lundi 3 mai 2021

En route vers le négationnisme: la nouvelle dérive de l'UJFP

 

Mise à jour du 6 mai 2021

 

L'UJFP déclare qu'elle a retiré son texte à caractère négationniste en publiant une "mise au point" .

 

L'explication fournie pour ce retrait argumente sur une maladresse et des problèmes de formulation, sans expliquer comment un texte aussi catastrophique a pu être produit, validé , publié et maintenu sur le site Internet officiel d'une organisation qui déclare lutter contre le racisme, et ce pendant plus d'une semaine.

Ce texte originel, dont la lecture est nécessaire afin de comprendre de quoi il s'agit, se trouve toujours ici : https://web.archive.org/web/20210502223916/https://ujfp.org/reflexions-sur-lusage-du-terme-shoah-et-la-lutte-contre-lantisemitisme-dans-le-discours-officiel/


MEMORIAL 98

 

L’Union Juive Française pour la Paix (UJFP)  vient de publier sur son site Internet, un texte  critiquant l'utilisation du terme Shoah et présenté comme issu de sa" Commission antiracisme politique, pour la Coordination nationale de l’UJFP le 29 avril 2021"

Ce texte reprend de très nombreux poncifs de la mouvance négationniste/antisémite dite d’ultragauche.

Cette déclaration, suffisamment grave pour mériter notre réaction, nous explique dans son argumentaire central que :

« La destruction des Juifs au cours de la seconde guerre mondiale est l’histoire spécifique de l’Europe occidentale habituée par ailleurs à traiter les indigènes des colonies qu’elle occupait en sous-hommes, taillables et corvéables à merci. Réduits la plupart du temps à l’état d’esclavage. La nouveauté dans la destruction des Juifs d’Europe a résidé dans le fait qu’ils étaient blancs et européens  Qu’un certain nombre ont été transformés par les nazis en esclaves aux services des entreprises allemandes travaillant pour l’effort de guerre nazi jusqu’à l’extrême limite de leur résistance physique avant d’être détruits et réduits en cendres.

Ainsi, si on comprend bien le raisonnement tortueux de l’UJFP, il n’y avait pas de la part des nazis et d’Hitler de projet génocidaire (ce terme ne figure d’ailleurs pas un seule fois dans le texte UJFP), visant à tuer tous les Juifs d’Europe et d’ailleurs. Il s'agissait uniquement, selon l'UJFP,  d'un projet d’exploitation de la force de travail de ces Juifs, puis d’élimination après usage.

Afin de pouvoir à toute force présenter la Shoah comme une simple poursuite en Europe des entreprises coloniales, le texte nie la volonté nazie d’exterminer les Juifs dans le cadre de la "solution finale du problème juif".

Cette argumentation s’oppose à toute l’histoire réelle de la Shoah.

Nié le discours d’Hitler au Reichstag le 30 janvier 1939, pour le sixième anniversaire de sa prise du pouvoir en 1933, Hitler déclare :

« Je vais à nouveau être prophète, aujourd'hui : si la juiverie financière internationale, hors d'Europe et en Europe, réussissait à précipiter encore une fois les peuples dans une guerre mondiale, alors la conséquence n'en serait pas la bolchévisation de la terre et la victoire de la juiverie, mais l'anéantissement de la race juive en Europe » s’agit-il de travail forcé ?

Quand dès septembre 1941 en Ukraine à  Babi Yar, trente-trois mille sept cents Juifs ukrainiens de tous âges et des deux sexes ont été tués par les nazis, s’agissait-il de travail forcé ?

Quand Eichmann est chargé de mettre en œuvre la «  solution finale de la question juive en Europe » il s’agissait donc de travail forcé ?

Quand 900000 Juifs polonais, notamment de Varsovie sont mis à morts dans le camp de Treblinka, s’agissait-il de travail forcé ?

Quand les Juifs de Norvège, de Grèce, de Hongrie, de France furent traqués et transportés à Auschwitz et dans d’autres camps de mise à mort, s’agissait-il de travail forcé?

Les centaines de milliers d’enfants Juifs assassinés par les nazis étaient-ils destinés au travail forcé ?

Les rédacteurs de ce texte infâme ignorent-ils que le projet nazi d’anéantissement des Juifs a duré jusqu’au dernier moment de la guerre et qu’il était prioritaire par rapport à toute forme de travail forcé ?

