samedi 29 mai 2021

Le génocide des Herrero et Nama enfin reconnu par l'Allemagne

Ce fut le premier génocide du vingtième siècle, il est enfin pris en compte.

Le 28 mai l’Allemagne a pour la première fois reconnu le 28 mai, avoir commis un génocide contre les populations des Herero et des Nama en Namibie, pendant l’ère coloniale.

C'est le résultat d'une mobilisation déterminée des descendant-es des victimes qui combattent dans ce sens depuis des dizaines d'années


 

 

                                   Manifestation de descendant-es Herero et Nama

« Nous qualifierons maintenant officiellement ces événements pour ce qu’ils sont du point de vue d’aujourd’hui : un génocide », a déclaré le ministre des affaires étrangères allemand, Heiko Maas, dans un communiqué.

« A la lumière de la responsabilité historique et morale de l’Allemagne, nous allons demander pardon à la Namibie et aux descendants des victimes » pour les « atrocités » commises, a poursuivi le ministre. Dans un « geste de reconnaissance des immenses souffrances infligées aux victimes », le pays européen va soutenir la « reconstruction et le développement » en Namibie par un programme financier de 1,1 milliard d’euros, a-t-il ajouté.

« L’acceptation de la part de l’Allemagne qu’un génocide a été commis est un premier pas dans la bonne direction », a réagi Alfredo Hengari, le porte-parole du président namibien, Hage Geingob.

A la fin du 19e siècle, les envahisseurs allemands s'emparent des terres et du bétail des Nama qui menaient une vie pastorale.

Les populations Herero et Nama vivaient dans la partie Sud-ouest du continent africain, devenu depuis la Namibie.

Dans le cadre de l'expansion de la colonisation allemande menée par Bismarck, alors chancelier de l'empereur Guillaume Ier, l'Allemagne s'octroie ce territoire en 1884 et le colonise.

Une extermination pour créer  ˝ un territoire blanc˝ 

Vingt ans plus tard, en 1904, des guerriers Herero, soutenus par leurs voisins Nama se soulèvent et tuent des colons allemands.

En juin 1904, le général Lothar Von Trotha, nommé commandant en chef des troupes de la colonie allemande du Sud-ouest africain, débarque dans la possession du Reich avec pour mission d'en finir avec la révolte des Herero et des Nama.

Von Trotha est déjà connu pour ses méthodes de répression coloniale  en Chine et dans l’Est africain allemand (Tanzanie, Burundi et Rwanda).

La guerre qu'il va mener, sur ordre de l’empereur Guillaume II, est féroce. Il planifie l’extermination des deux peuples en vue de constituer un territoire « blanc ».

Extermination de la rébellion

Les tribus Hereros représentent aujourd’hui environ 7 % de la population namibienne contre 40 % au début du XXe siècle.

Au total, au moins 60 000 Herero et environ 10 000 Nama perdirent la vie entre 1904 et 1908. Les forces coloniales allemandes avaient employé des techniques génocidaires : massacres de masse, exil dans le désert, où des milliers d’hommes, femmes et enfants sont morts de soif, et camps de concentration, comme celui tristement célèbre de Shark Island.

 

Des ossements, en particulier les crânes de victimes, furent envoyés en Allemagne pour des expériences scientifiques à caractère racial. Le médecin Eugen Fischer, qui a officié à Shark Island et dont les écrits ont influencé Adolf Hitler, cherchait à prouver la « supériorité de la race blanche ».

 

Réparation limitée.

Le chef de la diplomatie allemande précise qu’il ne s’agit pas de dédommagements sur une base juridique, et que cette reconnaissance n’ouvre la voie à aucune « demande légale d’indemnisation ». Cette somme sera versée sur une période de trente ans, selon des sources proches des négociations, et doit profiter en priorité aux descendants de ces deux populations.

« On ne peut pas tirer un trait sur le passé. La reconnaissance de la faute et la demande de pardon sont toutefois un pas important pour surmonter le passé et construire ensemble l’avenir », a estimé le chef de la diplomatie allemande.

Dans une volonté de réconciliation, l’Allemagne avait remis en 2019 à la Namibie des ossements de membres des tribus Herero et Nama exterminés, et la secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, Michelle Müntefering, avait alors demandé « pardon du fond du cœur ».

