« Un crime
contre l'humanité peut indigner. C'est pourquoi il est préférable
de les multiplier si l'on veut être reconnu comme incontournable ».
Le précepte n'était pas
dans la version originelle de Machiavel , mais nul doute qu'il
figurerait dans une mise à jour contemporaine.
Celle qui pourrait être
faite en se fondant sur la position d'Emmanuel Macron concernant
Bachar El Assad, à qui « il ne voit pas de remplaçants ».
Il est bien certain,
factuellement, que beaucoup de révolutionnaires ne sont plus là
pour incarner l'avenir : après six ans d'exécutions de masse,
de bombardements ininterrompus jusque sur les écoles et les
hôpitaux, de disparitions forcées, d'exils imposés, de torture
sans nom, le constat d'Emmanuel Macron résonne comme l'expression du
cynisme le plus impitoyable.
Assad et Poutine ont
massacré à tour de bras, ont décapité toute une génération ,
brisé l'avenir des enfants, et éradiqué une bonne partie des
générations précédentes. Et la politique d'Assad s'est résumée
pendant six ans à une seule doctrine : qu'il n'en reste qu'un
au milieu des ruines, je serai ce dernier.
Il ne l'est pas encore,
et ce seul constat traduit l'extraordinaire résistance des Syriens
face à la dictature : si, justement, c'est encore la guerre, et
pas seulement contre Daech, c'est bien que la force de la révolution
syrienne est immense , car elle n'est pas morte même après mille
crimes plus féroces les uns que les autres.
Mais ces gens là sont un
peu trop fatigués, un peu trop faibles au goût de notre Président,
qui se targue de pouvoir juger qui est légitime et qui ne l'est pas,
lui qui n'a pris le pouvoir que par effet repoussoir face à
l'extrême-droite et aux fascistes. Il ne les a pas combattus, nous
l'avons fait pour lui, mais imbu d'un sentiment de supériorité qui
serait ridicule, s'il n'était pas tragique, le Jupiter de papier se
permet de juger que des révolutionnaires qui tiennent bon, seuls au
monde face au fascisme le plus brutal, ne sont pas « crédibles ».
Mais ça passe, en
France du moins, dans une grande partie du champ politique : la
Syrie et Poutine font partie de ces sujets où entre les partisans à
peine masqués de ces deux régimes , les partisans du laissez-faire,
et puis les indifférents, les lassés, les soutiens de la révolution
syrienne sont bien seuls.
En dehors des moments où chacun juge convenable de
s'indigner face à un massacre médiatisé, ou une image choc,
finalement, l'opinion générale dans le champ politique est bien
qu'il n'y a pas de remplaçant à Assad, surtout face à Daech. Parce
qu'une révolution, n'est ce pas, ce n'est pas une remplaçante
réaliste, il faut des hommes forts pour remplacer les hommes forts,
dans ces pays lointains, sans quoi, qui va tenir la bride à ces
populations peu dignes de confiance, qui va faire en sorte que le
sang reste sur place et ne vienne pas nous éclabousser par
l'entremise de Daech ?
Et comme le dit, Emmanuel Macron , le seul sujet qui
vaille , finalement, n'est-il pas le « terrorisme » ou
plus exactement le terrorisme qui nous frappe. Parce que les crimes
contre l'humanité commis par Assad et Poutine sont bien la terreur
totale érigée au rang d'unique stratégie.
Mais enfin, admettons que Daech soit le seul
problème. Et bien, en guise de solution, Emmanuel Macron leur offre
le plus bel avenir qu'ils puissent espérer. Car s'il n'y a pas de
remplaçant à Bachar, il n'y en pas à Daech non plus.
On peut refaire l'Histoire comme on veut, on ne
pourra nier que l'émergence de l'Etat Islamique comme force capable
de peser dans le monde entier n'aurait pu arriver sans Assad. Sans le
choix délibéré de détruire dans le sang toute la Syrie en révolte
pour la liberté, l'Etat Islamique serait resté Daech, un groupe
terrifiant mais régional . C'est en portant comme étendard de sa
légitimité, les crimes d'Assad et la volonté de les combattre,
dans un monde qui ne les combattait pas que Daech a pu s'imposer
idéologiquement. Bien évidemment, la construction de l'organisation
ne s'est pas fondée uniquement sur ce discours, mais sans ce
discours, Daech n'avait pas grand-chose qui le distingue de cent
autres groupes. Sa force particulière n'est pas venue de sa
dynamique interne, mais bien de la capacité de ses chefs à
comprendre l'effet levier du relativisme mondial sur les crimes
contre l'humanité commis par une dictature impitoyable dont certains
formateurs furent des nazis accueillis à bras ouverts : dès
lors que le monde qui se disait libre acceptait de porter le joug
sanglant des horreurs commises en Syrie, dès lors qu'il était
indifférent au combat à portée universelle des révolutionnaires
syriens pour la démocratie, toute injonction morale concernant Daech
pouvait être balayée très facilement.
Dès lors qu'Assad est reconnu comme légitime par
des acteurs internationaux, alors Daech a gagné. Sa structure
actuelle, ses dirigeants encore vivants peuvent bien disparaître et
périr militairement, l'organisation terroriste aura imposé son
récit pour l'avenir.
Celui-ci est simple : les crimes contre
l'humanité sont la chose la plus banale et la plus acceptée du
monde entier, la seule question est de choisir un camp parmi ceux qui
les commettent, nous en proposons un, ceux qui auront laissé Assad
rester ne font qu'en proposer un autre, tout aussi monstrueux. Chacun
pour soi, mais Dieu est avec nous. Ce sera ça , le discours de
la prochaine génération djihadiste, qui se construit déjà, dans
les revers militaires subis par Daech. Ce discours là se fondera sur
le rappel permanent des atrocités du régime syrien, et de sa
persistance, malgré les crimes contre l'humanité.
Si Emmanuel Macron et les siens ne voient personne
pour remplacer Assad, toute personne douée d'un minimum de raison ne
peut voir personne d'autre que les révolutionnaires syriens pour
lutter contre Daech et son monde, à terme.
Depuis six ans, ils sont en effet ceux qui ont donné
et donnent leur vie pour combattre des crimes contre l'humanité. Ils
sont la réponse la plus forte et la plus belle donnée à Daech,
celle qui ne raisonne pas en termes de protection unilatérale de sa
propre vie, mais la sacrifie pour la liberté, l'égalité et la
fraternité.
Ces termes sont inscrits au fronton d'une République
dont le président Emmanuel Macron déclare en grande pompe que les
crimes contre l'humanité ne sont pas un préalable à la
reconnaissance internationale d'un dictateur.
C'est à peu près le slogan de conquête idéale
qu'Abou Bakr al-Baghdadi aurait aimé trouver tout seul. Nul doute
qu'il sera repris, par lui ou ses successeurs.
Quant à nous , nous n'avons qu'une seule
alternative : croire que nous pouvons sauver nos vies en
répétant à l'unisson de notre gouvernement « Je suis
TOUT, sauf Alep, sauf Idleb » ou nous mettre en actes du
côté de la lutte contre tous les terrorismes, et en finir avec les
criminels contre l'humanité et leur monde, au côté des
révolutionnaires syriens, dont l'exploit aura été de de ne
remplacer personne dans le cynisme pieds et poings liés, mais de
construire la seule politique réaliste qui soit, celle de la
liberté.
Nad Iam
MEMORIAL 98
Nad Iam
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