Finalement on a très peu
parlé de l'extrême-droite pendant la campagne présidentielle.
Pendant des mois, la
certitude que le Front National serait au deuxième tour, bien
qu'étant la donnée principale du scrutin à venir a été à ce
point banalisée qu'elle n'a jamais vraiment fait la une. Pourtant
vivre une époque où la seule question est « Qui rivalisera
avec les fascistes au second tour de l'élection
présidentielle ? » n'a rien d'anodin. Rien d'anodin non plus à
ce que les principaux partis politiques aient choisi , non seulement
de « faire avec » , mais aussi bien souvent de faire
comme si l'extrême-droite ne pouvait pas l'emporter du tout.
Le FN a
perdu la présidentielle, et à l'heure où nous écrivons, son score au premier tour des élections législatives ne lui permettra probablement pas d'avoir un groupe parlementaire. Seules quelques tête d'affiche, dont Marine Le Pen ont une chance de l'emporter, même si de nombreux duels de second tour sont programmés.
On pourrait avoir la tentation de ne pas se pencher sur moment politique qui vient de s'écouler. Pourtant, même au second tour de la présidentielle, la droite autrefois républicaine ainsi que la France Insoumise se sont divisées , une partie de leurs chefs et de leurs bases envisageant finalement qu'une victoire du Front National ne serait pas la pire chose qui pourrait arriver.
On pourrait avoir la tentation de ne pas se pencher sur moment politique qui vient de s'écouler. Pourtant, même au second tour de la présidentielle, la droite autrefois républicaine ainsi que la France Insoumise se sont divisées , une partie de leurs chefs et de leurs bases envisageant finalement qu'une victoire du Front National ne serait pas la pire chose qui pourrait arriver.
Et si le FN, non
seulement n'a pas gagné , mais n'a pas réussi à atteindre le
seuil des 40 %, c'est bien qu'il y a eu une mobilisation
antifasciste d'ampleur, notamment là où on ne l'attendait pas
forcément : une partie des classes populaires a choisi, en
toute conscience de voter pour un candidat qui pourtant ne s'adressait à
elles que pour leur promettre de nouveaux projets de lois
anti-sociaux et qui à aucun moment n'a infléchi son discours, même
formellement, pour tenter de les gagner à sa cause.
Ce vote n'a rien à voir
avec celui de 2002 opposant Chirac à Jean-Marie Le Pen, une époque où l'antifascisme au moins formel
semblant une évidence. En 2017, le scrutin est survenu après
des années de relativisme et de banalisation de l'extrême-droite,
mais aussi des raisons du vote d'extrême-droite. Depuis des années,
le vote FN est présenté globalement comme un vote fondé sur une
sorte de colère sociale, de désespoir, ou de « mauvaise «
réaction par rapports à des problèmes prétendûment réels ,
comme l'immigration . Les électeurs FN sont sans nul doute parmi les
moins stigmatisés du champ politique, la plupart des élus et des candidats n'osant
plus même les qualifier de racistes, se contentant d'attaquer leurs
dirigeants. Lorsque le vote fasciste n'est plus source de
stigmatisation, forcément le vote antifasciste apparaît secondaire,
par rapport à d'autres préoccupations. Secondaire mais aussi
honteux.
De fait, cette situation
est due aussi au « choix alternatif » : en vingt ans
, le discours fasciste mais aussi les choix politiques concrets
correspondant aux thèmes de l'extrême-droite et à leur analyse du
monde se sont banalisés , notamment en ce qui concerne les
politiques d'immigration, mais aussi les offensives sociétales
contre les minorités . Ainsi, malgré l'avancée que représente le
mariage pour tous, les forces intégristes et homophobes ont pu
constituer un des principaux soutiens du candidat François Fillon.
Emmanuel Macron lui même leur a ouvertement donné des
gages et des signes d'apaisement pendant la campagne . Dans le même temps, la seule chose
qui ait été analysée avant le premier tour de la présidentielle
comme un problème pour le candidat Macron a été sa position, très
temporaire, sur la colonisation et les crimes contre l'humanité.
Comme si tout propos antiraciste un peu offensif constituait un boulet
pour gagner une élection. Un autre signe de la banalisation immense
de l'obscurantisme le plus délétère aura été la course à
l'icône Pierre Rabhi menée par de nombreux candidats alors que nul
n'ignore, dans les sphères politiques , ni ses positions homophobes,
ni les liens entre son mouvement et les dérives sectaires et
d'extrême-droite.
