Actualisation du 13 octobre
L'auteur de Homeland, Abbas Fahdel, vient de recevoir le prix du documentaire 2016 "La Croix", décerné par ce quotidien, après avoir été choisi par un jury de professionnels du cinéma, de journalistes et de lecteurs.
Une nouvelle occasion de recommander cette œuvre.
Memorial 98
Actualisation du 28 aout 2016:
Chronique de l'enfer
Ce documentaire est une chronique de Bagdad, de ses habitants (chiites à 70 %) et de leur désespoir. Avec son confrère photographe Laurent Van der Stockt, dont les images ont fait le tour du monde, le réalisateur Lucas Menget, grand reporter et correspondant de France 24 à Bagdad, qui a tiré un livre de ses années passées en Irak (Lettres de Bagdad, Editions Thierry Marchaisse) est parti à la rencontre de chefs religieux et politiques, de miliciens, de journalistes... Tous vivent à Bagdad.
L'auteur de Homeland, Abbas Fahdel, vient de recevoir le prix du documentaire 2016 "La Croix", décerné par ce quotidien, après avoir été choisi par un jury de professionnels du cinéma, de journalistes et de lecteurs.
Une nouvelle occasion de recommander cette œuvre.
Memorial 98
Actualisation du 28 aout 2016:
"Bagdad, chronique d'une ville emmurée"
A voir sur Arte à partir du mardi 30 août à 21h50 (54 min) et sur Arte Pluz
" Dans les bouchons ou au checkpoint, je suis toujours sur le qui-vive. Je regarde à droite, à gauche, en me demandant quelle voiture va exploser." Hussein est professeur d'université. Comme la grande majorité des huit millions de Bagdadis, il sort rarement de chez lui et a perdu tout espoir d'un avenir meilleur. Treize ans après l'invasion américaine, Bagdad, capitale d'un Irak corrompu, militairement faible et soumis aux puissances iranienne et saoudienne (entre autres), paie au prix fort le conflit entre musulmans sunnites et chiites, relancé par l'essor de Daech depuis deux ans. En 2015, trois mille cinq cents personnes y ont péri dans des assassinats ou des attentats. Et 2016 s'avère pour l'instant tout aussi meurtrière... Alors, pour se protéger des attaques terroristes, mais aussi pour mieux acter la séparation entre sunnites et chiites, des murs se sont dressés partout dans la ville.
Ce documentaire est une chronique de Bagdad, de ses habitants (chiites à 70 %) et de leur désespoir. Avec son confrère photographe Laurent Van der Stockt, dont les images ont fait le tour du monde, le réalisateur Lucas Menget, grand reporter et correspondant de France 24 à Bagdad, qui a tiré un livre de ses années passées en Irak (Lettres de Bagdad, Editions Thierry Marchaisse) est parti à la rencontre de chefs religieux et politiques, de miliciens, de journalistes... Tous vivent à Bagdad.
Memorial 98
Alors
que des attentats meurtriers, revendiqués par Daech, tuent des centaines de personnes à Bagdad,
une œuvre puissante permet d’approcher la réalité irakienne.
Homeland
est un film documentaire, réalisé par Abbas Fahdel, cinéaste franco-irakien
né à Hilla , ville située à environ 100 kms de Bagdad. Le long
métrage d'une durée de 5 h 34 en deux parties: "l'Avant et l'Après"
est sorti en en février 2016. Le DVD
sera disponible en septembre 2016
Première partie : IRAK
année zéro (2 h 40)
Nous sommes en février 2003.
Le réalisateur nous conduit dans sa
maison près de Bagdad. Il nous présente les membres de sa famille. Les uns
après les autres, ils s'installent autour du téléviseur dans la pièce
principale. La télévision occupe une place prépondérante auprès de la
population. Saddam Hussein, figure idolâtrée, y apparait en civil, en
militaire, en prêcheur, il s'auto-complimente et promet monts et
merveilles contre l'ennemi américain.
