A Nice, les policiers de Estrosi en action.
Plusieurs mises à jour à la suite de l'article dont une rappelle le rôle central de David Lisnard, maire de Cannes.
25 aout
C’est l’entrée en campagne
de Sarkozy pour la primaire de la droite qui a déterminé la décision des maires
de son parti de prendre des arrêtés dit « anti-burkini » et d’ouvrir
ainsi un nouvel épisode de la stigmatisation des musulman.e.s de ce pays.
Nulle théorie du complot
dans ce constat mais un examen de la chronologie des événements, des thèmes de campagne
sarkozystes et du casting de ses responsables ( Hortefeux, Wauquiez, Ciotti) .
On y ajoutera le mode de fonctionnement très centralisé des soutiens de Sarkozy, qui laisse fort peu de place aux initiatives locales
Le 28 juillet, le maire LR de Cannes, David Lisnard, relativement
peu connu, prend le premier arrêté. C'est un proche de Ciotti.
Il est immédiatement suivi par le
député-maire de Villeneuve-Loubet LR Lionnel Luca, qui se présente comme le
représentant de la "garde de fer sarkozyste " adepte des références
antisémites et nostalgique du fascisme roumain.
Son arrêté reprend exactement
les termes de celui de Cannes
Puis vient Estrosi, dont on sait qu'il est le petit télégraphiste habituel de Sarkozy,
malgré quelques mises en scène de brouilles temporaires.
A cette période Sarkozy a évidemment
déjà fixé le cadre de sa campagne qui sera lancée par son interview à
Valeurs actuelles le 11 aout.
Son livre est bouclé, les
ralliements de dirigeants LR sont en cours.
Peut-on penser un seul instant que
les maires en question agissent alors de leur propre initiative ? C'est en
coordination directe avec lui, voire à son initiative personnelle qu'ils publient leurs arrêtés identiques.
D'ailleurs, dans l’un des phrases
clé de son interview au journal de la droite radicale, Sarkozy déclare à propos
du FN :
"Les Français ont vu que le FN
avait atteint un plafond de verre aux dernières élections. Il nous faut les
ramener vers nous en répondant à leurs attentes et en proposant des solutions
concrètes."
Sarkozy ne condamne donc pas la
politique raciste du FN sur le fond (il ne le fait jamais, comme le
montre ce
florilège) mais lui reproche son inefficacité, laquelle contrasterait
avec sa propre capacité à mettre en œuvre des politiques équivalentes. Dès
lors, les arrêtés apparaissent comme un exemple de cette capacité
Sarkozy prolonge ainsi la
ligne explicitée par son porte-parole l’ex-ministre
Eric Woerth:
« Pour endiguer le FN, il faut
montrer que la barrière est infranchissable en refusant toute alliance. A partir
du moment où la digue est érigée, on peut aller très loin en s’approchant le
plus possible de la frontière ».
Il s'agit pour Sarkozy et
LR de capitaliser doublement, d'une part en légitimant les thèses
racistes et islamophobes du FN afin de s'adresser à l'électorat de
l'extrême-droite, tout en se proclamant les seul capables d'empêcher le
désordre, notamment économique, que le FN apporterait selon eux.
Ou exprimé plus brutalement par Simonpieri (expert en
la matière, maire de Marignane sous la bannière FN, intégré à l'UMP par Gaudin
en 2004) au lendemain du premier tour de la présidentielle de 2007 qui
sert de référence à la Sarkozie :
«Beaucoup d'électeurs FN ont constaté que Nicolas Sarkozy disait les mêmes
choses que Le Pen, mais que lui avait une chance de les mettre un jour en
application. Ils ont donc voté utile. Parce qu'ils ont cessé de croire à
l'accession de Le Pen au pouvoir» ( in Le Canard enchaîné du 25 Avril 2007
On retrouve donc le fond de
commerce habituel de Sarkozy lors de ses campagnes de 2007 et 2012
et même dès 1998 (avant toute menace islamiste) lorsqu’il approuve
explicitement avec Balladur la thèse lepéniste de
la « préférence nationale » mais cette fois-ci
pour 2017, il joue plus gros.
D’une part il doit affronter une
primaire alors qu’il traîne des casseroles judiciaires et le souvenir de son
échec. D’autre part Marine Le Pen et son parti sont en ordre de bataille.
