dimanche 28 avril 2019

Synagogue de San Diego: attaque meurtrière d'un antisémite et islamophobe.

San Diego six mois après Pittsburgh
Nouvelle tuerie antisémite par un suprémaciste blanc (voir la définition de ce terme à la fin de l'article)
John Earnes, 19 ans, a attaqué une synagogue le jour de la fin de la Pâques juive/Pessah, qui était aussi un Shabbat.
Nos pensées pour les victimes. La femme tuée, Lori Gilbert-Kaye,
s’est semble-t-il portée en protection du rabbin de la synagogue, attaquée six mois jour pour jour ( 27 octobre- 27 avril) après celle de Pittsburgh.
 
Le terroriste souverainiste antisémite et islamophobe de San Diego, dans son "manifeste" publié juste avant la tuerie, stigmatise les Juifs pour  leur place dans les médias,  les banques  et Hollywood. Mais aussi "pour leur rôle dans le féminisme qui a asservi les femmes au péché"
Le tueur de Pittsburgh qui l'a inspiré,
Robert Bowers, blâmait les Juifs car ceux-ci étaient selon lui, coupables de favoriser les migrants "afin de détruire l'Amérique". C'est la reprise des accusations les plus traditionnelles de la haine antisémite
Earnest revendique également un incendie volontaire contre une mosquée de Californie, une semaine après les attaques de Christchurch et se déclare également inspiré par leur auteur Brenton Tarrent. 
D'après les médias locaux et la police, il avait annoncé publiquement sur internet son intention de tuer des juifs. "Nous avons des copies de ses publications sur les réseaux sociaux et de sa lettre ouverte, et nous les examinerons pour déterminer leur authenticité et savoir ce que cela apporte à l'enquête", a déclaré le chef de la police.
Ce drame qui survient dans la suite des tueries de Christchurch et du Sri-Lanka montre à nouveau l'urgence de lutter contre les chevaliers de la haine qui tuent au nom au nom de prétendues "guerres de civilisation". Juifs, musulmans, chrétiens, Noirs, femmes leurs victimes sont diverses et multiples. 
Sous Donald Trump, le racisme violent et le suprémacisme blanc prospèrent. Il a plusieurs fois manifesté sa complaisance à l'égard de ces groupes qui ont soutenu son élection  comme à l'occasion de la tuerie de Charlottesville en  août 2017. Ses slogans America First et Make America Great Again sont issus de cette tradition extrémiste, comme ses campagnes violentes contres les migrants.

Le mois d'avril qui se termine si tragiquement à San Diego est celui de la commémoration des grands crimes de masse du 20e siècle: génocide des Tutsi du Rwanda, génocide des Arméniens, génocide des Juifs d'Europe. Ces drames terribles montrent à quoi conduisent les idéologies de haine et leur mémoire nourrit nos combats quotidiens contre le racisme, l'antisémitisme, l'islamophobie et toutes les formes de discrimination.

Le suprémacisme blanc est une idéologie raciste, fondée sur l'idée de la supériorité de ceux parmi les humains dont la peau est blanche. Pour ses tenants, tous les moyens, y compris les plus violents, sont autorisés et recommandés afin de sauvegarder cette supériorité.
 

Memorial 98

vendredi 26 avril 2019

Alain Soral à nouveau condamné à de la prison ferme: sa place est en détention.

19 septembre 2019: nouvelle condamnation de Soral à 18 mois de prison ferme ( voir ici) . Exécutera-t-il enfin ses peines ou sera-t-il encore protégé par le procureur de Paris, comme pour sa peine précédent ( ci-dessous)

Qui protège Soral? Qui craint de mettre en œuvre la loi contre la contestation des crimes contre l'humanité?
Le 15 avril dernier, Soral était condamné à un an de prison ferme pour contestation de la Shoah et le tribunal y ajoutait un mandat  de dépôt. 
On s’attendait donc à ce qu’il soit rapidement appréhendé et emprisonné, en conséquence du mandat de dépôt.
 Ce dernier est particulièrement justifié chez un multirécidiviste, déjà condamné à un an de prison ferme en janvier 2019. Il s’agissait alors de sanctionner ses propos suivants : "Entre le peuple juif et le reste de l'humanité, le combat ne peut être que génocidaire et total..." (voir ci-dessous pour ses différentes condamnations). Il a encore sévi récemment à propos des attentats dans les mosquées de Christchurch

Mais cela ne sera pas le cas tout de suite: le parquet de Paris a interjeté appel du mandat d’arrêt et refuse de l'exécuter, alors même que cet appel n'est pas suspensif.
Déjà lors du procès, le parquet avait réclamé seulement six mois de prison ferme. La 13chambre du tribunal de grande instance de Paris avait doublé cette peine, en raison de la gravité de la contestation de l’existence de la Shoah.

A l’origine de cette décision de justice, la publication sur  le site de  Soral « Égalité et réconciliation, » en novembre 2017, de la plaidoirie de son avocat, Damien Viguier – également condamné, ce lundi, à 5 000 euros d’amende pour complicité –, dans une autre affaire datant d’avril 2016. Viguier est également un conférencier du groupe de Soral

Soral avait alors mis en ligne sur son site un dessin représentant une fausse « une »  titrée « Chutzpah Hebdo » et illustrée par le visage de Charlie Chaplin posant une question, dans une bulle, « Shoah où t’es ? », en référence à la Une nauséabonde de Charlie Hebdo après les attentats de Bruxelles, « Papa où t’es ? » qui faisait référence au génocide des Tutsi et au chanteur Stromae.


En toile de fond, une étoile de David, une chaussure, une perruque, une lampe et un savon. Le terme Chutzpah (qui signifie « insolence » en hébreu et yiddish) est clairement antisémite dans ce contexte, car il induit que les Juifs ont l’insolence de mettre en avant le génocide dont ils ont été victimes.