Avec certains de ses proches, nous
allons déambuler dans les rues de Bagdad, guidé par son neveu Haidar,
personnage central. Le garçon, âgé de treize ans, plein de vivacité, nous détaille
comment les vitres du salon
sont consolidées avec du ruban adhésif épais, par dessus celui utilisé lors de la précédente guerre de 1991.
Il nous conduit jusqu'au puits creusé dans le jardin pour assurer des réserves d'eau. En cas de guerre il partira à la campagne.
Il nous conduit jusqu'au puits creusé dans le jardin pour assurer des réserves d'eau. En cas de guerre il partira à la campagne.
L'objet du film est posé. En
filigrane, une ombre inquiétante constituée par le spectre des guerres. Celles d'avant 2003 la guerre Iran-Irak de 1980
à 1988, l’invasion du Koweït par l'Irak en 1990, l'incursion de la partie
méridionale de l'Irak par une coalition internationale avec l'opération
"Tempête du désert" qui a mis fin à l'occupation du Koweït par l'Irak
en 1991.
Ont suivi les douze ans d’embargo et celle à venir… avec l'invasion américaine de 2003 à 2011.
Ont suivi les douze ans d’embargo et celle à venir… avec l'invasion américaine de 2003 à 2011.
Bagdad une ville trépidante, Bagdad, une fourmilière :
Des voitures américaines anciennes frôlent des charrettes tirées par un âne. Des artisans sont à l'œuvre.
Le marché regorge de victuailles. Les
épices s'étalent à profusion. Un homme empile des petits pains séchés dans un
sac pour en faire provision en cas de conflit. Le pain, que l'on fabrique à la
main, le pain, denrée primordiale. Un libraire vend des livres le long d'une
ruelle. Il n'a jamais cessé de les exposer, même en pleine attaque. A chaque
coin de rue, au détour des étals, le danger n'est jamais loin.
La vie de tous les jours
La caméra capte les visages
souriants et des passants qui s'affairent. Apparaissent à l'écran des portraits
d'enfants en gros plan, beaucoup d'enfants, beaux, encore innocents. Ils vont à
l'école, troublés sans trop comprendre pourquoi… Les plus jeunes jouent à faire
la guerre. D'autres enfants, dans des quartiers moins privilégiés, sont fascinés
par la caméra. Un indigent psalmodie un chant d'amour, un vieil homme pleure. Les
femmes sont belles avec leurs vêtements et leurs foulards de couleurs vives.
Des couleurs qui se heurtent avec une harmonie naturelle, tout comme le fantôme
des guerres passées et à venir plane dans le ciel toujours bleu. Elles ne
semblent pas « soumises » : elles bavardent, rient chantent et
dansent. Les plus jeunes vont à l'Université. Les hommes s'activent de leur
côté. La mélodie litanique des minarets s'égrène dans le lointain.
Un régisseur voudrait
ouvrir un théâtre engagé. Nous assistons au mariage somptueux de sa fille.
Les guerres et l'embargo ont ruiné
le pays. Les professions culturelles ne font plus recette. Bon nombre d'universitaires
ont été contraints de devenir paysans. Des allusions discrètes d'une opposition
qui semble inexistante.
Cette première partie relate une
période joyeuse, presque festive, même si on perçoit un décalage entre
l'abondance, une certaine exubérance et la peur permanente de la guerre.
L'inquiétude enveloppe la vie de
tous les jours. Chacun est imprégné des assauts qui ont ravagé le pays, et celui
auquel il faut se préparer.
Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait,
tournait, alors que tout le monde attendait l’invasion américaine.
Voici ce qu'il
dit lors d'un entretien :
« Je
suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, le 20 mars
l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis
revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà
tombée… »
Deuxième partie : Après la
bataille 2 h 54
Abbas Fahdel
revient en Irak deux mois plus tard et découvre un pays secoué par la violence,
qui semble n’avoir échappé au cauchemar de la dictature que pour tomber dans le
chaos.
Bagdad est anéantie.
Le cinéaste embarque sa caméra à l'intérieur
de la voiture de son beau-frère. Haidar, son neveu fait partie de l'expédition.