Il ne se satisfait pas de la
remise en cause du droit du sol et du regroupement familial. Il lui faut un
thème plus explosif et de plus susceptible de créer un écho au sein des
courants de gauche sensibles à la propagande islamophobe.
Là aussi le modèle de 2007 le hante,
qui avait vu le ralliement de responsables du PS dont Eric Besson puis Bernard
Kouchner.
Sait-il que cette fois-ci, à
nouveau, Manuel Valls approuvera les arrêtés des maires de droite et que
nombreux seront ceux et celles qui à sa suite danseront au son de la
musique raciste et islamophobe en pensant (ou feignant de penser) qu’on défend
ainsi la laïcité, voir le droit des femmes ?
Devine-t-il que Valls ira jusqu'à
blâmer en direct Najat
Vallaud-Belkacem afin d'imposer à gauche la ligne ignoble de Sarkozy, comme
dans le cas de la déchéance de nationalité?
La ministre de l’Éducation nationale
a fort modérément affirmé que "la prolifération des arrêtés" n'était
"pas la bienvenue" et a ajouté "Jusqu’où va-t-on pour vérifier
qu’une tenue est conforme aux bonnes mœurs ?" puis a évoqué une
"dérive politique dangereuse pour la cohésion nationale" qui
"libère la parole raciste".
Valls la désavoue en direct et
réaffirme son soutien aux mesures des maires LR parrainées et initiés par
Sarkozy .
Notons que la ministre de la Santé,
Marisol Touraine, s'oppose aussi aux arrêtés anti-burkini et à la
stigmatisation du voile.
Dès lors, quoi de plus facile et de plus pervers pour Sartkozy que de
s’attaquer aux femmes musulmanes, accusées de "faire allégeance au
terrorisme" ? Qu’importe que le burkini et la présence à la plage soient
honnis par les fondamentalistes islamistes? Qu’importe que cette polémique
génère une fracture chez de nombreux musulmans et puisse alimenter le discours
djihadiste, comme l’explique le spécialiste David
Thomson ?
Sarkozy fait donc lancer par les
maires LR la vague de l’attaque généralisée.
Dès sa première émission de
télévision en tant que candidat, le 24 août il redouble ses coups et esquisse
une interdiction généralisée du voile à l’Université, dans les entreprises, et
sans doute demain dans la rue.
Sarkozy ne lâchera plus ce
thème.
Face à son offensive et à ses
dangers, il ne doit plus être question de recul ou d’accommodement. C’est
l’avenir du vivre-ensemble et même de la démocratie qui sont en jeu.
PS : Memorial 98, qui combat
résolument la politique xénophobe de Sarkozy, avait en 2007 défendu ce dernier contre
les attaques pétainistes de Jean-Marie Le Pen. Celui mettait en cause les " 3 grands-parents
étrangers" de Sarkozy. Nous avions alors révélé qu’il s’agissait d’une
référence directe au statut
des Juifs de 1940. Au même moment Sarkozy faisait récolter par Nadine
Morano des signatures d’élus en faveur du même Le Pen.
MISES A JOUR
17 Novembre 2021
David Lisnard élu président de l'Association des Maires de France: c'est lui qui a lancé la grande manipulation raciste du burkini sur ordre de Sarkozy qui débutait ainsi sa campagne pour la primaire de la droite
Un dossier de L'Obs en rappelle le déroulement:
"Mi-août 2016, Nicolas Sarkozy s’apprête à officialiser sa candidature à la
primaire. Lui qui veut faire campagne sur l’identité française devine
l’intérêt à exploiter l’affaire du burkini. Au cours du week-end, il
félicite par téléphone David Lisnard et Lionnel Luca [les maires de
Cannes et Villeneuve-Loubet, qui ont pris les premiers arrêtés
anti-burkini]. Le fait savoir. […]
Dès le 16 août, trois de ses soutiens annoncent l’interdiction du
burkini sur leurs plages : Michel Py à Leucate, Natacha Bouchart à
Calais, Daniel Fasquelle au Touquet. […] Dans les Alpes-Maritimes, après
les arrêtés pris isolément par les maires de Cannes, Mandelieu et
Villeneuve-Loubet, un mouvement bien plus organisé se prépare.