Un geste jugé nettement insuffisant par leurs descendants et les autorités namibiennes, qui exigeaient des excuses officielles et des réparations. L’Allemagne s’y était à plusieurs reprises opposée, invoquant les millions d’euros d’aide au développement versés à la Namibie depuis son indépendance, en 1990.

Si le travail de mémoire en Allemagne sur la période nazie est généralement jugé exemplaire, celui sur la période coloniale en Afrique, de la deuxième moitié du XIXe siècle et du début du XXe, a été longtemps délaissé.

La reconnaissance du premier génocide du vingtième siècle représente un pas en avant et une victoire. En Allemagne également, le Parlement (Bundestag) avait reconnu le génocide arménien en mai 2016, s'opposant ainsi au négationnisme de l’État turc qui fait pression afin d'empêcher cette reconnaissance. D'ailleurs Angela Merkel considère que la résolution du Parlement n'est pas contraignante et n'a donc pas franchi le pas formel de cette reconnaissance.

La reconnaissance de l'Allemagne se produit au lendemain de la visite d'Emmanuel Macron au Rwanda, au cours de laquelle il a reconnu des responsabilités françaises dans le génocide des Tutsi en 1994, mais n'a pas présenté d'excuses officielles au nom de la France. Il s'agit donc d'une avancée mais nous sommes loin de la justice, notamment à l'égard des responsables de l'État français ( Mitterrand, Hubert Védrine, Alain Juppé et autres)  qui ont mené cette politique  secrète au nom du pays.

Le combat se poursuit ici pour la vérité et la justice, contre l'impunité des complices d'un génocide qui fit un million de morts en trois mois.

MEMORIAL 98

Articles de Memorial 98 en rapport:

http://www.memorial98.org/2016/12/le-premier-genocide-du-xxe-siecle-herero-et-nama-face-a-l-allemagne-imperiale.html (dossier sur le génocide des Herrero)

http://www.memorial98.org/2016/05/genocide-des-armeniens-reconnaissance-historique-en-allemagne.html

http://info-antiraciste.blogspot.com/2021/04/genocide-des-tutsi-1994-il-faut-obtenir.html

http://info-antiraciste.blogspot.com/2019/04/genocide-des-armeniens-un-combat.html

http://www.memorial98.org/2016/04/la-memoire-des-genocides-nourrit-nos-combats.html

http://info-antiraciste.blogspot.com/2020/07/srebrenica-25-ans-pres-le-dernier.html

 

 

 

 

 

 

 

dimanche 9 mai 2021

8 mai 1945: la mémoire du nazisme nourrit nos combats

 


8 mai: une mémoire actuelle, 76 ans après la chute du nazisme.


1945: la capitulation et la joie


Le 7 mai 1945, à 2h41 du matin, l'Allemagne nazie capitule. C'est la fin des combats en Europe.
Hitler, arrivé au pouvoir le 30 Janvier 1933, vient de se suicider, le 30 avril. Le "Reich de 1000 ans" qu'il promettait, aura duré 12 ans. Il a eu néanmoins le temps de déclencher la 2e guerre mondiale et de mettre en œuvre la Shoah.

Le lendemain, une immense vague de joie déferle sur la planète, provoquant des scènes de liesse dans toutes les capitales, à l’exception de Berlin et Tokyo.

Le régime impérial japonais poursuit les combats dans le Pacifique, la Seconde Guerre mondiale n’est pas encore terminée.

La joie est  ternie par la  découverte des camps de mise à mort , depuis quelques mois, au fur et à mesure de la progression des armées alliées, notamment soviétiques. Le dernier camp est "libéré" le 8 mai 1945; il s'agit de celui de Theresienstadt/Terezin, en Tchécoslovaquie alors que Auschwitz l'a été le 27 janvier de la même année. .

Alors même que s'effondrait le régime le plus réactionnaire que l'histoire ait connu, les peuples colonisés exprimèrent leurs aspirations à l’égalité et à l'auto-détermination.
Ainsi l’Algérie "française"  connait, en ce jour du 8 mai 1945, des scènes de répression coloniale d’une extrême violence. Les célébrations se terminent dans un bain de sang à Sétif, Guelma, et Kherrata, entraînant la mort d’environ 45 000 personnes.