Il est toujours espiègle et continue à faire de nombreux commentaires. De multiples
barrages les contraignent à faire des détours. Ils croisent de longues files de
véhicules militaires américains. L'armée est omniprésente. Nous poursuivons ce
voyage du désastre et de la désolation pendant presque trois heures. Les
appréhensions sont devenues réalité.
La caméra tourne. Des plus beaux
édifices, il ne reste que des tas de pierres. Le bâtiment de la radio irakienne
est entièrement détruit. Les studios
de cinéma sont hors d’usage. Tables de montage et rouleaux de pellicules sont à
l'abandon.
Désormais les enfants et les jeunes
filles se rendent à l'école et à l'Université sous escorte de la famille. Les bandes rivales s'affrontent, les pillards sévissent, La détresse et la colère des
habitants sont à son comble. Ils se sont encore appauvris. Ils commencent à s’armer .La population
est divisée : ceux qui regrettent Saddam Hussein et ceux qui s'en
réjouissent, tout en constatant que les autorités irakiennes ne font rien pour
aider les habitants à survivre.
Lors de ce périple en voiture dans
la ville dévastée, une balle perdue va atteindre Haidar et le tuer.
Abbas Fahdel mettra une décennie à
s'en remettre, avant de pouvoir se
replonger dans ses rushs.
Il faut voir Homeland pour
comprendre le choc introduit dans l'histoire de l'Irak et de ses habitants. Le réalisateur
a voulu montrer la richesse de son pays avant
et ce qu'il en est advenu après avoir subi une dictature et des guerres. Il nous
fait partager sa vision de Bagdad et de ses habitants meurtris.
Après la projection des deux
parties, le spectateur à une connaissance plus intelligible de la tragédie qui
déchire l'Irak. Celle-ci va bien au-delà de l'image véhiculée par les médias ou
même celle de nos représentations collectives à propos de ce pays. Le film nous
aide à comprendre la raison du conflit interne qui engendre des morts quasiment
au quotidien.
Il fait aussi place aux mobilisations qui tentent de dépasser les affrontements à caractère communautaires, manipulés par ceux qui y trouvent leur intérêt et la source de leur pouvoir : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un État laïque”.
Le
22 mai 2016 dans la cadre d’un colloque à l’IMA (Institut du Monde Arabe de Paris ) ayant
pour thème : « Religion et pouvoir", trois historiens animaient un
atelier à propos du film Homeland. Ils ont fait
part de leur réflexion afin de mieux cerner ce que le réalisateur a voulu
transmettre par l'intermédiaire de son film. Ils ont découpé le film en trois intitulés.
1/
Une société sous dictature et embargo
2/
Le patrimoine, témoignage et refuge
3/Filmer
une rupture historique
Un hommage au peuple
irakien et à sa famille
En
1958 c'est la fin de la monarchie irakienne.
Un état est en construction. L'Irak connait un fort développement économique et
social grâce au pétrole.
Abbas
Fadhel découvre le cinéma égyptien. Sa famille est à la fois chiite et sunnite
(mariages mixtes) ; Lui ne se réclame ni de l’un ni de l’autre.
Abbas
F arrive en France en 1976 afin d'y faire une thèse sur le cinéma de Wim
Wenders (cinéaste allemand des années 60). En 1980, quand éclate la guerre Irak
-Iran qui fera quatre millions de morts de part et d'autre, il ne vit plus en
Irak. En 1990 lors de l’invasion du Koweït par l'Irak il en va de même. Au mois
de mars 1991, au cours de la
guerre du Golfe, une insurrection a tenté de mettre fin au régime baasiste de
Saddam Hussein, c'est
la révolte des chiites opprimée par le régime.
Abbas
travaille et produit des films en France : "Retour à Babylone "
(2001)," Nous les irakiens (2004)", " L’aube du monde" (histoire
des irakiens disparus à cause de l’assèchement des marais 2008 et enfin " Homeland "
(2002 et 2003) tourné en Egypte.
