dimanche 13 novembre 2016

Rosa Parks: héroïne du combat contre la ségrégation raciale.



                              Rosa Parks et Martin Luther King



Le 13 novembre 1956 représente une date majeure dans l’histoire du mouvement des droits civiques et de la lutte contre la ségrégation raciale  aux États-Unis. 


Ce jour là, la Cour suprême des USA statua, par l'arrêt dit « Browder v Gale »,  que la ségrégation dans les bus était anticonstitutionnelle. 

Cette décision répondait au mouvement de boycott des bus pratiquant cette ségrégation lancé à Montgomery, en Alabama, depuis le 5 décembre 1955, au lendemain de la condamnation de Rosa Parks (voir ci-dessous)
La nouvelle ne parvint à Montgomery que le 20 décembre suivant. Le boycott cessa le lendemain, après 381 jours de mobilisation.   

Quelques jours après l’élection d’un Trump qui a mené une campagne raciste et discriminatoire, il est important de se souvenir du long combat, encore largement inachevé, des Afro-américains vers l’égalité des droits. 
La multiplication des crimes racistes commis par la police mais aussi le terrorisme d’extrême-droite dirigé contre les Afro-américains comme à Charleston en juin 2015 indiquent la gravité de la situation. 
D'ores et déjà, après la présidentielle, les actes et paroles racistes sont en forte augmentation aux USA, comme lors du Brexit  en Grande-Bretagne    

La ségrégation raciale était répandue dans les transports publics aux États-Unis, et même officialisée par une décision de la Cour suprême en 1896.

Dans les bus de Montgomery, les quatre premiers rangs étaient réservés aux Blancs. Les Noirs, qui représentaient 75 % des usagers, devaient utiliser les places à l'arrière du bus. 
Ils pouvaient néanmoins s'asseoir dans la zone centrale, mais seulement jusqu'à ce que des Blancs en aient besoin; ils devaient alors soit céder leur place et aller vers le fond, soit quitter le bus. 
Si les places centrales étaient occupées, les Noirs devaient tout de même acheter leur billet à l'avant, mais devaient ressortir du bus avant de rentrer par la porte arrière pour rejoindre les emplacements qui leur étaient destinés au fond du bus.

C’est contre cette discrimination raciste que se dresse Rosa Parks lorsque, le 1er décembre 1955, elle refuse d'obéir au conducteur de bus Blake qui lui ordonnait de laisser sa place à un Blanc et d'aller s'asseoir au fond du bus.

Depuis de nombreuses années, la communauté noire se plaignait de la situation. Avant le refus de Rosa Parks, devenu célèbre, Claudette Colvin, une adolescente âgée de 15 ans avait été arrêtée le 2 mars 1955 pour avoir enfreint ce règlement, et d'autres personnes l'avaient payé durement, parfois de leur vie.
Rosa Parks en témoigne : « Ma résistance à ces mauvais traitements dans le bus n'ont pas commencé avec cette arrestation. J'ai fait beaucoup de marche à pied à Montgomery. » 
Elle en avait fait l'expérience un jour pluvieux de novembre 1943, quand le même chauffeur de bus, James Blake, comme à son habitude, lui indiqua de payer sa course à l'avant, redescendre et de remonter par la porte arrière. Voyant que l'accès par l'arrière est encombré, elle décide d'aller directement vers le fond. Blake furieux, la main sur son revolver, l'empoigne pour la ramener vers l'avant. Elle laisse alors tomber son sac à main et s'assied un instant sur un siège réservé aux passagers Blancs pour le récupérer. Blake lui laisse à peine le temps de descendre du bus, qu'il redémarre. Ironie du sort, elle se confrontera au même chauffeur le 1er décembre 1955, alors qu'elle cherchait à l'éviter depuis cet événement.

Ce jour de 1955, elle n'avait pas planifié son geste, mais une fois décidée, elle l'assume totalement. Après son travail, elle prend le bus vers 18 heures. Alors qu'elle s'est assise au milieu, quatre personnes blanches montent à l'arrêt devant l’Empire Theater mais il n'y a de places assises que pour trois passagers. Le quatrième le signale à Blake qui demande aux Noirs d'une rangée du milieu d'aller à l'arrière. Ces derniers refusent puis finalement les trois hommes noirs obtempèrent, mais Rosa reste dans cette rangée, acceptant uniquement de se déplacer à droite.
Blake, furieux qu'elle refuse de se déplacer dans la colored section, descend du bus et appelle son chef, qui lui indique de faire venir la police. Rosa Parks est alors arrêtée, emmenée au poste de police de l'Hôtel de ville puis transférée à la prison. 
Elle prend contact avec un avocat noir, membre de la NAACP (National association for the advancement of coloured people) , principale association de défense des droits des Noirs américains. Celui-ci comprend l'intérêt symbolique du combat à mener. Il appelle un avocat blanc, Clifford Durr, qui accepte de contester la loi sur la ségrégation dans les bus. Ils la font libérer le lendemain soir.

La nuit suivante, cinquante dirigeants de la communauté afro-américaine, emmenés par un jeune pasteur peu connu à l'époque, Martin Luther King, se réunissent pour discuter des actions à mener à la suite de l'arrestation de Rosa Parks . Ils y fondent la Montgomery Improvement Association, dont ils élisent King comme président. Il y popularisera les pratiques de la désobéissance civile.