Dans ce contexte,
l'impression de ne voter jamais « totalement » contre
l'extrême-droite est parfaitement rationnelle. D'ailleurs à peine
élu, Emmanuel Macron aura choisi sans vergogne un Ministre comme
Gérald Darmanin, dont l'investissement homophobe comme l'orientation
sarkozyste et donc très proche des idées du FN n'a jamais été un
secret. Son début de mandat aura également été marqué par une sortie d'un racisme extrêmement violent: un rire ignoble sur les Comoriens qui se noient par milliers pour tenter de venir à Mayotte.
Cette impression, légitime expliquait donc aussi la tentation du laisser-passer face au FN.
Ce qui n'était pas
légitime et a eu aussi une force immense dans les derniers
moments de la campagne a été la position du « Ni, ni.... ».
Celle-ci n'était pas, dans la majorité de son expression politique une position abstentionniste et rupturiste
classique à l'extrême-gauche : elle était en effet portée principalement par la
direction de la France Insoumise, dont le programme soutenait l'imposition du vote obligatoire. Le candidat de la FI, en 2012,
n'avait pas hésité à présenter l'antifascisme électoral comme le
combat principal du moment, celui qu'il était à même d'incarner au
mieux, face à Marine Le Pen, aux élections législatives d'Hénin
Beaumont. La position de la France Insoumise entre les deux tours
n'était donc pas une critique du fonctionnement politique global,
mais un choix délibéré de minimiser le danger d'extrême-droite,
en faisant comme si donner ou pas une consigne de vote n'avait rien
d'essentiel.
Un autre mouvement a
porté ce prétendu « Ni, ni.... » : l'antisémitisme
et le nationalisme étaient au cœur de nombreux discours contre
Macron et pas seulement ceux de l'extrême-droite. La focalisation
sur la banque Rothschild, mais aussi la dénonciation du candiadat
« mondialiste » ont été au cœur de bien des
rhétoriques soit-disant socialisantes.
Malgré ce contexte très
défavorable, le barrage antifasciste s'est fait. Il n'était
absolument pas le discours dominant mais il s'est fait. Il est
important de le souligner, car c'est aussi la différence avec 2002
qui saute aux yeux : après 2002, toute une génération
politique, avec ou plus ou moins d'opportunisme, se revendiquait de
cette filiation là. Aujourd'hui , quelques semaines après les
élections, tout le monde a juste envie d'oublier qu'il a voté
Macron.
Les fascistes eux ne
risquent pas d'oublier ce qui a bien été une défaite relative. Ils
n'avaient aucune raison de la penser inévitable. Pas après la
victoire de Donald Trump, qui était inenvisageable lorsqu'il a
émergé comme candidat improbable dans une primaire. Pas après la
victoire d'extrême-droite et de droites extrêmes dans de nombreux
pays d'Europe ces dix dernières années. Pas dans un contexte marqué
la puissance ascendante de ces mouvements, dans les urnes mais aussi
dans la rue sur une assez longue période. Pas après des succès
électoraux à divers scrutins en France ces dernières années. Pas après des années d'hégémonie dans le débat public , où quasiment chaque semaine, une polémique islamophobe , entre autres, leur donnait l'occasion de s'exprimer même quand ils ne la lançaient, tandis que l'antisémitisme le plus violent connaissait un succès immense au travers de la mouvance dieudonniste et soralienne. De
plus, si la victoire totale pouvait tout de même apparaître très
incertaine, l'arrivée en tête du premier tour a longtemps été
présentée comme quasi-sûre, et laissant augurer un second tour
beaucoup plus serré.
Contrairement à ce que
martelait le Front National, il n'est d'ailleurs pas sûr que le face
à face avec Macron était la chose la meilleure du point de vue du
triomphe de leurs idées. L'échec de François Fillon, dont la
rhétorique extrêmement violente dans ses dimensions racistes ,
homophobes et « anti-système » a été un marqueur très
important de la décomposition de la droite et de son alignement sur
l'extrême-droite a eu des conséquences : quelques mois
auparavant, on pouvait de manière très réaliste imaginer un second
tour, où l'extrême-droite n'aurait eu qu'à montrer qu'elle était
l'original par rapport à la copie. Et envisager une campagne d'entre deux
tours qui en grande partie aurait été une surenchère permanente
sur les promesses de racisme d'Etat , d'autoritatisme sécuritaire,
et d'envolées nationalistes agressives. Le nombre de points d'accord
des deux candidats était énorme, qu'il s'agisse de la soumission à
Poutine et à Trump, de l'attaque frontale contre la révolution
syrienne. Mais aussi de la rhétorique anti-mondialiste à relents
antisémites : on se souviendra que lors de cette campagne, le
parti LR a notamment diffusé une caricature de Macron en «
judéo-bolchevik » sur son compte Twitter, ce qui constituait
tout de même un événement idéologique dans le caractère assumé
de la reprise de l'analyse fasciste du monde.