« Propagande de guerre »

« Chaussure et cheveux (de Juifs exterminés NDLR) font référence aux lieux de mémoire organisés comme des lieux de pèlerinage. On y met en scène des amoncellements de ces objets, afin de frapper les imaginations », avait plaidé Me Viguier en 2017 faisant référence au camp d’Auschwitz. « La coupe des cheveux se pratique dans tous les lieux de concentration et s’explique par l’hygiène », avait-il ajouté avant de citer le négationniste Robert Faurisson. ».
Pour cette publication négationniste, Alain Soral a par ailleurs été définitivement condamné le 26 mars, après le rejet de son pourvoi en cassation, à payer une amende de 10 000 euros avec possibilité d’emprisonnement en cas de non-paiement.
Le site de Soral et toute son activité représentent un concentré de haine antisémite, de négationnisme, d'homophobie et de sexisme ( voir les références à la fin de l'article). 

Il faut rappeler l’horreur antisémite de ses gestes de profanation : il s'était fait photographier, en 2013, en train de faire le geste de la "quenelle", soit un salut nazi, au Mémorial de la Shoah à Berlin.

 

Le procureur de Paris, chef du Parquettente de justifier sa décision par l’argutie judiciaire suivante :
« Alain Soral a été condamné pour une infraction prévue par l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse à la peine d’un an de prison par le tribunal correctionnel qui a décerné mandat d’arrêt à son encontre sur le fondement de l’article 465 du code de procédure pénale. L’article 465 vise expressément les délits de droit commun et les délits d’ordre militaire. Le mandat d’arrêt décerné étant dépourvu de base légale, je vous confirme que le parquet a interjeté appel de la décision sur le mandat d’arrêt (appel limité à la délivrance par le tribunal du mandat d’arrêt et ne concernant pas la peine d’un an de prison) »,
Or le procureur n’a pas à décider si une décision de justice doit être appliquée ou non, surtout quand il s'agit de contestation de crime contre l'humanité, selon la loi . Ce procureur semble réticent à l'idée de mettre en application cette loi de 1990, dite loi Gayssot, qui pénalise la contestation de crimes contre l'humanité dont la Shoah. C'est une loi équivalente que demandent les associations arméniennes afin de combattre le négationnisme à propos du génocide de 1915.
Le négationnisme est mis en place par les génocidaires eux mêmes et constitue, avec l’impunité des bourreaux,  une incitation à de nouveaux massacres.
Le but des génocidaires, en tout temps et en tout lieu, ne consiste pas seulement à assassiner les vivants, mais aussi à nier à tout jamais leur existence.

C’est pour cette raison que les négationnismes sont consubstantiels aux génocides. En niant, il ne s’agit pas seulement d’une tentative faite par les assassins pour échapper aux conséquences de leurs crimes. Au même titre que les massacres physiques de masse, la négation est au service du but final : effacer de l’histoire et de l’humanité une partie des hommes et des femmes qui la constituent.

Dans un communiqué commun SOS Racisme, LICRA, MRAP, J’Accuse, UEJF déclarent à juste titre
« Le mandat d’arrêt contre Alain Soral doit être exécuté d’urgence !
Les associations antiracistes demandent de toute urgence au Procureur de la République de mettre à exécution le mandat d’arrêt décerné contre Alain SORAL pour contestation de crime contre l’humanité le 15 avril 2019.
Depuis 10 jours, l’antisémite Alain SORAL est sous le coup d’un mandat d’arrêt par décision de la 13ème chambre correctionnelle du TGI de Paris à la suite de sa condamnation pour contestation de crimes contre l’Humanité.
A ce jour, la justice n’a toujours pas exécuté la décision.
Pire encore, nous avons appris que le Parquet de Paris avait décidé de faire appel de ce mandat d’arrêt au motif qu’il ne respecterait pas les dispositions du code de procédure pénale sur le mandat d’arrêt.
Cette décision d’appel est un scandale inédit et renvoie à nos concitoyens l’idée que la condamnation de l’antisémitisme et du racisme en France n’est jamais appliquée dans les faits.
Ce d’autant que seuls les délits politiques sont exclus des dispositions relatives au mandat d’arrêt. La contestation de crime contre l’humanité n’est et ne pourra jamais être considérée comme un délit politique.
Nous demandons que soit mis fin à ce double scandale qui voit une décision de justice demeurée inappliquée et même contestée par l’autorité de poursuite qui se retrouve à défendre les intérêts de SORAL plutôt que la société.
Cet appel n’étant pas suspensif, nous demandons l’exécution immédiate de la décision de justice rendue contre Alain SORAL et le désistement de l’appel interjeté par le Parquet pour des raisons politiques.
Alain SORAL tiendra le 4 mai au vu et au su de tout le monde une conférence publique à Mulhouse. Nous demandons au Procureur de la République de Mulhouse de faire procéder à l’arrestation d’Alain SORAL conformément au jugement et à la Loi. »

Autres condamnations récentes de Soral:
 
17 janvier 2019 Le néo-nazi Soral enfin condamné à une peine de prison ferme d'un an pour ses insultes à l'encontre d'une magistrate et pour des propos appelant au génocide des Juifs; il avait ainsi écrit sur son site" Égalité et Réconciliation"  :
"Entre le peuple juif et le reste de l'humanité, le combat ne peut être que génocidaire et total..."
"Les Juifs sont dominateurs, manipulateurs et haineux..."  

Ceux qui soutiennent la "liberté d'expression" de ce propagateur multirécidiviste de haine homicide (voir ci-dessous) se rendent complices de ses appels aux meurtre. 

Ceux qui comme Étienne Chouard, justifient et excusent Soral se font avec lui propagateurs de l'antisémitisme exterminateur. La caution apportée à Chouard par le député LFI François Ruffin constitue une très lourde faute.

Alors que le néo-nazi prétend soutenir les Gilets Jaunes et organise un meeting de toute la racaille antisémite de ce pays le 19 janvier, nous répétons: la place de Soral est en prison.


Pour ce qui représente sans doute une des profanations les pires de sa carrière d'antisémite et de "national-socialiste" revendiqué, Soral a été condamné le 12 mai 2015 à une amende de 10000 Euros pour injures à caractère racial (amende réduite ensuite à 5000 Euros en appel) et 14.001 euros de dommages et intérêts au profit des sept associations qui s'étaient constituées parties civile.

