mardi 22 février 2022

La Rose Blanche: des héros anti-nazis dont les complotistes bafouent la mémoire

C'est une profanation particulièrement perverse et nauséabonde que celle du prétendu groupe " La Rose Blanche" agissant face au Covid, dans le cadre du complotisme anti-vaccin.

Il s'inscrit ainsi dans la mouvance de ceux qui portent des étoiles jaunes, parlent de Shoah et d'apartheid afin de rejeter la vaccination et les autres mesures de santé publique et brandissent des pancartes ouvertement antisémites avec la fameuse expression codée " Qui" ?

Deux des des nombreux exemples de son activité figurent ci-dessous dont un auto-collant qui se réfère directement à Sophie Scholl et bafoue sa mémoire 


 

La Rose Blanche est en fait  un canal "Telegram" créé le 23 avril 2021. 

Il a été mis en place pour permettre aux francophones de se joindre à "l'action internationale" de "The White Rose", canal Telegram créé en Angleterre en novembre 2020.

Le canal français a été lancé par le compte @animalgaierit, qui gère un autre canal : les Qréateurs. Ce canal poste surtout aujourd'hui des messages holistiques, portés sur le bien-être humain, l'amour, etc. Cependant, si on remonte dans le fil, en mars 2021, on verra pas mal de posts anti-masques et anti-vax, et si l'on remonte à février 2021 - décembre 2020, on constatera qu'il s'agit initialement d'un groupe français complotiste et antisémite pro-Trump et lié au réseau  QAnon.

Face à récupération des complotistes antisémites qui prétendent agir au nom des engagements de la "Rose Blanche" il faut rappeler ce que fut vraiment l'entreprise héroïque de ces jeunes anti-nazis


                                
                                      Hans Scholl, Sophie Scholl, Christoph Probst.

Le 22 février 1943, trois jeunes résistants allemands antinazis du groupe de la "Rose Blanche", Hans Scholl, Sophie Scholl et Christoph Probst étaient guillotinés, après une parodie de jugement. 

Ils avaient  été arrêtés quelques jours auparavant, le 18 février, après une action audacieuse dans l'Université de Munich (voir ci-dessous) .

En quelques mois seulement ils ont écrit une page particulièrement glorieuse et émouvante de la résistance au nazisme, au cœur même de son espace. 

Leur mémoire mérite un hommage particulier alors que partout en Europe et aux USA, les tenants du fascisme et du nazisme sont à l'offensive notamment en France, dans une campagne présidentielle marquée par la

L'histoire de la "Rose blanche" est celle d'un groupe de jeunes Allemands et d'un de leurs professeurs qui s'engagent dans une résistance de plus en plus déterminée au régime nazi. 

Ils sont six:

Hans Scholl, né en 1918
Alexander Schmorell, né en 1917
Christoph Probst, né en 1919
Willi Graf, né en 1918
Sophie Scholl, née en 1921
Leur professeur, Kurt Huber, né en 1893

Dans un premier temps, Hans et Sophie Scholl sont attirés par les thèmes du nouveau Reich, comme beaucoup d'autres gens de leur âge.

En 1938, Hans est néanmoins arrêté par la Gestapo pour appartenance à des "groupes de jeunesse interdits". Chrétiens, ils sont non-conformistes, alors que l’Allemagne est uniformisée par les nazis.

Puis ils sont influencés par leurs lectures et ce qu'ils observent sur le front. 

En effet, les garçons du groupe font partie des étudiants autorisés à poursuivre leurs études, tout en étant mobilisés dans l'armée. Pendant les vacances universitaires, ils redeviennent soldats. Ainsi Hans Scholl, qui a participé à la campagne militaire de France, s’y est procuré des livres qui influencent son entrée en opposition.  

 Une autre membre du groupe, Alexander Schmorell, élevé par une gouvernante russe, peut ainsi parler dans leur langue à des paysans sur le front russe. C’est lui qui révèle au groupe le génocide des Juifs .

Dès leur deuxième tract de juin 1942, ils alertent sur le sort des Juifs en Pologne et écrivent: 
..."dreihunderttausend Juden in diesem Land auf bestialischste Art ermordet worden sind..."
..."depuis la mainmise sur la Pologne, 300 000 Juifs de ce pays ont été abattus comme des bêtes. C’est là le crime le plus abominable perpétré contre la dignité humaine, et aucun autre dans l’histoire ne saurait lui être comparé. Qu’on ait sur la question juive l’opinion que l’on veut : les Juifs sont des hommes et ce crime fut commis contre des hommes..."

Les tracts du groupe étaient diffusés dans les boites aux lettres ou envoyés à des destinataires chargés de les recopier. Ils ont rédigé en tout six tracts appelant à la résistance contre le régime.
Ils les envoient à Hambourg, Sarrebrück, Ulm, Fribourg, Stuttgart, Berlin.
A Berlin, Ruth Andreas-Friedrich et son groupe de résistance nommé "Onkel Emil" (Oncle Emile), recopient le sixième tract et le diffusent.

En janvier 1943, le chef nazi de Bavière, Giesler, déclare aux étudiantes de Munich qu’elles feraient mieux d’offrir un enfant au Führer plutôt que de poursuivre leurs études. Cette injonction déclenche des protestations de la part des étudiant.e.s.
Le groupe peint alors des slogans sur les murs de l’université à Munich :" FreiheitLibertéNieder mit Hitler, A bas Hitler"

La défaite nazie de Stalingrad en février 1943 inspire leur sixième et dernier tract, écrit par le professeur Huber et diffusé à 3000 exemplaires.

Le 18 février 1943, Hans et Sophie Scholl lancent ce sixième tract dans le hall (Lichthof) de l'Université Ludwig Maximilian de Munich.  Ils y appellent les étudiants à se soulever contre la dictature, pour « la liberté et l’honneur ». Ils sont dénoncés par le concierge de la faculté, arrêtés et remis à la Gestapo.

Un tribunal nazi, nommé « Tribunal du peuple » est immédiatement convoqué le 22 février à Munich.  Son président vient spécialement de Berlin afin de  "juger" les accusés. Condamnés à mort pour "haute trahison", Hans et Sophie Scholl, ainsi que Christoph Probst, sont guillotinés quelques heures seulement après le jugement, dans la prison de München-Stadelheim. Après un deuxième procès, le 19 avril 1943, Kurt Huber, Alexander Schmorell et Willi Graf sont également guillotinés.

Un de leurs tracts déclarait:  "la honte pèsera pour toujours sur l’Allemagne, si la jeunesse ne s’insurge pas enfin pour écraser ses bourreaux"...

La mémoire de leur engagement nourrit nos combats

MEMORIAL 98