Abbas
Fadhel a voulu rendre compte des différents aspects de la société irakienne au travers
de certaines séquences de son film
1/ Une société sous
dictature et embargo.
Pendant
l’embargo, on découvre son beau frère, médecin, entrain de traire des chèvres
avec son épouse. Comme d'autres universitaires, il est devenu paysan. La
culture du blé, de l’orge et l’élevage des moutons se développent. Le système
de l’Éducation est mis à mal. Il en va de même pour la santé, ce qui a pour
conséquence l'accroissement de la mortalité infantile.
C'est
au travers des représentations de Haïdar, son neveu, que nous percevons ce
qu'est le régime de Saddam Hussein. Il nous explique la fierté nationaliste des irakiens qui soutiennent ce
régime. Ce sont des privilégiés qui bénéficient de tickets de rationnement en
dépit de la pénurie, d’où le renforcement de son pouvoir. Il décrit Saddam
Hussein en tenue militaire, il nous parle des 3000 missiles en prévision de la
prochaine guerre. C'est lui encore qui décrit la construction du puits pour
avoir des réserves d'eau en cas de conflit.
La
séquence est assez longue, Abbas Fadhel veut nous faire partager la vie
quotidienne des irakiens, par l'intermédiaire de ses personnages pendant la
période où l'Irak a subi la dictature et l'embargo.
2/ Le patrimoine,
témoignage et refuge
Saddam
Hussein né en 1937 se réclame de la dynastie antique des Hammourabi.
Il
prétendait reconstruire l'empire babylonien.
Il a fait reconstruire à l'identique le palais du roi Nabuchodonosor.
Abbas
F n'a rien filmé au hasard. Certains passages sont des témoignages de
l'histoire et de la culture de l'Irak comme le palmier, symbole de prospérité
et de fertilité. Le réalisateur s'entretient avec un homme perché dans un
palmier en train de couper des branches mortes.
Avec
sa caméra, il s'attarde sur le musée archéologique qui renferme des pièces
inestimables, étendard d'une civilisation florissante, celle de Babylone et du
roi Nabuchodonosor. Épargné en partie pendant la guerre, il a été pillé et des
collections ont été retrouvées dans d'autres pays.
Merveille
architecturale, la mosquée de Samarra avec son minaret hélicoïdal endommagé par
un attentat à la bombe en 2005, emblème des conflits entre chiites et sunnites.
Un détour par Al Amara, ville principalement chiite : 700 morts en 1991
lors d'un bombardement américain.
3/ Filmer une rupture
historique
L’enjeu :
conserver les traces de l’attaque de l'armée américaine…
Les
séquences se répondent les unes aux autres. Elles montrent des atteintes gratuites aux
personnes et à leurs habitations. Le musée archéologique dont la façade a été bombardée.
Un char de guerre stationne devant la porte qui était supposé en garder
l'accès. Les pillards s'en sont donnés à cœur joie. La bibliothèque nationale,
extension de la bibliothèque édifiée en 1920 et les archives mises à mal lors
de l'attaque de 2003. Cinéma calciné afin de dénoncer le manque de démocratie. Un
irakien proclame : "la démocratie n’est pas pour nous". Il dénonce
les marchands d'armes.
Nous apprenons la mort de Haidar, dès le début du film,
preuve de l'insécurité qui règne sous le gouvernement de Saddam Hussein. Insécurité
entretenue par l’État sunnite et mise en avant de la libre circulation des
armes qui mettent les enfants en danger. Abbas F. ne filme pas la guerre mais
des traces de la guerre du passé contre Saddam Hussein comme en 1991. Inscription
dans une histoire commune du cinéma : le sous-titre de son film (Irak
année zéro) est une référence aux films de Roberto Rossellini "Allemagne
année zéro" sorti en 1948, et "Rome ville ouverte" crée en 1945. Abbas F. a volontairement appelé
son film Homeland, du nom d'une série américaine qu’il trouve choquante,
afin de s'en différencier.
On
se trouve devant une œuvre puissante et évocatrice, une véritable fresque, à voir.
Memorial 98
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