Il faut rappeler l’horreur antisémite de son  geste: il s'était fait photographier, en 2013, en train de faire le geste de la "quenelle", soit un salut nazi, au Mémorial de la Shoah (ci-dessous) à Berlin.
La quenelle n'est pas seulement un "salut nazi inversé" ou pire encore d'un geste " contestataire”. Il s'agit en fait d'un salut néo­nazi tout court, la différence avec le salut nazi classique réside avant tout dans le regard de la société qui le reçoit. Or aujourd'hui, une partie de notre société ne perçoit plus l'antisémitisme comme tel. Il faut une croix gammée, un appel ouvert à mettre les gens dans les chambres à gaz, une référence appuyée au nazisme historique, pour avoir encore un minimum de réaction.
A l'audience le 12 mars dernier, Soral avait soutenu que cette photo n'était pas destinée à circuler "au-delà d'un cercle d'amis". 

Quant au geste de la quenelle, inventé par son ami Dieudonné, Alain Soral a soutenu l'avoir d'abord fait en signe de ralliement au "fist-fucking", car le Mémorial serait selon lui  devenu  un lieu de rendez-vous homosexuel. On retrouve les thématiques habituelles développées par le duo nazi, dont un exemple récent montre l’escalade dans l'abjection.

D'ailleurs Soral a été aussi condamné aujourd'hui à 4000 euros d'amende pour des propos tenus dans un livre dont il est co-auteur avec Eric Naulleau. Liant homosexualité et pédophilie, il avait cité le nom de Pierre Bergé. Connu pour son homosexualité, l'homme d'affaires l'avait fort justement fait citer en justice. Outre l'amende, le tribunal correctionnel a condamné Alain Soral a verser à Pierre Bergé 10.000 euros de dommages et intérêts pour" diffamation publique en raison de l'orientation sexuelle". Eric Naulleau, compère de Zemmour et  co-auteur de ce livre d'échanges, échappe à toute condamnation.

Au-delà de cette interprétation "privée", Soral avait ajouté à l'audience  une interprétation "publique". La "quenelle" constituerait '"un geste d'insoumission envers les manipulateurs sionistes de la Shoah". Il répétait ainsi la ligne de défense de tous les négationnistes, dont Robert Faurisson, invité d'honneur des meetings-spectacles de Dieudonné depuis 2008. 

Trois anciens déportés juifs, présents à l'audience et cités comme témoins, lui avaient opposé leur indignation. "Je n'aurais jamais pensé que quelqu'un dans ce lieu puisse faire autre chose que de penser, de se recueillir", avait notamment dit Isabelle Choko, 86 ans,  qui fut déportée au camp d'Auschwitz-Birkenau.

Le tribunal correctionnel donc a rejeté les arguties de Soral, en établissant le caractère antisémite de son geste selon les termes suivants:
«La personnalité même d'Alain Bonnet, dit Soral, telle que perceptible dans ses écrits ou prises de position publiques antérieurs, fragilise, pour ne pas dire prive de toute portée, ses dénégations réitérées quant aux accusations d'antisémitisme dont il ferait injustement l'objet... Dès lors, la photographie «ne peut être perçue que comme une injure visant la communauté juive dans un de ses lieux les plus symboliques et les plus sacrés».

Le prétendu "dissident" n'est qu'un vulgaire antisémite qui devra un jour rendre justice de ses actes, bien au delà des maigres condamnations financières.


Quelques jours après avoir été invité par Poutine, le néo-nazi est condamné par le tribunal de Paris aujourd'hui 14 juin 2016 à 6 mois de prison avec sursis. Le tribunal considère qu'il y a de sa part "apologie de crimes de guerre et contre l'humanité" pour des propos abjects visant Beate et Serge Klarsfeld, regrettant qu'ils n’aient pas été exterminés par les nazis.
Le tribunal est allé au delà des réquisitions du procureur qui avait réclamé trois mois de prison avec sursis, jugeant les propos poursuivis "outrageants, insultants, non seulement pour les époux Klarsfeld mais aussi pour les enfants des déportés et toutes les victimes de l'Allemagne nazie". "C'est un message clairement antisémite", avait dénoncé le procureur.
Soral échappe encore néanmoins à de la prison ferme. 

Soral, businessman de la haine et responsable d'actes antisémites

Comme son acolyte Dieudonné, Soral, démagogue enragé, est  un profiteur cupide prêt à tout pour faire prospérer son commerce de la haine. Mais il porte surtout un  très lourde responsabilité dans le développement des actes antisémites de ces dernières années dans le pays. Son incessante propagande haineuse crée le terreau d'où naissent les violences et profanations qui se multiplient dans une spirale constante.
Sa place est en prison.
Mise à jour 

MEMORIAL 98 

Articles et dossiers supplémentaires de Memorial 98 concernant Soral ( et Dieudonné) ci-dessous sur ce site et sur www.memorial98.org :

Face à la liste antisémite de Dieudonné, Soral et Gouasmi.

Dieudonné, Faurisson, Le Pen : décryptage. 

Dans ce dossier sur le "détail" des chambres à gaz http://www.memorial98.org/article-19187964.html 

extrait concernant la surenchère de Soral sur les propos de Jean-Marie Le Pen:

"Par contre Alain Soral, en posture d'idéologue, porte-parole du prétendu « lepénisme de gauche », ami et mentor de Dieudonné, en rajoute dans l'antisémitisme violent et déclare :

« ... Monsieur Le Pen a profondément tort, la chambre à gaz est tout sauf un point de détail, c'est même aujourd'hui, plus qu'hier encore, la religion, le dogme autour duquel tourne toute l'époque contemporaine. Dans l'ordre du sacrifice fondateur, la chambre à gaz a remplacé la croix du christ...
... Aujourd'hui, dans ce climat de judéomanie délirante - une judéomanie délirante et suspecte qui tient plus de l'esprit de la Collaboration que du combat pour le bien et l'amour des hommes - plus les souffrances de la guerre s'éloignent, plus c'est la seconde guerre mondiale toute entière qui devient un détail de la chambre à gaz !... »"

 MEMORIAL 98

mercredi 24 avril 2019

Génocide des Arméniens: un combat à poursuivre contre le négationnisme de l'Etat turc

 
Pendaison d'intellectuels arméniens à Constantinople le 24 avril 1915, marquant le début du génocide qui fit plus d'un million de victimes.