Il y a une histoire déjà longue du négationnisme dit d’ultragauche. Il s’est agi depuis longtemps de relativiser la Shoah et l’antisémitisme nazi afin de combattre prétendument le discours antifasciste qui servirait de caution au capitalisme et à la « démocratie bourgeoise »

Dès 1960 circulait un texte dénommé « Auschwitz ou la Grand Alibi » produit par un groupuscule « bordiguiste » . Celui-ci ne niait pas la Shoah mais exonérait les nazis de leur antisémitisme exterminateur et prétendait « expliquer » le génocide par une concurrence entre différentes fractions de la petite-bourgeoise. Cette grille de lecture soi-disant marxiste ouvrait en réalité la voie au négationnisme antisémite dans lequel se sont illustrés le groupe de la Vieille Taupe de Pierre Guillaume et tant d’autres groupes et revues, de la Guerre Sociale à La Banquise.

Il ne s’agit plus de marxisme mais d’un prétendu « décolonialisme » mais qui aboutit à la même démarche: il faut minimiser la Shoah et la placer dans la continuité du colonialisme.

Les spécialistes de l’UJFP vont-ils appliquer la même grille au génocide des Arméniens, à celui des Tutsi, des Bosniaques musulmans de Srebrenica, à celui des Rohingyas ?

Un grave danger guette l’UJFP: quand la ligne rouge est franchie, comme dans cette déclaration, tout devient prétexte à mettre en cause les projets génocidaires des régimes exterminateurs. C’est d’ailleurs ce qu’on trouve dans d’autres passages du texte, qu’on croirait tirés de la prose de propagandistes antisémites, ainsi: 

« Nous devons nous interroger sur le sens et le bruit entretenu à propos de la lutte contre l’antisémitisme, réel ou supposé, contre l’antisémitisme seul » L’allusion porte sans doute sur les assassinats de Mireille Knoll et celui de Sarah Halimi , voire celui de Ilan Halimi que l’UJFP avait refusé de reconnaître comme un acte antisémite. L'UJFP s'est d'ailleurs à nouveau dissociée de la commémoration largement unitaire du quinzième anniversaire de cette mort en distribuant un tract provocateur lors de cette initiative

Idem pour la comparaison nauséabonde entre le sort des enfants Juifs assassinés et le sort d’enfants expulsés avec leurs parents après être passés par des Centres de rétention ( c’est évidemment une mesure ignoble pour laquelle la France a été condamnée plusieurs fois par la justice européenne) Certes le texte est obligé de reconnaître  que « Même si, nous le savons, la mort programmée n’est pas la finalité de leur déportation » mais dans ce cas pourquoi comparer et pourquoi parler de « déportation » et de «  disparition par l’expulsion/élimination » ?.

Si cette déclaration avait été la première manifestation d’une position trouble face à la Shoah et à l’antisémitisme, elle serait déjà fort dangereuse

Mais il s’agit ici de bien autre chose: l'UJFP n'a jamais mené une quelconque action contre l'antisémitisme. Sa seule ligne en ce domaine consiste à justifier les propos antisémites de personnes telles que Houria Bouteldja et ses acolytes.

Récemment un des ses représentants à Bordeaux a exigé que le terme antisémitisme soit retiré de l’intitulé d’une commission municipale destinée à lutter contre le racisme et l’antisémitisme.

Cela remonte à fort loin puisque déjà en 2006 ce groupe a boycotté avec d'autres organisations tout aussi aveuglées, le rassemblement de protestation après le meurtre antisémite de Ilan Halimi, au prétexte que la police et la justice qui n'avaient pas établi le caractère antisémite de l'affaire.  

Cet étrange raisonnement, s'agissant d'organisations habituellement peu enclines à s'aligner sur les analyses policières, témoignait du refus à s'emparer du combat contre l'antisémitisme, en raison des liens supposés avec la situation au Moyen-Orient.

La même confusion s'est poursuivie lors de la marche blanche après le meurtre de Madame Knoll en 2018  puisque l'UJFP s'est alors rangée sous la bannière de Daniel Knoll, qui défendait également la présence du Front National lors de cette marche (voir ici)

Les militant-es de l’UJFP sont évidemment directement concerné-es par cette déclaration abjecte faite en leur nom.

Espérons qu’ils-elles sauront l’exprimer.

Memorial 98

 

 

 

   

 

 

 

 

    

   

 

 

  

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