Ce second tour là n'a
pas eu lieu, et c'est une mauvaise nouvelle pour toutes les forces
racistes, antisémites , homophobes et fascistes qui n'ont pas pu se
targuer d'une hégémonie totale de leurs idées dans le débat
politique officiel.
Marine Le Pen n'aura
pas réussi non plus à maintenir son image de candidate ordinaire
entre les deux tours : beaucoup de commentateurs du débat avec
Emmanuel Macron ont affirmé qu'elle avait été « mauvaise »
ou que Macron avait été « très bon ». En réalité
Marine Le Pen a simplement été fasciste dans la forme et dans le
fond . Beaucoup ont pointé la ressemblance avec son père, mais
elle ressemblait aussi beaucoup à Alain Soral, ce soir là, dans
l'agressivité, le non-sens violent et hurlé, l'alignement de
mensonges sans discontinuer. Elle ressemblait aussi beaucoup à elle
même, dans ses discours de meeting que peu de gens regardent en
entier. Mais elle ne ressemblait effectivement plus au portrait
flatteur et dédiabolisé qu'on nous sert depuis des années, à
grands coups d'entretiens complaisants, ou de brèves interventions
télévisées sur des sujets qui l'arrangent.
Si elle a fait peur ce
soir là, ce n'est donc pas parce qu'elle a été différente mais
parce qu'elle n'a pas été coupée au montage. C'est elle, et elle
seule qui , dans sa brutale franchise a montré ce qu'était
l'extrême-droite depuis toujours.
Le Front National ne
ressort donc pas aussi renforcé qu'il l'avait espéré. Et comme
dans tout camp politique, un espoir déçu , même partiellement, est
parfois aussi dévastateur qu'une véritable défaite. Pour toute
l'extrême-droite, pour tous les fascistes, au sommet comme à la
base, psychologiquement, la perspective de la prise du pouvoir
national n'est plus une option à court terme. Ce qui pouvait
provisoirement juguler les concurrences en interne , mais aussi en
externe disparaît. L'enthousiasme militant d'une partie de la base
et leur fidélité aux chefs s'amenuise.Les divergences réelles s'aiguisent: ce ne sont pas comme on nous les présente des divergences sur le fond de la politique à appliquer, mais sur la propagande à mettre en oeuvre avant la prise du pouvoir: très classiquement, une partie des frontistes estime nécessaire de cibler les classes populaires avec une démagogie protectionniste très forte, tandis qu'une autre considère que le secret de la victoire réside dans les signes donnés à la partie de l'électorat plus favorisée, qui tient à un discours économique de droite dure contre les droits sociaux.
Pour autant, encore une
fois, la situation n'est pas celle de 2002. La banalisation du Front
National n'est pas seulement une offensive idéologique, c'est une
réalité concrète. Les moyens matériels alloués par la démocratie
aux fascistes ont augmenté avec leurs succès électoraux, aux
élections municipales et régionales. Ils augmenteront encore avec
les législatives. L'enjeu de tous ces scrutins n'est pas seulement
la conquête du pouvoir effectif au niveau politique mais aussi
l'argent. Le nerf de la guerre, celui qui permet de financer des
salariés à temps plein mais aussi les opérations de propagande. Et
l'on voit avec les affaires d'emplois fictifs pléthoriques, que le
Front National utilise tous les moyens pour décupler son accès à
la manne de l'argent public sans trop se préoccuper d'une justice
qui mettra de toute façon des années et des années à sévir.
L'extrême-droite,
quels que soient ses conflits internes est installée pour très
longtemps dans le paysage politique. Et il ne s'agit pas seulement de
sa "face légale", le Front National. A mesure que celui-ci montait,
c'est toute la mouvance fasciste qui est montée en puissance. Les
groupes néo-nazis ou identitaires violents sont eux aussi très bien
installés dans le paysage public. Ils sont à la fois un aiguillon
pour le Front, une école de formation pour ses cadres ( comme
l'illustre par exemple le parcours de Philippe Vardon) et une sphère
activiste qui décuple et amplifie les thématiques du parti dans la
société.
