4 mars: le pacte avec l'AfD balayé.
Bodo Ramelow (à gauche cravate bleue) refuse de serrer la main de Hoecke
Bodo Ramelow, candidat du parti de gauche Die Linke, soutenu par
les sociaux-démocrates et les Verts, a été réélu président du Land de Thuringe ce 4 mars.
Les élus de la CDU ont été contraints de s'abstenir après leur faute, ce qui a permis l'élection au troisième tour de scrutin.
Les libéraux du FDP, qui avaient exécuté la manœuvre avec l'AFD, ont choisi de boycotter le scrutin .
Les libéraux du FDP, qui avaient exécuté la manœuvre avec l'AFD, ont choisi de boycotter le scrutin .
A noter le geste fort de Ramelow qui a refusé de serrer la main tendue par Björn Hoecke ( ci-dessus), leader local de l'AfD et dirigeant de son aile nostalgique du nazisme
Memorial 98
15 février: manifestation en Thuringe contre le pacte avec l'AfD
Des milliers de personnes ont manifesté samedi 15
février à Erfurt, capitale de la Thuringe.
Quelque 18.000 personnes ont manifesté, selon les
organisateurs, des ONG, artistes, syndicalistes et responsables politiques,
unis dans le front #Unteilbar («indivisible» en français).
Les manifestants se sont retrouvés à la mi-journée
dans le centre de la ville sous le mot d’ordre: «pas avec nous, pas de pacte
avec les fascistes: jamais et nulle part!». Des banderoles proclamaient: «nous
ne voulons pas de IVe Reich» ou encore «nous ne voulons pas le pouvoir à
n’importe quel prix».
L’élection surprise le 5 février du "libéral" Kemmerich, grâce aux voix coalisées de la droite conservatrice et de l’extrême
droite, avait déjà provoqué nombre de rassemblements spontanés dans toute
l’Allemagne.
Signe de la tension dans tout le pays, plusieurs
locaux du parti libéral FDP sont devenus la cible d’attaques dans toute l’Allemagne.
D’autant que l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), le
parti d’extrême droite compte bien continuer à dynamiter le jeu
politique allemand. En Thuringe, les institutions restent ainsi paralysées
depuis plus d’une semaine.
L’extrême droite menace désormais de porter ses
suffrages, en cas de nouvelle élection à la tête de cette région enclavée, sur
Bodo Ramelow. Cette personnalité de la gauche radicale était à la tête de la
région jusqu’en 2019. Il refuse catégoriquement tout apport de voix de l’AfD.
Les partis hors AfD doivent se réunir lundi à Erfurt
pour trouver une solution permettant de gouverner cette région.
En Thuringe
aussi, le dirigeant de la CDU, Mike Mohring ( voir ci-dessous), a annoncé vendredi son départ pour
permettre une «pacification» du parti conservateur.
Certains responsables de la CDU, en particulier dans les
régions d’ex-Allemagne de l’Est, sont tentés par un rapprochement avec
l’extrême droite, particulièrement puissante dans ces régions.
Dresde
Cette mobilisation contre l’extrême droite intervient
aussi en pleine commémoration de la libération des camps nazis et du
bombardement par les Alliés de la ville de Dresde il y a 75 ans. Ce bombardement est commémoré chaque année par l'extrême-droite qui oppose cette mémoire à celle du génocide nazi.
Environ 1.500 militants néonazis, et autant de
contre-manifestants, sont descendus dans la rue samedi, sous étroite
surveillance policière, dans cette ville de Saxe pour une «marche funèbre»
cultivant le mythe d’une «ville martyre», injustement sacrifiée par les Alliés.
Memorial 98
Mise à jour du 10 février: le séisme se poursuit, la
présidente de la CDU contrainte à son tour de démissionner
Juste
sanction: après le scandale de Thuringe, Annegret Kramp Karrenbauer
(ci-dessus), cheffe de la CDU et "dauphine" d'Angela Merkel, est contrainte
de démissionner de son poste à la tête du parti et ne sera pas candidate en
2021 pour devenir chancelière, comme il était prévu.
Elle
n'a pas empêché la collaboration des élus CDU de Thuringe avec les
néonazis de l' AfD.
Un
membre du gouvernement nommé Christian Hirte a aussi été poussé vers la sortie
après s’être ostensiblement félicité, dans un message publié sur Twitter, de
l’élection de Thuringe
« La
chancelière a proposé aujourd’hui au président fédéral le renvoi du secrétaire
d’Etat Christian Hirte », a indiqué dans un communiqué le porte-parole
d’Angela Merkel. Hirte était jusqu’ici secrétaire d’état au ministère de
l' Economie et de l’Energie et, à ce titre, également commissaire du
gouvernement aux États régionaux de l’est de l’Allemagne, chargé de coordonner
la politique fédérale pour soutenir ces territoires toujours en retard
économiquement sur l’ouest du pays.