 24 avril 2020: commémoration à l'ombre de la pandémie.


Le génocide de 1915 est commémoré cette année de manière virtuelle, comme le génocide des Tutsi et la révolte du ghetto de Varsovie symbolisant la Shoah.

Mais comme le dit le Collectif VAN ( vigilance arménienne contre le négationnisme), partenaire de Memorial 98, " nul ne peut confiner la mémoire" .

105 ans après qu'il ait été commis, le génocide des Arméniens n'est toujours pas reconnu en Turquie.
 Au contraire le négationnisme de l'État turc se déploie partout afin d'en empêcher la reconnaissance. Celle-ci progresse néanmoins bien que trop lentement

Le combat se poursuit pour la reconnaissance pleine et entière, contre le négationnisme. C'est ce qui est du aux victimes du génocide, aux rescapés et aux Arméniens qui, partout dans le monde, continuent de souffrir des conséquences de ce crime historique

Memorial 98


25 avril 2019 

Au lendemain du 104e anniversaire du début du génocide, Erdogan escalade dans le négationnisme. Il déclare sur son compte Twitter:  " Le transfert des bandes arméniennes et de leurs partisans, tueurs de musulmans, y compris des femmes et des enfants vers l’Est de l’Anatolie était la décision la plus raisonnable à prendre à l’époque". Le président turc ajoute une dimension religieuse au génocide en évoquant de prétendus "tueurs de musulmans"

Memorial 98


Les injures et menaces de mort que subit actuellement la députée française Sonia Krimi, suite à une confrontation publique avec le ministre des affaires étrangères de Turquie à propos du génocide arménien, donnent une idée de la violence du négationnisme de l’État turc. Les représentants du régime turc ont fortement attaqué le 12 avril dernier, lors d’une assemblée parlementaire de l'Otan se tenant dans leur pays, la décision d’Emmanuel Macron d’instaurer une  commémoration annuelle du génocide arménien de 1915, chaque 24 avril. Ils ont  saisi comme prétexte d’attaquer le rôle de la France lors de la guerre d’Algérie et du génocide des Tutsi.  
Plutôt que de reconnaître même partiellement les responsabilités de leurs autorités dans le génocide de 1915, comme le fait avec beaucoup de limites Macron à propos du Rwanda ( voir ici)  et de l’Algérie (il a décrit la colonisation comme un crime contre l’humanité avant de reculer face à l’offensive des nostalgiques de l’Algérie française) ils ont choisi l’escalade. Suite à la protestation de Mme Krimi, elle est maintenant menacée de mort et harcelée sur les réseaux sociaux, avec des références racistes à son origine tunisienne.
 


  









Le sort de ceux qui en Turquie même portent l’exigence de la reconnaissance du génocide, est bien pire. L’atmosphère de répression instaurée par Erdogan, encore accentuée après sa défaite électorale récente lors des élections municipales,  met en danger les représentants des Arméniens de Turquie et ceux qui les soutiennent. L’assassinat en 2007 d'un porte-parole des Arméniens de Turquie, Hrant Dink, a montré jusqu’où pouvait conduire la stigmatisation de ce combat.

Au plan international, la reconnaissance du génocide des Arméniens, 104 années après qu'il ait été commis,  est encore entravée, malgré les avancées historiques en Allemagne, aux Pays-Bas et récemment en Italie.
De nombreux pays tergiversent et hésitent, en raison des pressions de l’État turc et de ses alliés dont le régime dictatorial d’Azerbaïdjan, particulièrement corrompu et corrupteur. C'est notamment le cas des autorités israéliennes dont la position revêt un aspect historique et symbolique crucial. Le combat y est engagé depuis des dizaines d'années et progresse très lentement, au gré des rapports de force et des relations avec la Turquie et l'Azerbaïdjan qui font pression.

En France où le génocide a été reconnu dès 2001, le combat porte encore sur une loi de pénalisation de la négation du génocide des Arméniens comme il en existe une pour la Shoah et maintenant pour le génocide au Rwanda. Une telle loi constitue un instrument utile contre les négationnistes, comme l'a montré la condamnation récente de Soral  pour son négationnisme de la Shoah.
Cette loi, maintes fois promise, a été votée non sans difficultés, y compris dans les rangs d'une partie de la gauche, en décembre  2011 à l'Assemblée nationale et en janvier 2012 au Sénat. Elle a ensuite été censurée avant sa promulgation par le Conseil Constitutionnel en février 2012. Une nouvelle loi avait été promise par François Hollande, mais elle est fut  repoussée aux calendes grecques. Elle doit faire face à l'opposition d'hommes politiques et d'historiens institutionnels et puissants, dont Pierre Nora et Robert Badinter. Eric Zemmour, qui veut réhabiliter Pétain, plaide régulièrement contre toute loi mémorielle et toute action contre les négationnistes

En 2016,  le vote d’une loi dite Égalité et Citoyenneté permettant de poursuivre les négationnistes des génocides a pu faire croire qu ‘elle permettrait cette pénalisation de la négation du génocide arménien. Mais en réalité cela n’a pas été le cas, comme l’analysaient nos amis et partenaires du Collectif VAN  (Vigilance arménienne contre le négationnisme)


Succès au Sénat français pour la pénalisation du génocide des Tutsi mais pas pour celui des Arméniens.