Un passé toujours actuel

Le souvenir du 8 mai 1945 et plus généralement de la période de Vichy et de la collaboration avec les nazis demeure un sujet de  débat et de clivage notamment dans la droite, mais aussi dans une partie de la gauche. 

Ainsi Giscard d'Estaing, alors président de la République, avait supprimé la commémoration du 8 mai à partir de 1975, sous prétexte de construction européenne.
Elle fut rétablie en 1981 par Mitterrand. 

Mais ce dernier a maintenu la fiction d'une non responsabilité des autorités françaises notamment dans la déportation des Juifs de France.
Il a dans ce cadre mis en œuvre, de 1987 à 1992,  un hommage à Pétain auquel il ne mit fin qu'à la suite d'un important scandale face à la persistance de cette révérence si choquante. Alors qu'on commémore cette année le quarantième anniversaire de l'accession au pouvoir de Mitterrand le 10 mai 1981, le respect organisé de la personne de Pétain représente une des tâches de cette présidence.

 L'implication de Mitterrand et de Hubert Védrine dans le génocide des Tutsi de 1994, documentée certes encore incomplètement, dans le rapport Duclert, en est une autre.   
 

A droite, c'est Sarkozy qui lança, dès sa campagne électorale de 2007, une offensive d'ampleur contre la "repentance" et contre la reconnaissance de la participation des autorités françaises à la Shoah. A peine élu, il a choisi de boycotter la cérémonie du 8 mai 2007, pour ne pas se retrouver à côté de Chirac qui avait reconnu les responsabilités françaises dans la déportation des Juifs. 
A l'époque, Patrick Devedjian, alors dirigeant de premier plan de l'UMP, décédé depuis, en résumait ainsi les enjeux (dans le journal Le Monde du 10 avril 2007) : " La droite est sortie honteuse de la guerre. Depuis la Libération, la gauche exerce un magistère moral sur l'histoire, distribuant les bons et les mauvais points: à gauche le parti des fusillés, à droite les collaborateurs. Même Chirac n'a jamais dit qu'il était de droite, et Jospin n'a pas hésité à dire de la droite qu'elle était héritière d'un courant anti-dreyfusard, antisémite et raciste. Il (Sarkozy) a sorti nos valeurs de la réclusion, il redonne sa dignité à la  la droitisation de la société permet aujourd'hui ce réajustement idéologique qui anticipe la victoire politique".

Plus concrètement, il s'agissait alors pour la droite comme aujourd'hui de récupérer les thèmes et l'électorat du FN et donc de jouer sur le nationalisme. Sarkozy a sans cesse œuvré à légitimer  les thèses du Front National
Son successeur, Laurent Wauquiez, a poursuivi dans la même voie et accueilli en grande pompe Eric Zemmour qui travaille à réhabiliter Pétain et son régime. La campagne électorale qui s'ouvre pour les élections régionales de juin prochain et la présidentielle 2022 montre à quel point la lâcheté et la complaisance à l'égard des idées racistes du FN/RN entraîne toute la société vers une possible catastrophe. On a encore vu récemment un des dirigeants de la droite LR, Eric Ciotti, réduire ses différences avec le RN à une prétendu "capacité à gouverner" 

 


De son côté  Macron multiplie les lois répressives. Ses ministres dénoncent sans cesse un "islamo-gauchisme" inventé par les courants les plus réactionnaires de la droite. Cette épouvantail a pour vocation de discréditer ceux et celles qui s'opposent
 Emmanuel Macron a aussi voulu rendre hommage à Pétain, lors du centenaire de la fin de la première guerre mondiale. Il a repris l’argumentation bien connue sur le « grand soldat » qui aurait ensuite fait « des choix funestes ». Face au scandale, il a du renoncer à cet hommage.

Nous en appelons plus que jamais au combat contre les idéologies et actes racistes et antisémites quels que soient leur prétexte, et pour l'avenir d'un monde débarrassé de la menace fasciste.
 
Le soixante seizième anniversaire de la victoire contre le nazisme est commémoré cette année dans les conditions particulières de la pandémie du Covid.