Ce
nettoyage doit se poursuivre, afin d'éradiquer toute velléité de collaboration
avec l'AfD et ses idées.
Cela
n'a pas été fait en France. Ainsi Eric Woerth, ancien ministre et actuel
député dirigeant de LR, n'a jamais été inquiété pour sa collaboration prolongée
avec le FN en Picardie lors des élections régionales de 1998 ( voir ici)
MEMORIAL 98
Mise à jour du 6 février: le président de Thuringe contraint à la
démission au bout de 24 H mais la crise demeure
Le mandat du président de l'état de Thuringe a duré à
peine 24 h et 34 minutes.
Le 5 février, Kemmerich et Höcke (à droite) se congratulent après l'élection
Tout
juste élu avec les voix des fascistes AfD , le " libéral" Kemmerich
est contraint de démissionner face au scandale. Le développement des
protestations et manifestations dans toute l'Allemagne a obligé le chef de son
parti libéral à changer d'avis et à rétro-pédaler. Alors que celui-ci, nommé
Lindner, avait refusé hier de condamner l'élection, il s'est déplacé ce
jour en Thuringe pour annoncer la fin de la présidence. Merkel avait également
condamné l'élection " impardonnable" et appelé à de nouvelles
élections. Le parti SPD commençait à agiter la menace d'une rupture de la
coalition au pouvoir.
La
honte de Kemmerich, de son parti et des conseillers régionaux CDU de Thuringe
qui ont voté pour lui demeurent, pour avoir collaboré avec les
néonazis.
Ceux-ci
vont maintenant pouvoir se présenter comme des victimes des "politiciens
de l'Ouest" de l'Europe, des Juifs...
Sur la pancarte ci-dessus ces mots " Honte à vous"
MEMORIAL 98
Un événement politique catastrophique se déroule en
Thuringe: de nombreuses réactions et manifestations commencent à se dérouler
sur place et dans toute l’Allemagne, notamment devant le siège du parti libéral
FdP, qui bénéficie des votes de l'AfD.
Manifestation devant le siège du Parlement régional à Erfurt ( sur la pancarte
" Trahison des électeurs")
La
direction de la CDU est contrainte de demander des nouvelles élections. Même le
journal Bild titre sur la poignée de main de la honte entre le
nouveau président et le "nazi Hoecke"
De
son côté, le dirigeant du parti libéral Christian Lindner refuse de se
distancier de son représentant en Thuringe. Il utilise le prétexte habituel de
ces alliances honteuses selon laquelle dans un tel vote à bulletins secret,
c'est le résultat qui compte. Ce parti siège au Parlement européen dans le même
groupe que le parti macroniste LREM intitulé " Renew Europe". Il est
donc attendu que LREM exige le retrait du président de Thuringe élu par l'AfD
et en cas de refus, l'exclusion de ce parti qui pactise ouvertement avec
l'extrême-droite nazifiante.
Höcke
et les autres dirigeants de l'AfD se réjouissent ouvertement de la réussite de
leur manœuvre et appellent à un bloc de la droite dans toute l’Allemagne.
Un tremblement de terre politique et une digue qui se brise
Pour
la première fois depuis l’après-guerre et la chute du nazisme, le président d’un des Lands
(états fédéraux), la Thuringe, a été élu mercredi 5 février grâce aux voix
de l’extrême droite.
Le
candidat du Parti libéral-démocrate (FDP), Thomas Kemmerich, a été élu au
troisième tour de scrutin par l’assemblée régionale de cet État de l’est de
l’Allemagne.
Son
infime majorité est de 45 voix contre 44 mais elle lui donne la présidence. Il
a bénéficié des voix de tous les élus du parti d’extrême droite Alternative für
Deutschland (AfD), et de celles de la plupart des membres de l’Union
chrétienne-démocrate (CDU), le parti de la chancelière Angela Merkel.
Il
a devancé d’une voix le ministre-président sortant de Thuringe, Bodo Ramelow,
membre du parti de gauche Die Linke, qui était, lui, soutenu par
les sociaux-démocrates et les Verts.
Bodo
Ramelow dont le parti de gauche Die Linke est arrivé en tête des
élections régionales avec 31% des suffrages, comptait se faire réélire à la
tête d’un gouvernement minoritaire de gauche, pensant que les partis de la
droite traditionnelle n’accepteraient jamais de s’allier à l’extrême droite.