Le Sénat s'est prononcé en faveur du rétablissement de l'article 38 ter de la Loi "Égalité et Citoyenneté" permettant de poursuivre les négationnistes des génocides - dont le génocide arménien nous dit-on - et crimes contre l'humanité tels que l'esclavage. Étonnamment, les commentateurs de ce vote se sont focalisés sur le génocide arménien en laissant entendre qu'il s'agissait d'une ouverture contre les négationnistes.
Ils oublient de préciser que seuls seront poursuivis les négationnistes d'un crime jugé par une juridiction française ou internationale. Or il est bien connu que le génocide arménien n'a jamais été jugé par ce type de juridiction.
Pour les crimes qui ne pourront pas entrer dans la case "jugement français ou international", il faudra alors remplir une autre condition : "la négation, la minoration ou la banalisation de ces crimes" devront être accompagnées d'"une incitation à la violence ou à la haine".
Or, il est tout à fait habituel  de nier un génocide ou un crime contre l'humanité sans proférer des "propos violents ou haineux". C'est même la spécialisation des négationnistes les plus pervers qui se présentent avec le masque de l'historien : ce sont les plus prolifiques, les plus influents et les plus dangereux. Ceux-là resteront certainement hors du champ d'application de la loi.
Seule (grande) satisfaction : si le Conseil Constitutionnel n'invalide pas cet article avant sa promulgation, la Loi Égalité et Citoyenneté (qui - en l'occurrence - ne mérite pas son nom) donnera la possibilité de poursuivre les négationnistes du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, génocide qui a fait, pour sa part, l'objet d'un jugement international.

A l’occasion de ce 104e anniversaire, nous renouvelons notre souhait de voir Missak Manouchian, symbole de la résistance au nazisme, entrer au Panthéon.






La signification en serait d'autant plus forte que Manouchian était un orphelin du génocide arménien. Le lien entre les génocides du 20e siècle, notamment celui des Arméniens et la Shoah, représente une raison supplémentaire de procéder à cette reconnaissance du rôle des résistants de l'Affiche rouge.  



Cette décision représenterait un hommage mérité à tous les résistants anti-nazis d'origine étrangère. Ceux-ci ont souvent été les pionniers de la résistance aux nazis, notamment dans le cadre des FTP-MOI ( MOI pour "Main d’œuvre immigrée "). Ils ont été pourchassés et assassinés par les nazis, notamment pour le groupe dit de l'Affiche Rouge fusillés avec Manouchian le 21 février 1944 au Mont-Valérien. 

Avril et les trois grands génocides du 20e siècle
Le mois d'avril au cours duquel est honorée la mémoire des victimes des trois génocides majeurs du XXe siècle  comporte  plusieurs "jours de sang":
Le 7 avril 1994 marque le début du génocide des Tutsi du Rwanda. C'est à lui que revient chaque année le triste privilège d'ouvrir les commémorations du mois d'avril, avant celui de la Shoah, le 19 avril correspondant au début de la révolte du ghetto de Varsovie le 19 avril 1943,  celui des Arméniens le 24 avril correspondant aux premières arrestations des intellectuels arméniens à Constantinople/Istanbul en avril 1915.
Nous y associons le premier génocide du XXe siècle commis en 1904 par l'Allemagne impériale  contre les peuples Herero et Nama en Afrique australe, les actions génocidaires en Bosnie à Srebrenica, au Darfour, le génocide des Roms, les actions génocidaires du régime khmer rouge au Cambodge et la récente tentative d’extermination des Yézidis d’Irak par Daech, les actions génocidaires contre les Rohingya en Birmanie ...

Les différents génocides ont des liens profonds entre eux car dans tous les cas les populations promises à l’extermination ont été d’abord été discriminées, stigmatisées, accusées de tous les maux, puis désignées comme ennemies, regroupées, marquées et « étiquetées » sous différentes formes et enfin conduites à l’extermination ou massacrées sur place. Le génocide est l’aboutissement de décennies, voire de siècles, de discriminations.

Un autre point commun à ces génocides est qu'ils font face à des entreprises de  négation, dans le cadre d’une solidarité avec ceux qui ont perpétré le génocide. Nous luttons contre ce phénomène très organisé, mis en place par les génocidaires eux mêmes et qui constitue avec l’impunité une incitation à de nouveaux massacres.
Le but des génocidaires, en tout temps et en tout lieu, ne consiste pas seulement à assassiner les vivants, mais aussi à nier à tout jamais leur existence.

C’est pour cette raison que les négationnismes sont consubstantiels aux génocides. En niant, il ne s’agit pas seulement d’une tentative faite par les assassins pour échapper aux conséquences de leurs crimes. Au même titre que les massacres physiques de masse, la négation est au service au service du but final : effacer de l’histoire et de l’humanité une partie des hommes et des femmes qui la constituent.
Hitler lui-même trouvait un encouragement dans la manière dont le génocide arménien était nié:
« Mais qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? » déclarait-il dans une allocution aux commandants en chef de l'armée allemande le 22 août 1939, quelques jours avant l'invasion de la Pologne.

Plus que jamais, le combat contre les génocides, ainsi que l’impunité de leurs auteurs et le négationnisme sont cruciaux. C'est pourquoi la reconnaissance du génocide arménien est si importante, afin de contribuer à prévenir d'autres génocides dans le futur.

Memorial 98

 












vendredi 5 avril 2019

25 ans après le génocide des Tutsi au Rwanda: l'implication française doit être reconnue et jugée.



                                          Marche à Paris le 7 avril 2019



Mise à jour du 15 mai 2019

Offensive rageuse des fidèles de François Mitterrand à propos du génocide des Tutsi: ils adressent une lettre à Olivier Faure, dirigeant du Parti socialiste,  afin de mettre en cause Raphaël Glucksmann, tête de la liste commune PS-Place Publique pour les élections européennes. A leurs yeux, il a péché en osant rappeler le rôle de l'ancien président et de son entourage dans l'aide apportée par les autorités françaises aux génocidaires .