Cela a déjà été le cas cette année des anniversaires en avril du génocide des Tutsi au Rwanda, marqué par la publication d'un important rapport sur les responsabilités françaises, et de celui des Arméniens. 
L'insurrection du ghetto de Varsovie a donné lieu à une importante mobilisation avec pour la première fois  l'organisation d'un hommage public sur la place de l'Hôtel de Ville de Paris, à l'appel du Réseau d'Actions contre l'Antisémitisme et tous les Racismes ( RAAR) et de nombreuses associations dont Memorial 98. La vidéo de cet événement se trouve ici 
La crise sanitaire du Covid donne lieu à un déferlement de propagande complotiste et antisémite et à des manifestations à tonalité d’extrême-droite dans plusieurs pays.
 
Malgré la défaite retentissante de Trump et la catastrophe sanitaire provoquée par lle fasciste Bolsonaro au Brésil

En France on assiste  à des attaques contre des responsables de santé d’origine juive .
Soral, toujours en liberté malgré ses condamnations à des peines de prison ferme, est évidemment  au premier plan avec sa vidéo nommée Couillonavirus Communauté organisée qui tient la France
Il y stigmatise "le gang qui a en charge la médecine d’État : Buzyn, Lévy, Bauer, Hirsch, Jacob, Guedj, Salomon… C’est la liste de Schindler. » il éructe que les Juifs « veulent faire du pognon sur le dos des Français, affaiblir le peuple français par le nombre de morts » .
Mais au delà de sa propagande, de nombreuses «  explications diaboliques » envahissent les réseaux sociaux et les milieux déjà touchés par l’intervention de réseaux complotistes d’extrême-droite, notamment lors du mouvement des Gilets jaunes.


Aux États-Unis les manifestations contre les mesures de protection sanitaire se sont multipliées, notamment dans le États dirigés par les démocrates,initiées  par une coalition de suprémacistes, d’intégristes et de lobbyistes des armes à laquelle se sont joints les complotistes « anti-vaxxers », hostiles aux vaccinations. De nombreux slogans antisémites ont été lancés lors de ces manifestations,
s’ajoutant ainsi aux crimes des synagogues de Pittsburgh et San Diego et à la manifestation meurtrière des suprémacistes blancs à  Charlottesville en août 2018.  
                                              L'appel à la manifestation fasciste de Charlottesville

En Allemagne, une mobilisation du même type se nomme «  Résistance 2020 » et s’appuie sur le parti d’extrême-droite AfD (Alternative pour l'Allemagne)
 Le co-président de ce parti Alexander Gauland décrit le jour de la fin de la Seconde Guerre mondiale, comme étant un "jour de défaite absolue".
Il réagissait ainsi aux appels répétés en Allemagne pour faire du 8 mai un jour férié, ce qui n’est pas le cas actuellement sauf à Berlin. Dans cette ville qui constitue aussi un État, le 8 mai a été fêté et férié à titre exceptionnel en 2020 lors du 75e anniversaire, en tant que symbole de libération du nazisme.  Une pétition nationale demande la généralisation de cette démarche.
 "Le 8 mai n'a pas le potentiel d'être un jour férié car c'est un jour ambivalent", a déclaré Gauland. "Pour les détenus des camps de concentration, c'était une journée de libération. Mais ce fut aussi un jour de défaite absolue, un jour de perte de grandes parties de l'Allemagne ( à l'Est) et de la possibilité de façonner de nouvelles choses".   
Gauland  n’en est pas à son premier dérapage en la matière, alors qu’il se présente comme le leader l’aile « modérée » de l’AfD, opposée au négationniste Bjorn Hoecke, chef du parti en Thuringe. 
En juin 2018, il avait comparé la période nazie à “une fiente d’oiseau” au regard de 6 000 ans d’histoire allemande. Une manière de réduire le IIIe Reich à un détail, ce qui avait déjà provoqué une vague de critiques. Il avait aussi vanté “les performances des soldats allemands durant la Seconde Guerre mondiale”, en septembre 2017.

La date du 8 mai rappelle à nouveau que le fascisme et le nazisme ont finalement été vaincus mais que si on les laisse prospérer, ils auront auparavant provoqué d'immenses drames et nombreuses catastrophes humaines.C'est pourquoi nous les combattons sans relâche


MEMORIAL 98

lundi 3 mai 2021

En route vers le négationnisme: la nouvelle dérive de l'UJFP

 

Mise à jour du 6 mai 2021

 

L'UJFP déclare qu'elle a retiré son texte à caractère négationniste en publiant une "mise au point" .