La stagnation apparente
du FN dans le champ du pouvoir politique légal leur donne la
possibilité d'attirer toutes celles et ceux qui voudront de l'action
et des résultats de suite : d'ailleurs le second tour a été
suivi de violences immédiates contre des militants antifascistes
dans plusieurs villes de France. Un bidonville a été attaqué deux fois de suite par des néo-nazis
à Valmy, en marge d'une réunion électorale de Civitas et du Parti
de la France. Les campagnes de harcèlement et de menaces contre
celles et ceux qui osent s'exprimer contre la violence fasciste se
développent depuis des années, de manière croissante, en témoigne
l'affaire Marsault , et elles deviennent systématiques : ainsi
la protestation de quelques lycéens de Calais contre une professeure candidate
pour Civitas entraîne-elle immédiatement leur mise en danger.
Il ne faut pas compter
sur une réaction d'ampleur des pouvoirs publics français :
face au terrorisme néo-nazi, nous sommes sans doute , en Europe l'un
des pays où son existence est niée avec le plus de force. En
témoignent deux affaires récentes : l'implication d'un réseau
néo-nazi, celui de Claude Hermant dans la vente d'armes au meurtrier de l'attentat de
l'Hypercacher, et le fait que ce réseau était parfaitement connu et
depuis longtemps des autorités, puisque nombre de ses membres
étaient indicateurs de police. Malgré le travail d'investigation
très fouillé de certains journalistes, la chose n'émerge toujours
pas comme « scandale public », même si elle rappelle
pourtant l'affaire allemande de la NSU.
De la même manière , il
aura fallu plusieurs années pour qu'une affaire pour le moins
suspecte dès le départ, celle de la noyade à Lille du militant
antifasciste Hervé Rybarczyk et de plusieurs autres personnes fasse l'objet d'une enquête....suite aux confidences à
d'autres prisonniers d'un jeune néo-nazi, Jérémy Mourain, chef
d'un groupe violent et armé, sur sa responsabilité dans ce qui
s'avère être un meurtre. Cette affaire là ne fait pas la une non
plus et ne déclenche aucune réaction publique des responsables
politiques nationaux : pourtant, elle est liée à la précédente
puisque Jérémy Mourain avait pour leader un acolyte de longue date
de Claude Hermant, Serge Ayoub, qui fut également le mentor des
assassins de Clément Méric.
La terreur fasciste est
donc durablement installée, et elle s'accompagne de violences allant
jusqu'au meurtre. Dans le contexte d'impunité qu'on vient de
définir, elle ne peut que se renforcer, et pèsera énormément ces
prochaines années.
Comme pèsera sans nul
doute, la pression quotidienne sur toutes les cibles de
l'antisémitisme, du racisme, de l'islamophobie ou de l'homophobie.
D'une part, le nouveau
pouvoir a fait le choix de donner des signes très forts de
complaisance et de tolérance : en témoigne la nomination à un
poste ministériel très important de Gérald Darmanin, un des
sarkozystes les plus représentatifs de la politique d'alignement sur
les thématiques de l'extrême-droite, qu'il s'agisse de ses sorties
racistes ou homophobes. De plus, le nouveau Ministre de l'Intérieur
Gérard Collomb s'est illustré comme maire de Lyon par son
indifférence vis à vis des agissements de l'extrême-droite
ultra-violente : il persiste et signe en permanence, obsédé
par la prétendue résurgence d'un « terrorisme
d'extrême-gauche", mais refusant de se positionner clairement sur
l'importance des violences fascistes.Surtout, l'objectif d'Emmanuel Macron et des siens est d'inscrire l'état d'urgence dans la normalité : au delà même de la rupture de régime que même des juristes très modérés dénoncent comme une atteinte à l'essence même de la démocratie telle qu'elle existe, le simple fait de vouloir inscrire une loi coloniale aussi symbolique dans le quotidien en dit très, très long sur le rapport de forces qui s'est installé dans ce pays, en faveur des idées de l'extrême-droite.
Des caisses de résonance pour l'essor des idées fascistes existent au sein même d'autres forces politiques : La France Insoumise, par exemple, assume son parti pris pro-Poutine, comme ses clins d'oeil appuyés aux électeurs "souverainistes et patriotes". Dans le même temps, toute une mouvance nostalgique de Manuel Valls a recommencé à agiter les campagnes islamophobes anti-réfugiés, et anti-quartiers populaires dès la fin de la campagne présidentielle, qu'il s'agisse de l'offensive contre le quartier La Chapelle, ou de la reprise des sempiternelles accusations de « racisme anti-blancs » contre toute initiative d'auto-défense entre concernés par le racisme.