Parmi les signataires de ce texte, Jack Lang, Michel Charasse l'auto-proclamé "flingueur" de l'ancien président, Hubert Védrine, principal suspect dans ces décisions (voir ci-dessous) mais également Roland Dumas, ancien ministre des Affaires étrangères de Mitterrand. Or Dumas est depuis fort longtemps passé du côté des dictateurs en Afrique, fait appel à des thèmes antisémites et assistait au meeting-spectacle de Dieudonné au Zénith de Paris dès 2006, en compagnie de ses amis de la famille Le Pen.

Cette lettre de menaces montre à quel point les amis de Mitterrand sont soucieux d'empêcher que la vérité se fasse jour à propos de ce génocide et des responsabilités françaises.

C'est ce que nous avions également rappelé lors d'une allocution de Memorial 98 le soir du 7 avril, dans le cadre de la veillée organisée comme chaque année par l'association Ibuka-France en mémoire des victimes du génocide. 
Nous y appelions à la vigilance face aux nombreuses tentatives pour bloquer un accès complet aux archives, voir ici la vidéo de cette intervention: https://www.youtube.com/watch?v=MaYgH39DV4Y

La lettre des Védrine, Dumas et autres Cazeneuve est une mauvaise action qui déshonore ceux qui l'ont écrite et publiée.

MEMORIAL 98

A l'occasion du 25e anniversaire du début du génocide des Tutsi au Rwanda, un ébranlement est en train de se produire en France, concernant à la fois la mémoire de cet immense crime et également la mise en lumière des responsabilités des autorités françaises avant, pendant et après le massacre. La multiplication des articles de presse en témoigne.

La chape de plomb qui entoure la mise à jour ces responsabilités est en train de craquer de toute part. Ce mouvement se produit grâce à la détermination des survivants du génocide et à des militaires français qui ont décidé de témoigner.

Le pionnier a été Guillaume Ancel, ancien officier de l’armée de terre qui a affirmé que les militaires français  ont laissé faire des massacres et ont reçu l'ordre de "livrer des armes aux génocidaires dans les camps de réfugiés."
Cet officier a pris part à l'opération dite Turquoise au Rwanda, en 1994, en tant que capitaine du 2e régiment étranger d'infanterie.
Son livre Rwanda, la fin du silence montre que les troupes envoyées par Paris lors de cette opération avaient pour mission de "stopper le FPR, donc d'empêcher la victoire de ceux qui combattaient les génocidaires"
Un général qui se trouvait au Rwanda a également témoignéAujourd'hui âgé de 84 ans, Jean Varret est nommé fin 1990 chef de la Mission militaire de Coopération (MMC). A Kigali, le colonel rwandais Pierre-Célestin Rwagafilita, chef d'état-major de la gendarmerie, vient lui demander des armes lourdes pour faire du maintien de l'ordre, en lui expliquant: «Je vous demande ces armes, car je vais participer avec l'armée à la liquidation du problème. Le problème, il est très simple : les Tutsi ne sont pas très nombreux, on va les liquider». De retour à Paris, le général Varret rend compte du risque de soutenir un pouvoir obsédé par la menace d'une «cinquième colonne» tutsi, au moment où le Front patriotique rwandais (FPR, tutsi) mené par Paul Kagame tente d'entrer au Rwanda depuis l'Ouganda. Le général est lu, mais personne ne l'écoute, affirme-t-il.

Face à ces révélations et au scandale qui menace, Emmanuel Macron louvoie. Il reçoit à l’Élysée les responsables de l’association Ibuka mais refuse de se rendre au Rwanda pour ce 25e anniversaire.
Il crée une commission d’historiens censée faire la lumière sur la période des années 1990-1994 mais en élimine l’historienne du CNRS Hélène Dumas, spécialiste du Rwanda dont elle maîtrise la langue.  
Nous soutenons la protestation contre cette exclusion qui laisse penser que la commission ne sera pas indépendante et appelons à en signer l'appel .
La composition de la commission a d'ailleurs  fait réagir la communauté historienne ces derniers jours, après l’annonce de la mise à l’écart de deux des principaux spécialistes français du sujet : Hélène Dumas seule experte à maîtriser le kinyarwanda et Stéphane Audoin-Rouzeau directeur d’études à l’EHESS. 
Ce dernier, qui dit avoir été reçu par la cellule Afrique de l’Élysée quelques jours avant l’annonce, explique qu’on lui a laissé entendre que « certains de [ses] écrits sur le rôle de l’armée française au Rwanda avaient pesé dans la balance et que [sa] présence serait une source de blocage. Et ce, après m’avoir expliqué au préalable que mes travaux avaient contribué à motiver la création de cette commission ».  
Il n’y a d’ailleurs aucun spécialiste du Rwanda dans la commission.
Le  doute subsiste également sur la capacité qu’auront les chercheurs à avoir accès aux archives de François Mitterrand. C’est Dominique Bertinotti, ancienne ministre déléguée à la famille, qui est la mandataire des archives du double septennat de l’ancien président français. Elle peut, à ce titre, s’opposer à la consultation du fonds. 
On comprend donc  la prudence de Marcel Kabanda, président d’Ibuka qui déclare: " J'ai le sentiment que la France est largement impliquée, mais jusqu'où ? Ce sont peut-être ces archives qui vont nous l'apprendre.
"Je pense aussi que tout ne se trouve pas dans ces papiers. Nous avons souvent été déçus, ou trahis. Donc j'ai des craintes »

1994, le génocide 
Le 7 avril 1994 marque le début du génocide des Tutsi du Rwanda et des "jours de sang" du mois d'avril:
C'est à ce génocide que revient  chaque année le triste privilège d'ouvrir les commémorations du mois d'avril, au cours duquel est honorée la mémoire des victimes des trois génocides majeurs du XXe siècle : celui des Tutsi du Rwanda le 7 avril, date du début des massacres en avril 1994, celui de la Shoah le 19 avril correspondant au début de la révolte du ghetto de Varsovie le 19 avril 1943, celui des Arméniens le 24 avril, correspondant aux premières arrestations des intellectuels arméniens à Constantinople/Istanbul en avril 1915.
Nous y associons le premier génocide du XXe siècle commis en 1904 par l'Allemagne impériale  contre les peuples Herero et Nama en Afrique australe, les actions génocidaires en Bosnie à Srebrenica, au Darfour, le génocide des Roms, les actions génocidaires du régime khmer rouge au Cambodge et la récente tentative d’extermination des Yézidis d’Irak par Daech, les actions génocidaires contre les Rohingya en Birmanie ...


