willima Howard Taft.). Elle serait particulièrement élevée au Texas, cas très rare.
En 1996, la participation était de 51,7% et Bill Clinton fut donc élu par une minorité des électeurs, ce qui est loin d'être un cas unique.
Selon FiveThirtyeight, en date du dimanche 25 octobre, les élections au Congrès ( Sénat et Chambre des représentants) devraient, selon les sondages, donner 49,2% des voix aux Démocrates contre 42,2% aux Républicains.
Toutefois, si Biden est élu mais que le Sénat demeure majoritairement républicain, le président démocrate risque d'être paralysé dans de nombreux domaines dont la mise en œuvre des principales nominations: juges à la Cour suprême, ambassadeurs, dirigeants des agences fédérales. Il s’agit également de l'exercice du pouvoir d'enquête ou du refus d'exercer celui-ci.
La procédure de confirmation par le Sénat de la juge Barrett, nommée par Trump à la Cour suprême des USA, vient de se terminer sans surprise par un vote en sa faveur ; quelles en seront les conséquences immédiates pour l'élection et à plus long terme, notamment pour le droit à l'IVG?
Après d’incroyables embrouilles et autres manips entre Républicains et Démocrates pour accélérer ou ralentir la procédure, le Sénat a confirmé la nomination de la Juge Barrett (seuls deux Républicains s’y sont opposés).
La semaine prochaine, la Cour Suprême devait confirmer cette nomination.
Conséquences pour le jour même de l’élection: aucune
Conséquences pour le droit à l’IVG: sérieuses, mais via une procédure plutôt longue car il s’agit d’une décision de la Cour Suprême (Roe vs. Wade, 1973)
Cette dernière peut être annulée par une autre décision de la Cour Suprême, annulée ou modifiée par une loi du Congrès, par des lois dans les états-membres.
Le tout prendra du temps
Rappelons que depuis 2019, les délais imposés à la réalisation d’un avortement sont par ailleurs de plus en plus longs.
Plus inquiétant, le sort du Afordable Care Act, ACA, adopté du temps d’Obama ( aussi dénommé Obamacare) et dont la constitutionalité doit être discutée/annulée très bientôt après les élections par la Cour Suprême. C’est le rêve de Trump.
Laissons la conclusion à William Banks, professeur de droit à l’université de Syracuse (New York) qui estimait : « Sur une échelle de 1 à 10, je dirais que mon inquiétude [sur le bon déroulé de ce scrutin] est de 9. Il y a plusieurs scénarios plausibles qui pourraient faire dérailler cette élection.
Propos recueillis par AH
Memorial 98
Voir les articles de Memorial 98 sur les USA et Trump:
http://info-antiraciste.blogspot.com/2020/10/trump-les-enfants-migrants-isoles.html
http://info-antiraciste.blogspot.com/2020/04/les-afro-americains-durement-frappes.html
http://info-antiraciste.blogspot.com/2018/06/america-first-le-slogan-fasciste-de.html
http://info-antiraciste.blogspot.com/2016/11/13-novembre-hommage-rosa-parks-et-la.html
http://info-antiraciste.blogspot.com/2016/03/trump-bloque-chicago-bravo.html ( campagne Trump 2016)
http://www.memorial98.org/2015/06/charleston-la-menace-terroriste-d-extreme-droite-grandit.html
http://www.memorial98.org/article-24466321.html ( Obama)
http://www.memorial98.org/article-25281598.html ( Lincoln et Marx)
http://info-antiraciste.blogspot.com/2017/08/charlottesville-chronique-dun-meurtre.html
https://info-antiraciste.blogspot.com/2018/10/terrorisme-antisemite-pittsburgh-le.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.