mercredi 15 avril 2020

Avec Céline, l'antisémitisme en vedette à France Culture à propos du Covid19 .



C'est un choix étrange et choquant de la radio publique et d'André Dussollier.

En rapport avec l'actualité de l'épidémie, l'acteur choisit de présenter le 15 avril à 19H le pionnier de l'hygiène hospitalière et obstétricale Semmelweis ( 1818-1865), à travers un texte de Céline.
Il s'agit de sa thèse de médecine qui fut publiée en 1936, après sa pièce antisémite "L’Église". Celle-ci annonçait déjà les œuvres de violence antisémite extrême, les pamphlets Bagatelles pour un massacre ( 1937), L'École des cadavres (1938) et Les Beaux draps( 1940)
Dans sa présentation de cette lecture, notamment dans son interview à France-Info,  Dussollier suggère un parallèle entre Semmelweis et les médecins actuels qui présentent des « intuitions » et provoquent ainsi la jalousie de leurs pairs, dans une référence explicite au Dr Raoult, promoteur de l’hydroxychloroquine. 
Il dit :

C'était il y a près de deux siècles, André Dussolier, et pourtant c'est plus qu'actuel ... avec la polémique autour du docteur Raoult. C'est ce qui vous a donné envie de lire ce livre ?
Oui, parce que je suis les débats qu'il peut y avoir entre les médecins, qui sont évidemment en désaccord, parce qu'il y a une urgence ; on a envie de combattre le Coronavirus et de trouver ces solutions et on voit bien que tout le monde a été pris de court et que la science avance à son rythme et qu'elle a besoin de vérifier les propositions des uns... Il y a des médecins qui peuvent être très inspirés et avoir, tout à coup, une vision que d'autres n'ont pas. Et c'est ainsi que Semmelweis s'est heurté à ses pairs, quand il a commencé à dire qu'il fallait simplement se laver les mains ou nettoyer les instruments dont les médecins se servaient, tout d'un coup, il a obtenu des résultats magnifiques, la mortalité a baissé, donc ça le mettait en concurrence avec d'autres chefs cliniciens de la région de Vienne et donc, évidemment, on lui mettait des bâtons dans les roues. On l'a empêché de faire valoir ses idées et ses découvertes. Donc, c'est ça qu'on voit: à travers tout ce qui peut se passer aujourd'hui, on voit que la science a besoin de médecins inspirés mais aussi elle a besoin de temps pour vérifier et voit bien aujourd'hui que telle découverte est acceptée à condition d'être corroborée par une étude scientifique qui, malheureusement, ne peut se faire qu'avec le temps...Tout ça m'a fait penser à l'histoire de Semmelweis." 

Semmelweis, Céline, Raoult , mélange toxique
Mettre en avant un symbole de l’antisémitisme le plus violent dans la situation actuelle est un acte grave qui en favorise la diffusion.
En effet la pandémie actuelle donne déjà lieu à une déferlante de propagande antisémite et complotiste sous la forme la plus violente.
Soral, toujours en liberté malgré ses condamnations à des peines de prison ferme,  est évidemment  au premier plan avec sa vidéo nommée Couillonavirus Communauté organisée qui tient la France. Il y stigmatise 
"le gang qui a en charge la médecine d’État : Buzyn, Lévy, Bauer, Hirsch, Jacob, Guedj, Salomon… C’est la liste de Schindler. » il éructe que les Juifs « veulent faire du pognon sur le dos des Français, affaiblir le peuple français par le nombre de morts » .

Cette propagande se focalise notamment sur la diabolisation d’Agnès Buzyn et de son mari Yves Lévy, ancien directeur de l’Inserm, qui entraveraient l'action du Pr Raoult, comme on peut le voir dans le message ci-dessous,  exemple de ceux largement relayés sur les réseaux sociaux.


Elle prend notamment pour prétexte d’une part le rôle de l’ancienne ministre de la Santé dans les débuts de l’épidémie et d’autre la présence d’Yves Lévy lors de l’accréditation d’un laboratoire de recherche de haute sécurité financé par la France à Wuhan, le 23 février 2017. 