Memorial 98 appelle à participer aux initiatives de commémoration et de solidarité organisées dans différentes villes par nos partenaires de l'association de rescapés Ibuka .


C'est en effet le 7 avril 1994 que débutèrent au Rwanda les massacres qui allaient voir la mort d'au moins un million de personnes jusqu'à juillet de la même année: des individus définis comme Tutsi, constituant la majorité des victimes, mais aussi des Hutu opposés aux partisans de l'idéologie raciste dite "Hutu Power"
D'une durée de cent jours, ce fut le génocide le plus bref et concentré de l'histoire et celui de la plus grande ampleur quant au nombre de morts par jour de tuerie.
Fruit d'une idéologie raciste mise en œuvre sur des décennies, ce génocide s'est appuyé, pour diffuser la haine, avant et pendant, sur une forme perverse d'humour, notamment à la Radio Télévision des Milles Collines, mais aussi sur les caricatures déshumanisantes de la propagande génocidaire .
Comme pour tous les projets génocidaires, celui-ci s'accompagne de campagnes négationnistes, de difficultés à faire reconnaître les responsabilités entre autres les responsabilités françaises et à faire vivre la mémoire. Il a fallu attendre 20 ans pour qu'enfin une stèle au Père Lachaise à Paris commémore ce génocide et encore 2 ans avant que soit inauguré un Jardin de la Mémoire dans un parc parisien.
Des progrès limités ont aussi été réalisés dans le domaine de la justice puisque enfin des génocidaires ont été jugés et condamnés en France. Ces procès doivent beaucoup à l’action de nos amis du Collectif des parties civiles pour le Rwanda qui poursuivent un combat incessant pour que le Parquet et les tribunaux jouent enfin leur rôle. En effet la justice demeure très partielle, lente et laborieuse. Des génocidaires présumés lui échappent.
Les habitants de nôtre pays ont un devoir particulier en ce qui concerne le Rwanda. En effet, une partie du combat est aujourd'hui celui de la pleine reconnaissance par l’État français de ses responsabilités. Cet État qui prétend parler en notre nom, persiste aujourd'hui à garder un silence complice sur l’implication de l’armée française dans le génocide des Tutsi.
Or le pouvoir Hutu extrémiste a reçu de manière continue et appuyée le soutien des autorités françaises tant au plan politique, militaire que financier, avant, pendant et après le génocide. Toute la vérité doit être faite au sujet de cette implication : tous les documents doivent être rendus publics.
Les preuves s'accumulent maintenant quant à la participation des pouvoirs publics français et d’institutions financières à l’exécution du crime.
Nos amis et partenaires des associations Ibuka, qui regroupe des rescapés tutsi et du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) qui mène un énergique combat judiciaire ainsi que l'ONG Sherpa, ont porté plainte contre la banque BNP. Ils l’accusent d’avoir favorisé le génocide en finançant la livraison d’armes, malgré l’embargo décidé par l’ONU.

En même temps les mises en cause se multiplient à propos de l’implication de dirigeants français de l’époque. L’attention se concentre sur Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères et surtout à l’époque secrétaire général de l’Élysée à l'époque du génocide, déjà plusieurs fois cité.


A ce moment (1993-1995) Mitterrand était président et Balladur chef d’un gouvernement de cohabitation, suite aux élections de 1993. Védrine jouait un rôle capital et bénéficiait de l’entière confiance du président.    

Selon le journaliste Patrick de Saint-Exupéry,  spécialiste du Rwanda, fondateur de la revue XXI et qui a dénoncé le génocide dès 1994, un haut fonctionnaire chargé d’examiner les archives de l’Elysée de 1990 à 1994 affirme que les autorités françaises ont bien donné l’ordre de réarmer les auteurs du massacre, alors que ces derniers venaient d’être mis en déroute par le Front patriotique rwandais (FPR).
Le fonctionnaire, anonyme mais manifestement très bien informé, qui a eu accès aux archives au moment de leur ouverture par François Hollande en 2015, évoque un document faisant état d’une fronde de certains militaires français contre la décision des autorités françaises de réarmer les génocidaires.
En marge de ce document et concernant le trouble de ces militaires, une note manuscrite d’Hubert Védrine insistait sur la nécessité de «s’en tenir aux directives fixées» et donc de livrer les armes.

 
Selon un autre spécialiste du Rwanda, Jacques Morel, cité par Libération, on retrouve la signature de Védrine en bas d’une note sur une dépêche officielle citée par l’agence Reuters et datée du 15 juillet 1994.
La dépêche était titrée: «Paris prêt à arrêter les membres du gouvernement intérimaire rwandais.», eux qui avaient orchestré le génocide et qui s’étaient repliés dans les zones sous contrôle français.
En marge de la dépêche, Hubert Védrine avait écrit: «Lecture du Président (Mitterrand): ce n’est pas ce qui a été dit chez le Premier ministre (Balladur).»
L’arrestation fut donc annulée.