Le mouvement a trois revendications immédiates:
1. Que les Blancs et les Noirs puissent s'asseoir où ils veulent dans l'autobus.
2.   Que les chauffeurs soient plus courtois à l'égard de toutes les personnes.
3.   Que des chauffeurs noirs soient engagés.

Boycott

Jugée et inculpée de désordre public ainsi que de violation des lois locales le  5 décembre, Rosa Parks écope d'une amende de 10 dollars (plus 4 dollars de frais de justice). Ses avocats décident de faire appel.

La veille du procès, 35 000 tracts ont été distribués pour inviter les Noirs à ne plus emprunter les bus à compter du lundi 5 décembre. Le mot d'ordre fut repris par le journal noir local, The Montgomery Advertiser et reconduit après une réunion à l'église. 

C'est le début du boycott des bus de Montgomery; il se prolongera pendant 381 jours. Des douzaines de bus publics restèrent au dépôt pendant des mois jusqu'à ce que la loi sur la ségrégation dans les bus publics fût levée. La plupart  des usagers marchèrent à pied ; des taxis conduits par des Noirs firent des trajets au tarif du bus (10 cents). Localement, quelques Blancs les soutinrent, parfois par idéologie, parfois simplement parce qu'ils avaient besoin que leurs employés noirs viennent travailler. Peu à peu, grâce en partie à l'écho international qu'eut le mouvement, des fonds ont commencé à arriver, permettant de mettre en place un service d'autobus parallèle, ou plus modestement l'achat de paires de chaussures.
Des actes racistes violents furent perpétrés, y compris le dynamitage des domiciles de Martin Luther King et de l'avocat Edgar Nixon.
Ce mouvement provoqua beaucoup d'autres protestations contre la ségrégation menée aux États-Unis.

Décision de la Cour suprême

Finalement, le 13 novembre 1956, la Cour suprême des USA statua par l'arrêt dit « Browder v Gale », qui proclama que la ségrégation dans les bus était anticonstitutionnelle. La nouvelle ne parvint à Montgomery que le 20 décembre suivant. Le boycott cessa le lendemain.

Toutefois, la violence continua avec des tirs contre les bus et le domicile de Luther King et des explosions visant les églises fréquentées par les Noirs. Et, si la ségrégation avait été abolie dans les bus de l’État , ce n'était pas encore le cas pour les liaisons entre les différents États. Un groupe de jeunes fonda le Freedom Ride (qui peut se traduire par les voyages de la liberté), mais après quelques jours, un de ces bus fut stoppé par le Ku Klux Klan ; ses occupants furent frappés et le car brûlé. Ce n'est qu'en 1964  que les lois ségrégationnistes furent abrogées par le Civil Rights Act qui interdit toute forme de ségrégation dans les lieux publics, puis en 1965  par le Voting Rights Act qui supprime les tests et les taxes imposés pour devenir électeur. Ces moyens étaient utilisés afin d’empêcher les Afro-américains de voter.


Alors que s'ouvre aux États-Unis une période d'affrontements, nous rendons hommage aux combattant.e.s des droits civiques et de l'égalité, à Rosa Parks, Martin Luther King et tous les autres, pionniers d'un avenir nécessaire.



Actualisation du 14 novembre: hommage à deux autres héroïnes, Barbara Henry et Ruby Bridges

14 novembre 1960 : la lutte contre la ségrégation raciale et pour les droits civiques des Noirs bat son plein.

Le président Eisenhower a concédé l’ouverture des écoles blanches aux Afro-américains.
Ruby Bridges, alors âgée de 6 ans, est la première à franchir les portes d’une école de La Nouvelle-Orléans, sous les huées et les projectiles d’une foule blanche déchaînée.

Face aux menaces de mort, de kidnapping et de torture que la famille Bridges reçoit, le président Eisenhower envoie, le lendemain, quatre gardes fédéraux (Marshalls) pour la protéger (ci-dessous)



Les parents blancs retirent immédiatement leurs enfants de l’établissement. 

Tous les enseignants, à l'exception d'une professeur blanche nommée Barbara Henry, refusèrent également de faire cours s'il y avait une enfant noire dans l'école. Pendant un an, Mme Henry enseigna donc uniquement à Ruby, comme si elle enseignait à toute une classe.
Son père perdit son emploi suite à et ses grands-parents, agriculteurs du Mississippi, furent renvoyés de leurs terres.

Ruby Bridges, aujourd'hui Bridges Hall, vit toujours à La Nouvelle-Orléans. Elle est maintenant la porte-parole de la Ruby Bridges Foundation, fondée en 1999 pour promouvoir « les valeurs de la tolérance, du respect et de l'appréciation des différences ». Décrivant la mission de cette association, elle dit : « le racisme est une maladie importante ».



Memorial 98 

Mise à jour du 5 novembre 2018

Alors que Donald Trump encourage la violence contre les minorités et ses opposants, le combat et la figure de Rosa Parks demeurent plus que jamais des exemples de détermination et de courage. Sa lutte contre les discriminations représente l'avenir d'une humanité débarrassée du racisme et des ségrégations de tous ordres.

MEMORIAL 98 
 
 Mise à jour du 3 janvier 2019



La parution de la traduction du témoignage de Rosa Parks  "Mon Histoire" (ci-dessus, éditions Libertalia, 10 Euros) constitue une excellente nouvelle. Ce petit volume relate sa vie d'enfant noire en Alabama et bien sûr ses combats contre la ségrégation et pour les droits civiques.

Memorial 98




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