Selon ces théories, le virus du Covid est issu de ce laboratoire et a été volontairement répandu avec la complicité, voire même sous la responsabilité d’Yves Lévy,  tandis que son épouse sabotait la prise en charge de l’épidémie en France. On peut même voir des caricatures montrant Agnès Buzyn en train d'empoisonner un puits, comme dans la tradition antisémite séculaire ( ci-deesous) 


Mais au delà de ces cibles, on retrouve le site complotiste et antisémite Mondialisation.Ca publie ainsi un texte qui accuse les Israéliens de diffuser le virus.
De son côté Marine Le Pen a plusieurs fois relayé la rumeur d’une origine « mystérieuse et inconnue » du coronavirus.
Elle prolonge ainsi les thèse de son parti contre les acquis de la santé publique.

La tradition antisémite en action 
Cette propagande ne surgit pas du néant. Elle s’inscrit au contraire dans une tradition fort ancienne.  
Ceux qui jouent sur la hantise des grandes épidémies ont recours à tous les poncifs de l'antisémitisme historique, concernant particulièrement la peste. 
Ainsi lors l’épidémie de peste noire qui toucha l'Europe entre 1347 et 1350, les agitateurs antisémites l'attribuèrent à un acte satanique orchestré par les Juifs qui voulaient dominer le monde en empoisonnant l'air et l'eau.
Une vague de massacres s'ensuivit notamment dans les aires germaniques et catalanes : en 1348 en Catalogne, les violences antijuives se diffusent presque au même rythme que la peste : Hyères, Toulon, Perpignan, puis Barcelone (peste le 15 mai 1348, pogrom le 17 mai) et de là Tàrrega (peste le 30 juin, pogrom le 6 juillet)
Aucune communauté juive importante d'Allemagne ne fut épargnée par les massacres et  les pillages. A Berne et à Zurich, des Juifs furent jugés et exécutés.
2000 Juifs furent tués à Strasbourg lors du "massacre de la Saint Valentin" en février 1349, d'autres victimes furent nombreuses à Colmar, Worms, Francfort, Cologne et ailleurs.

Plus près de nous le spectre de la « peste juive » réapparut en 1920
Aux premiers jours du mois de décembre 1920, une  rumeur est diffusée dans Paris : une pandémie inconnue et mortelle, la maladie n° 9 ( nom de code pour la peste), dont seraient porteurs les immigrés juifs originaires d'Europe orientale, se propagerait à vive allure dans les quartiers populaires de la capitale.
Les pouvoirs publics, impuissants à endiguer l'épidémie, auraient déjà recensé plusieurs centaines de cas mais refuseraient d'en faire état. La presse s'empare de l'affaire, bientôt instrumentalisée par la droite nationale et antisémite.
La crainte de la prétendue "maladie n° 9 " donne lieu, au Sénat, à une séance houleuse et retentissante le 2 décembre 1920. De nombreux élus dénoncent le caractère " inassimilable " des " Juifs d'Orient ", accusés de répandre l'épidémie, avec la complicité de leurs coreligionnaires installés en France depuis plusieurs générations. Présentés comme réfractaires aux mœurs de la civilisation occidentale, assimilés à des rats grouillant dans Paris, les Juifs sont également accusés de propager le " microbe " du " bolchevisme défaitiste ". 
Les classiques de l’antisémitisme tels le faux nommé Protocole des Sages de Sion et Mein Kampf martèlent ce genre d’accusations.
Il ne s’agit pas seulement de propos hallucinés et sans effet pratique mais d’un encouragement à la violence antisémite.
Celle-ci s’est manifestée récemment lors des attentats meurtriers des synagogues de Pittsburgh, de San Diego et de Halle en Allemagne. Or les auteurs de ces attentats ont commis leurs crimes  en s’appuyant sur les accusations complotistes portées contre les Juifs et leurs actions maléfiques. Ainsi Robert Bowers, le terroriste de Pittsburgh a donné comme raison de son passage à l'acte une accusation elle-aussi éternelle contre « les Juifs coupables de favoriser les migrants afin de détruire l'Amérique. »

Céline comme référence? 