Jusqu’ici les partis de droite et de centre droit en Allemagne, comme la CDU ou
le FDP, ont en effet toujours refusé toute coopération ou alliance avec
l’extrême droite.
Mais les élus régionaux du parti libéral et de
la CDU ont choisi de s’allier avec une délégation AfD ouvertement dominée par
des éléments fascistes.
En effet le chef de file de l’AfD en
Thuringe, Björn Höcke, est le chef de la tendance la plus
droitière du mouvement baptisée "l'aile" ( Flügel en
allemand)
Ce
courant a été « mis sous surveillance » par l’Office fédéral de
protection de la Constitution (BfV), le service chargé du renseignement
intérieur en Allemagne, ce dernier reprochant notamment aux partisans de Björn
Höcke de « relativiser le national-socialisme dans sa dimension
historique ».
Hoecke a été accusé, à juste titre,
d’avoir préparé le terrain idéologique pour l’attentat antisémite de Halle le 9 octobre dernier,
où un immense massacre dans un synagogue prévu par le terroriste néo-nazi
a été évité de peu, tout en faisant 2 morts. Ses déclarations contre la
"repentance" des crimes nazis ont pavé la voie de cet acte
terroriste.
Il a par exemple qualifié le Mémorial
de la Shoah à Berlin de « monument de la honte »
en déclarant « Jusqu’à ce jour, notre état
d’esprit est celui d’un peuple totalement vaincu (…) nous Allemands, notre
peuple, est le seul peuple au monde qui a planté au cœur de sa capitale un
monument de la honte »
Il
avait ensuite déclaré au Wall Street Journal : « C’est un
grand problème de décrire Hitler comme le mal absolu, alors que nous savons que
l’histoire ne s’écrit pas en noir et blanc."
« Pour moi, Höcke est un nazi », avait d’ailleurs déclaré lors de la campagne des
régionales Mike Mohring, tête de liste de la CDU en Thuringe.
Il avait lui-même été menacé de mort par un mystérieux groupe de « musiciens
de l’orchestre du Reich » dont l’e-mail se concluait par la formule « Sieg
Heil und Heil Hitler ». Pour autant Mohring joue un rôle trouble dans
cette crise. Il a organisé le vote des élus CDU avec l'AFD, pour la
candidat FdP après avoir rejeté catégoriquement l'installation d'un
gouvernement minoritaire de gauche.
Les
autres thèmes de campagne de Björn Höcke reprenaient les thèmes racistes
chers à l’AfD, que ce soit pour dénoncer « l’africanisation et l’orientalisation
qui menacent l’Allemagne » ou expliquer que « le
multiculturalisme conduit au multicriminalisme », »
Hitler est nommé chancelier le 30 janvier 1933
A cette occasion les dirigeants allemands avaient
réaffirmé leur engagement dans la lutte contre la résurgence du racisme et de
l’antisémitisme.
De plus c’est en Thuringe que pour la première fois
le parti nazi (NSDAP) a participé à une coalition gouvernementale au
niveau régional en 1929, avant d’accéder au pouvoir en 1933.
Ces références historiques donnent la mesure de la
gravité de ce qui se passe en Allemagne.
Il y a aussi une dimension particulière en
France : en 1998, lors d’élections régionales, une partie de la droite a
choisi de s’allier avec le Front national de Jean-Marie Le Pen et Bruno
Gollnish. Cela fut notamment le cas en Rhône-Alpes avec Charles Millon et en
Picardie avec Charles Baur et Eric Woerth, encore dirigeant de LR. La voie
avait été ouverte par Gaudin en région Paca dès 1986
Une importante bataille politique vint à bout de ces
alliances sauf en Languedoc-Roussillon. Charles Millon fut hué et expulsé d'
une commémoration de la mémoire des enfants juifs d'Izieu
Vingt ans plus tard il est évident que la
légitimation du FN par une partie de la droite renforça considérablement la
crédibilité du parti d’extrême-droite. Les mêmes tentatives se déroulent
d'ailleurs actuellement sous les auspices de Zemmour, Robert Ménard et Marion Maréchal.
D’autres exemples se sont produits en Autriche (Sträche) en Italie
(Salvini), en Espagne avec Vox et montrent à quel point la droite
radicale et l’extrême aspirent à trouver les moyens de gouverner ensemble.
Il est donc crucial qu’une mobilisation démocratique
et antifasciste s’organise dans toute l’Europe afin de combattre la catastrophe
de Thuringe.
Memorial 98
voir de nombreux textes et articles de Memorial 98,
notamment:
https://info-antiraciste.blogspot.com/2016/11/face-lextreme-droite-cri-dalerte-dune.html
( Autriche)
http://www.memorial98.org/article-22377802.html
( Italie, Salvini, Sardine)
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