samedi 9 juillet 2016

Emmanuel Chidi Namdi, tué "involontairement" par l'extrême-droite ?

Du déroulement des faits ayant abouti à la mort d'Emmanuel Chidi Namdi, à Fermo, petite ville du centre de l'Italie, on sait déjà beaucoup : l'assassin Amedeo Mancini a d'abord traité de "singe africain" la compagne d'Emmanuel Chidi, ,une provocation délibérée. Lorsque le jeune homme a voulu y répondre, il l'a mis à terre, et continué à le tabasser , le frappant notamment et à plusieurs reprises à la tête, ce qui a entraîné la mort, quelques heures après le lynchage. 

Un crime raciste, de toute évidence.

On ne sera donc malheureusement pas étonné qu'il soit minimisé d'emblée. Le meurtrier, arrêté peu de temps après les faits vient d'être inculpé pour "homicide involontaire". 
Une nouvelle fois, l'incrimination pénale et donc l'orientation de l'enquête sont  au service de la défense du meurtrier, puisque d'emblée, le caractère volontaire de la mise à mort raciste est écarté. Non pas après un long travail de recoupement, mais juste après les faits, dont on ne voit guère pourtant, ce qu'ils présentent d'évidence concernant l'absence de volonté de tuer d'Amadeo Mancini.
Et d'autant plus quand le meurtrier n'a rien trouvé d'autre qu'une explication tout aussi raciste que le meurtre: le motif invoqué par Mancini pour ses insultes initiales est qu'il pensait qu'Emmanuel Chindi et sa compagne voulaient voler une voiture. 

De la même manière, celui-ci est présenté par la presse italienne d'abord comme un "ultra" de l'équipe locale de foot. Or avant toute autre chose,  Amadeo Mancini était un militant de base connu de l'extrême-droite locale. Qu'il exprime son militantisme aussi au travers de son identité de supporter est certes un élément important, mais la présentation médiatique d'un meurtrier raciste n'a rien de neutre, lorsqu'il s'agit de l'associer principalement au foot et au hooliganisme:, l'image du supporter violent , destructuré et imprévisible, quelle que soit son orientation politique, souvent réduite à l'expression d'un folklore totalement déconnecté de la "vraie " politique amène une nouvelle fois à éluder justement le contexte politique de ce meurtre. 

Pourtant, les représentants de l'association religieuse de Fermo qui hébergeait 'Emmanuel Chidi Namdi ont été très clairs dans leur parole publique: pour eux, Amadeo Mancini était de ceux qui entrainent les plus jeunes racistes à agir violemment. Et l'action violente , l'association la connaît bien: à plusieurs reprises des engins incendiaires ou explosifs ont été placés devant le centre d'hébergement.

Une violence politique raciste qui se structure aussi de manière légale: Amadeo Mancini était apparemment connu pour assurer le service d'ordre et la claque des premiers rangs lors des meetings locaux de la Ligue du Nord. Ce n'était pas un "jeune" supporter, mais un exploitant agricole bien installé, et manifestement en mesure, justement, de profiter du foot pour recruter des plus jeunes.

Contrairement à ce que laissent penser les commentaires médiatiques et politiques sur cet assassinat, il n'est pas non plus spécialement lié à ce qui est appelé la "crise des réfugiés", mais bien à la crise racistes qui traverse l'ensemble des pays européens. D'ailleurs l'insulte  proférée par l'assassin avant son crime "singe africain"  reflète bien l'expression d'un racisme à prétention biologique parfaitement assumé qui fait couler le sang depuis des années, en Italie comme ailleurs et rend par ailleurs la vie impossible aux racisés, qu'ils soient présents en Europe depuis longtemps ou pas .

En 2011, par exemple, à Florence un militant de Casapound, connu précédemment pour des diatribes antisémites et négationnistes , avait tué par balles deux vendeurs ambulants noirs et en avait blessé grièvement deux autres avant de se suicider. Le mouvement ouvertement fasciste dont il était issu n'a pas été inquiété le moins du monde et a continué à s'installer dans la vie politique et sociale italienne, multipliant les "actions coup de poing" dans toutes les villes où il est présent.

De toute façon, être qualifié de "singe" en Italie, comme en France est quelque chose qui arrive même aux Ministres , en toute impunité pour les mouvements qui le font: Cecile Kyenge a ainsi fait l'objet dès 2013 d'une campagne extrêmement violente des politiciens de la Ligue du Nord, la qualifiant d'"orang outan" ou appelant à la violer. Lorsque la  brutalité du racisme verbal touche même des personnalités importantes socialement, évidemment, la violence ne peut être que plus grave et aussi physique pour les autres.

Les condamnations formelles n'ont évidemment pas jugulé la terreur raciste: pour que ce soit le cas, encore faudrait-il qu'elle soit reconnue comme telle dans toutes ses dimensions politiques et pratiques. Elle ne sort pas de nulle part, et n'est nullement une agrégation d'actes individuels spontanés d'individus ou même de groupuscules . Elle est bien liée à la puissance des mouvements fascistes et d'extrême-droite légaux, idéologiquement et physiquement, comme le démontre, une nouvelle fois le meurtre d'Emmanuel Chidi Namdi: son assassin n'était rien d'autre qu'un militant parfaitement ordinaire, une petite main brune comme il en existe désormais énormément en Europe.

C'est d'ailleurs au moins le deuxième meurtre commis en un mois par l'extrême-droite européenne, après celui de la députée anglaise Jo Cox.  La terreur d'extrême droite accélère sa progression.

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