 

L'explication fournie pour ce retrait argumente sur une maladresse et des problèmes de formulation, sans expliquer comment un texte aussi catastrophique a pu être produit, validé , publié et maintenu sur le site Internet officiel d'une organisation qui déclare lutter contre le racisme, et ce pendant plus d'une semaine.

Ce texte originel, dont la lecture est nécessaire afin de comprendre de quoi il s'agit, se trouve toujours ici : https://web.archive.org/web/20210502223916/https://ujfp.org/reflexions-sur-lusage-du-terme-shoah-et-la-lutte-contre-lantisemitisme-dans-le-discours-officiel/


MEMORIAL 98

 

L’Union Juive Française pour la Paix (UJFP)  vient de publier sur son site Internet, un texte  critiquant l'utilisation du terme Shoah et présenté comme issu de sa" Commission antiracisme politique, pour la Coordination nationale de l’UJFP le 29 avril 2021"

Ce texte reprend de très nombreux poncifs de la mouvance négationniste/antisémite dite d’ultragauche.

Cette déclaration, suffisamment grave pour mériter notre réaction, nous explique dans son argumentaire central que :

« La destruction des Juifs au cours de la seconde guerre mondiale est l’histoire spécifique de l’Europe occidentale habituée par ailleurs à traiter les indigènes des colonies qu’elle occupait en sous-hommes, taillables et corvéables à merci. Réduits la plupart du temps à l’état d’esclavage. La nouveauté dans la destruction des Juifs d’Europe a résidé dans le fait qu’ils étaient blancs et européens  Qu’un certain nombre ont été transformés par les nazis en esclaves aux services des entreprises allemandes travaillant pour l’effort de guerre nazi jusqu’à l’extrême limite de leur résistance physique avant d’être détruits et réduits en cendres.

Ainsi, si on comprend bien le raisonnement tortueux de l’UJFP, il n’y avait pas de la part des nazis et d’Hitler de projet génocidaire (ce terme ne figure d’ailleurs pas un seule fois dans le texte UJFP), visant à tuer tous les Juifs d’Europe et d’ailleurs. Il s'agissait uniquement, selon l'UJFP,  d'un projet d’exploitation de la force de travail de ces Juifs, puis d’élimination après usage.

Afin de pouvoir à toute force présenter la Shoah comme une simple poursuite en Europe des entreprises coloniales, le texte nie la volonté nazie d’exterminer les Juifs dans le cadre de la "solution finale du problème juif".

Cette argumentation s’oppose à toute l’histoire réelle de la Shoah.

Nié le discours d’Hitler au Reichstag le 30 janvier 1939, pour le sixième anniversaire de sa prise du pouvoir en 1933, Hitler déclare :

« Je vais à nouveau être prophète, aujourd'hui : si la juiverie financière internationale, hors d'Europe et en Europe, réussissait à précipiter encore une fois les peuples dans une guerre mondiale, alors la conséquence n'en serait pas la bolchévisation de la terre et la victoire de la juiverie, mais l'anéantissement de la race juive en Europe » s’agit-il de travail forcé ?

Quand dès septembre 1941 en Ukraine à  Babi Yar, trente-trois mille sept cents Juifs ukrainiens de tous âges et des deux sexes ont été tués par les nazis, s’agissait-il de travail forcé ?

Quand Eichmann est chargé de mettre en œuvre la «  solution finale de la question juive en Europe » il s’agissait donc de travail forcé ?

Quand 900000 Juifs polonais, notamment de Varsovie sont mis à morts dans le camp de Treblinka, s’agissait-il de travail forcé ?

Quand les Juifs de Norvège, de Grèce, de Hongrie, de France furent traqués et transportés à Auschwitz et dans d’autres camps de mise à mort, s’agissait-il de travail forcé?

Les centaines de milliers d’enfants Juifs assassinés par les nazis étaient-ils destinés au travail forcé ?

Les rédacteurs de ce texte infâme ignorent-ils que le projet nazi d’anéantissement des Juifs a duré jusqu’au dernier moment de la guerre et qu’il était prioritaire par rapport à toute forme de travail forcé ?