Mitterrand et Védrine étaient particulièrement complaisants à l’égard des chefs Hutu, considérés comme favorables à la France car francophones, alors que les dirigeants Tutsi, qui avaient dû se réfugier en Ouganda étaient considérés comme favorables au monde anglophone.
De plus Mitterrand défendait la thèse négationniste du « double génocide », selon lequel les torts étaient partagés entre génocidaires et victimes. Ainsi après le sommet franco-africain de Biarritz en 1994, il lance à un journaliste qui l’interroge : “De quel génocide parlez-vous, monsieur ? De celui des Hutus contre les Tutsis ou de celui des Tutsis contre les Hutus ? ”
                                          
Védrine a de son côté défendu l’auteur négationniste Pierre Péan en 2008 lors du procès de ce dernier après la parution de son livre sur le Rwanda « Noires fureurs, blancs menteurs ». Le déroulement de ce procès démontre les ressorts et arguments des négationnistes, si proches de ceux qu’on retrouve dans des cas semblables (lire ici le compte rendu qu'en fit Memorial 98)
   
C’est dans cette sphère du déni qu’avait aussi agi le juge « anti-terroriste » Jean-Louis Bruguière chargé d’une enquête sur l’attentat qui le 6 avril 1994, toucha l’avion transportant le président du Rwanda Habyarimana,  abattu par deux missiles à son approche de l’aéroport de  la capitale Kigali.
Bruguière conclut, au terme d’une enquête partiale conduite depuis Paris, sans déplacement sur les lieux de l’attentat, à la responsabilité des rebelles tutsi (FPR) ; il lança des mandats d’arrêt internationaux contre de hauts responsables du FPR au pouvoir à Kigali.
Suite aux  conclusions du rapport Bruguière, les thèses négationnistes se renforcèrent et obtinrent une sorte de droit de cité dans le discours public, notamment français. L’attribution au FPR de la responsabilité de l’attentat du 6 avril a servi  à protéger des questions embarrassantes les dirigeants politiques de cette époque de cohabitation : Mitterrand, Balladur, Léotard, Juppé,  Roussin, Hubert Védrine, les responsables militaires et tous les officiels ayant joué un rôle dans la complicité militaire, politique, diplomatique et financière de la France dans le génocide.
Bruguière, parti à la retraite avant une carrière politique dans les rangs de l’UMP, son successeur, le magistrat anti-terroriste Marc Trévidic se rendit à Kigali en 2012, ce que n’avait jamais fait Bruguière, et aboutit à des conclusions totalement inverses sur le déroulement de qui allait constituer le prétexte de la mise en œuvre du crime.

Les habitants et les pouvoirs publics de notre pays ont un devoir particulier en ce qui concerne le Rwanda.
En effet, une partie du combat est aujourd'hui celui de la pleine reconnaissance par l’État français de ses responsabilités.
Cet État qui prétend parler en notre nom, persiste aujourd'hui à garder un silence complice sur l’implication de l’armée française dans le génocide des Tutsi.
Or le pouvoir Hutu extrémiste a reçu de manière continue et appuyée le soutien des autorités françaises tant au plan politique, militaire que financier, avant, pendant et après le génocide. Toute la vérité doit être faite au sujet de cette implication : tous les documents doivent être rendus publics. C’est pourquoi nous soutenons et partageons pleinement le combat de nos amis et partenaires de Ibuka, du CPCR et de Survie afin que la vérité se fasse jour et que les coupables éventuels soient jugés. On notera que Védrine est toujours présent sur la scène politique et médiatique. Il semble qu’il soit écouté par le nouveau président français. Il serait même  à l’origine du tournant consistant à s'allier avec Bachar El Assad sous prétexte de « lutter contre le terrorisme » alors que Assad en est le principal responsable et parrain. Védrine a aussi beaucoup de sympathie « réaliste » envers Poutine. 
Dans ce domaine de la responsabilité des États la justice des Pays-Bas a émis un verdict historique, bien qu'incomplet et frustrant. Elle juge que les autorités de son pays ont laissé se dérouler le génocide de Srebrenica (un an à peine après celui des Tutsi), sans permettre le sauvetage des personnes qui tentaient de se réfugier dans l'enclave des Casques Bleus néerlandais présents sur place. C'est le résultat d'une longue bataille des victimes et de leurs avocats avec le soutien d'ONG néerlandaises et internationales, mobilisées pour la justice et contre l'impunité.
Cette reconnaissance est importante car elle trace la responsabilité des gouvernements qui laissent se dérouler des génocides et crimes contre l'humanité et n'interviennent pas pour sauver des vies humaines. C’est dans le même sens que nous devons agir afin que soit levée la chape de plomb de la dissimulation au nom de la raison d’État.

En effet, à l’inverse, l'impunité des auteurs des génocides et massacres représente un facteur évident de récidive et de perpétuation des actes génocidaires.  On se souvient notamment du propos de Hitler trouvant un encouragement dans la manière dont le génocide arménien de 1915 était nié :
« Mais qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? » déclarait-il dans une allocution aux commandants en chef de l'armée allemande le 22 août 1939, quelques jours avant l'invasion de la Pologne.
 
C'est pourquoi, plus que jamais et en permanence,  la mémoire des génocides nourrit nos combats. 

Le génocide des Tutsi est également le récit d'une horreur absolue, dans laquelle des voisins massacrent ceux qu'ils connaissent et fréquentent. Des victimes supplient qu'on les tue avec une arme à feu  afin d'échapper à la machette et au gourdin mais pour cela les massacreurs exigent qu'ils payent le le prix de la balle. De manière croissante des livres et témoignages rendent compte de ces atrocités. Les femmes subirent un sort particulier avec les très nombreux viols et tortures particulières. Les survivantes luttent pour leur dignité et se regroupent comme celles de la maison de Kigali qui ont écrit le récit de leurs souffrances et de leurs combats.

A l'orée du 25e anniversaire, c'est un immense champ de mémoire et de solidarité qui est en train de s'ouvrir et auquel nous appelons à participer, pour que justice soit faite. 



MEMORIAL 98


Mise à jour du 21 avril 2019:
"Retour à Kigali ": un documentaire programmé le 25 avril sur France, à voir dès maintenant en suivant le lien ci-dessous, avec les témoignages de Guillaume Ancel et d'autres lanceurs d'alerte et des entretiens avec les chefs militaires Lanxade et Quesnot. On comprend clairement l'importance de l'engagement de l'armée française dans la formation militaire de l'armée génocidaire https://www.telerama.fr/television/a-voir-sur-telerama.fr-retour-a-kigali,-un-documentaire-implacable-sur-le-genocide-au-rwanda,n6221374.php?fbclid=IwAR1CRqUqvpTsiUvHlSfsLAFIo9lOQGgA5sGVibK8ZSNfTu0a1iQtph0JfLU