Plusieurs tentatives de réhabilitation de Céline ont déjà eu lieu ces dernières années :
L’antisémite enragé et délateur figurait parmi les personnalités et événements pour lesquels le ministère de la Culture Frédéric Mitterrand prévoyait en 2011 une célébration nationale, à l'occasion du cinquantenaire de sa mort. À la suite d'une protestation initiée par Serge Klarsfeld, il fut finalement contraint de retirer Céline de cette liste.
En décembre 2017, on apprenait que Antoine Gallimard, patron des éditions du même nom projetait de publier un volume regroupant les pamphlets antisémites de Céline, Bagatelles pour un massacre, L'École des cadavres et Les Beaux draps, à paraître en mai 2018 sous le titre complaisant Écrits polémiques et avec un appareil critique minimal et complaisant. Là aussi le tollé obligea Gallimard à un recul, peut-être provisoire. Il accompagna son recul d'une dénonciation du rôle de Serge Klarsfeld et d'une stigmatisation des musulmans porteurs de l’antisémitisme
En choisissant de promouvoir à nouveau Céline, France-Culture et Dussollier prennent la lourde responsabilité de favoriser la diffusion de ses différentes thèses, y compris les pires. 

Céline dénonciateur de médecins juifs

Or Céline a sans cesse stigmatisé et dénoncé les médecins juifs qu’il a croisé. Ainsi le Dr Ludwig Rajchman. qui était directeur de l'Organisation d'hygiène de la Société Des Nations à Genève. C’est lui qui a soutenu la candidature de Céline comme candidat au poste de médecin dans son service. Ce dernier a donc travaillé sous les ordres de ce médecin juif qui  a entretenu avec lui des relations amicales, au cours des trois années qu’il a passées à Genève.Après son départ de Genève, Ludwig, Rajchman a continué à l’aider financièrement en lui confiant des missions pour la SDN, sans lui réclamer de rapports. Céline l’a ensuite stigmatisé sous le nom de "Yudenzweck" dans l’Eglise et de "Yubelblat" dans Bagatelles pour un massacre.
En 1929 Céline a trouvé un emploi dans le dispensaire qui venait jusqu’à ouvrir à Clichy, grâce encore à l’appui du docteur Rajchman. Contrairement à ce qu’il espérait il n' y fut pas  nommé médecin chef. Le choix s’est porté sur le docteur Ichok, ce qui a exaspéré Céline lequel n’a jamais digéré qu'on ait nommé un Juif à sa place. Il a fait courir le bruit qu’il avait usurpé le titre de docteur en médecine. Céline l’a décrit en ces termes injurieux : « Au dispensaire municipal sur lequel je m'étais rabattu, je vis arriver un certain Idouc lithuanien (...) imposé par les dirigeants communistes (...) La direction du dispensaire, confiée à ce médecin probablement faux, n'étant sans doute qu'un camouflage ».   
Ensuite Céline a selon son habitude pratiqué la délation en écrivant aux autorités de l’époque " La [sic] poste de Médecin du dispensaire municipal de Bezons (Seine-et-Oise) est actuellement occupé par un médecin étranger juif non naturalisé. En vertu des récents décrets ce médecin doit être licencié. Le Dr Destouches présente sa candidature à ce poste — Le Dr Destouches a pratiqué depuis 1924 dans les dispensaires municipaux de la banlieue. Il est pleinement qualifié pour ce poste"
Ainsi si Céline représente aux yeux de France Culture une référence à propos des débats de la médecine actuelle, ses convictions antisémites extrêmes trouvent dès lors une légitimation inquiétante.

Protestons!
Nous appelons à protester auprès de France-Culture et de la médiatrice de Radio France contre cette programmation dangereuse et choquante.

Vous pouvez envoyer ce texte ou une de ses parties ou votre propre protestation à l’adresse suivante https://mediateur.radiofrance.fr/  dans la page d’accueil à la rubrique « s'adresser à la médiatrice » 

 Memorial 98






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.