Il y a une histoire déjà longue du négationnisme dit d’ultragauche. Il s’est agi depuis longtemps de relativiser la Shoah et l’antisémitisme nazi afin de combattre prétendument le discours antifasciste qui servirait de caution au capitalisme et à la « démocratie bourgeoise »

Dès 1960 circulait un texte dénommé « Auschwitz ou la Grand Alibi » produit par un groupuscule « bordiguiste » . Celui-ci ne niait pas la Shoah mais exonérait les nazis de leur antisémitisme exterminateur et prétendait « expliquer » le génocide par une concurrence entre différentes fractions de la petite-bourgeoise. Cette grille de lecture soi-disant marxiste ouvrait en réalité la voie au négationnisme antisémite dans lequel se sont illustrés le groupe de la Vieille Taupe de Pierre Guillaume et tant d’autres groupes et revues, de la Guerre Sociale à La Banquise.

Il ne s’agit plus de marxisme mais d’un prétendu « décolonialisme » mais qui aboutit à la même démarche: il faut minimiser la Shoah et la placer dans la continuité du colonialisme.

Les spécialistes de l’UJFP vont-ils appliquer la même grille au génocide des Arméniens, à celui des Tutsi, des Bosniaques musulmans de Srebrenica, à celui des Rohingyas ?

Un grave danger guette l’UJFP: quand la ligne rouge est franchie, comme dans cette déclaration, tout devient prétexte à mettre en cause les projets génocidaires des régimes exterminateurs. C’est d’ailleurs ce qu’on trouve dans d’autres passages du texte, qu’on croirait tirés de la prose de propagandistes antisémites, ainsi: 

« Nous devons nous interroger sur le sens et le bruit entretenu à propos de la lutte contre l’antisémitisme, réel ou supposé, contre l’antisémitisme seul » L’allusion porte sans doute sur les assassinats de Mireille Knoll et celui de Sarah Halimi , voire celui de Ilan Halimi que l’UJFP avait refusé de reconnaître comme un acte antisémite. L'UJFP s'est d'ailleurs à nouveau dissociée de la commémoration largement unitaire du quinzième anniversaire de cette mort en distribuant un tract provocateur lors de cette initiative

Idem pour la comparaison nauséabonde entre le sort des enfants Juifs assassinés et le sort d’enfants expulsés avec leurs parents après être passés par des Centres de rétention ( c’est évidemment une mesure ignoble pour laquelle la France a été condamnée plusieurs fois par la justice européenne) Certes le texte est obligé de reconnaître  que « Même si, nous le savons, la mort programmée n’est pas la finalité de leur déportation » mais dans ce cas pourquoi comparer et pourquoi parler de « déportation » et de «  disparition par l’expulsion/élimination » ?.

Si cette déclaration avait été la première manifestation d’une position trouble face à la Shoah et à l’antisémitisme, elle serait déjà fort dangereuse

Mais il s’agit ici de bien autre chose: l'UJFP n'a jamais mené une quelconque action contre l'antisémitisme. Sa seule ligne en ce domaine consiste à justifier les propos antisémites de personnes telles que Houria Bouteldja et ses acolytes.

Récemment un des ses représentants à Bordeaux a exigé que le terme antisémitisme soit retiré de l’intitulé d’une commission municipale destinée à lutter contre le racisme et l’antisémitisme.

Cela remonte à fort loin puisque déjà en 2006 ce groupe a boycotté avec d'autres organisations tout aussi aveuglées, le rassemblement de protestation après le meurtre antisémite de Ilan Halimi, au prétexte que la police et la justice qui n'avaient pas établi le caractère antisémite de l'affaire.  

Cet étrange raisonnement, s'agissant d'organisations habituellement peu enclines à s'aligner sur les analyses policières, témoignait du refus à s'emparer du combat contre l'antisémitisme, en raison des liens supposés avec la situation au Moyen-Orient.

La même confusion s'est poursuivie lors de la marche blanche après le meurtre de Madame Knoll en 2018  puisque l'UJFP s'est alors rangée sous la bannière de Daniel Knoll, qui défendait également la présence du Front National lors de cette marche (voir ici)

Les militant-es de l’UJFP sont évidemment directement concerné-es par cette déclaration abjecte faite en leur nom.

Espérons qu’ils-elles sauront l’exprimer.

Memorial 98