Des caisses de résonance pour l'essor des idées fascistes existent au sein même d'autres forces politiques : La France Insoumise, par exemple, assume son parti pris pro-Poutine, comme ses clins d'oeil appuyés aux électeurs "souverainistes et patriotes". Dans le même temps, toute une mouvance nostalgique de Manuel Valls a recommencé à agiter les campagnes islamophobes anti-réfugiés, et anti-quartiers populaires dès la fin de la campagne présidentielle, qu'il s'agisse de l'offensive contre le quartier La Chapelle, ou de la reprise des sempiternelles accusations de « racisme anti-blancs » contre toute initiative d'auto-défense entre concernés par le racisme.
On ne peut donc pas dire
que les forces fascistes sortent totalement affaiblies de cette présidentielle :
simplement, et ce n'est pas rien, elles ont perdu une occasion de se
renforcer de manière exponentielle et c'est sans doute la première
fois depuis de longues années, qu'en France, elles n'apparaissent
pas en ascension fulgurante.
Par ailleurs, les échecs
cuisants de Nicolas Sarkozy, comme de Manuel Valls ont tout de même
marqué l'affaiblissement politique de deux figures historiques de la
reprise sans vergogne des thématiques de l'extrême-droite, sur le
plan raciste et sécuritaire.
Un moment de flottement
s'ouvre donc malgré tout : un moment qui ouvre la possibilité
d'un antifascisme véritablement offensif, qui exigerait l'égalité
plutôt que se contenter de combattre les inégalités au coup par
coup. Ce mouvement là ne se décrète pas : il ne peut pas
reposer uniquement sur les collectifs antiracistes, quels qu'ils
soient, il ne peut pas se contenter de mobilisations spécifiques entre
antiracistes, même si celles-ci sont vitales et nécessaires. Dans
chaque lieu de travail , dans chaque lieu de vie, la pression raciste
, antisémite et homophobe est désormais présente et la réaction
se doit d'être intégrée à toutes les luttes.
Et très clairement, ces
prochaines années, il faudra aussi se battre pour imposer une grille
d'analyse et d'action avec des objectifs ambitieux : le
mouvement de solidarité avec les réfugiés, la persistances des
luttes des travailleurs sans papiers, l'émergence d'un antifascisme
internationaliste qui se manifeste dans la solidarité avec les
victimes de Poutine ou avec la révolution syrienne sont des pistes.
Des pistes qui ne pourront être explorées massivement que si nous
sommes capables d'être intransigeants avec les tares qui ont grandi
dans nos propres rangs : il faut d'abord être conscient des
dégâts occasionnés par l'antisémitisme et la complaisance avec
l'antisémitisme « de gauche » : les dégâts
occasionnés par les compromissions avec les négationnistes comme
Pierre Guillaume, puis Faurisson, puis Garaudy dans les années 80 et
90 ont généré les dégâts occasionnés par Dieudonné, qui a
longtemps été considéré comme un compagnon de route dans une
certaine gauche avant de passer, de lui même , à l'extrême-droite.
Et c'est bien aussi l'influence
sociale massive de sa mouvance qui a créé une grille de lecture
démente du monde, pour le plus grand bien de Poutine, de Trump ou de
Le Pen même en France. Toute une génération a grandi et s'est
socialisée politiquement par les délires conspirationnistes,
antisémites ou islamophobe.
Toute une génération a
grandi dans le relativisme sordide et triomphant, celui sur lequel
s'appuient Daech, comme Poutine, Trump ou Assad , pour trouver des relais de propagande en France. Toute une génération a aussi grandi avec le nationalisme le plus chauvin comme cadre de luttes censées être progressistes et offensives: à ce titre, l'exemple de la lutte des Whirlpool est très symbolique. On peut toujours se rassurer en parlant d'"une récupération" par le FN, mais la réalité, c'est que les ouvriers, les ouvrières et les délégués syndicaux qui ont choisi pour certains d'accueillir à bras ouverts Marine Le Pen, et même pour l'un d'entre eux d'appeler à voter FN sont sont responsables de leur soutien assumé à un parti raciste d'essence fasciste.
L'avenir exigera de chacun d'entre nous d'être également conscients , et d'assumer nos idées même lorsqu'elles nous condamnent provisoirement à être minoritaires au quotidien dans nos espaces de luttes.
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