Pression sur les maires
Un homme joue le rôle de détonateur : Xavier Beck, maire de
Cap-d’Ail, commune de 5.000 habitants collée à Monaco. Beck est un
protégé d’Eric Ciotti, lieutenant de Sarkozy et homme fort du
département. […] Le 16 août, il envoie son texte anti-burkini à la
préfecture. […] Dans la foulée, quatre communes voisines de Cap-d’Ail
prennent le même arrêté : Saint-Jean-Cap-Ferrat, Villefranche-sur-Mer,
Beaulieu-sur-Mer et Eze. […]
Le mouvement est lancé. Sur les maires du littoral qui n’ont pas pris
d’arrêté, la pression est immense. […] Les édiles les plus réticents
finissent par signer : Roquebrune, Théoule-sur-Mer,
Saint-Laurent-du-Var.
"Je lisais que le burkini était interdit partout ailleurs et je me
disais : ces femmes vont toutes venir chez moi", se souvient Joseph
Ségura, maire de Saint-Laurent-du-Var.
A son tour, Christian Estrosi, le "vrai-faux maire" de Nice,
signe un arrêté le 19 août. A contrecœur, tant il voit la main de son
rival Ciotti derrière ce déferlement. Plus tard, il dira :
"C’est un non-sens d’avoir pris ces arrêtés."
Regrets similaires chez Stéphane Cherki, maire d’Eze : "J'ai peut-être fait une erreur."
Le mensonge se fissure
Dans les Alpes-Maritimes, une douzaine d’arrêtés sont pris en une
semaine. Officiellement, pas un coup de fil, aucun mot d’ordre. Le maire
de Menton, Jean-Claude Guibal, invoque des "fluides magnétiques" pour
expliquer que tous aient senti la même urgence, au même moment, de
signer le même arrêté, copié-collé de celui de Cannes.
Il nous faudra promettre l’anonymat pour que ce mensonge se fissure.
"Oui, les maires se sont parlé. On nous a réclamé un soutien moral, il fallait montrer notre solidarité", lâche un édile.
"Bien sûr qu’il y a eu un donneur d’ordres", témoigne un autre élu.
Pour les sarkozystes, l’objectif est atteint : à la télévision, dans la presse, dans les dîners, on ne parle que du burkini…"
MEMORIAL 98
Actualisation du 5
octobre 2016
Sarkozy poursuit son
escalade et confirme qu'il était bien à la manœuvre sur le burkini:
Le candidat à la primaire a
semblé confirmer ce 5 octobre l'information selon laquelle son entourage
planchait sur un texte interdisant le voile dans la rue, à l'exclusion de tous les
autres signes religieux.
Ses conseillers
travailleraient sur un texte législatif qui interdirait le port du voile
dans l'espace public, rapportent plusieurs médias.
"Pas de voile,
pas de burkini, pas d'horaires spéciaux dans les piscines, c'est
l'égalité", a lancé Sarkozy ce 5 octobre sur Radio Classique.
"Préparez-vous un
projet pour interdire le voile?", lui a demandé le journaliste Guillaume
Durand. "Exactement", a répliqué l'ancien président de la République.
"Oui ou non?", l'a relancé le journaliste. "Oui", a insisté
Nicolas Sarkozy.
Après avoir directement
organisé la vague d'arrêtés anti-burkini (voir ci-dessous) Sarkozy lancerait
donc une nouvelle offensive, confirmant ainsi le commentaire de Jean-Marie Le
Pen qui lui adresse ses félicitations et considère que l'ancien président se
" Jean Marise".
Les
démentis diffusés par ses communicants, qui prétendent qu'il s'agissait
uniquement de l'interdiction du burkini ou du voile intégral (déjà
interdit par la loi) montrent que Sarkozy cherche en permanence à
focaliser le débat sur ses provocations et manipulations islamophobes.
MEMORIAL 98
Actualisation du 6 septembre 2016
La vérité sur la manipulation de Sarkozy commence à se faire jour et confirme
nôtre analyse, formulée ici dès le 25 aout.
Selon
l'hebdomadaire l'Express, un maire LR et juppéiste d’une ville du Sud-Est a
livré le témoignage suivant : « Nicolas Sarkozy a appelé
lui-même certains maires pour qu’ils signent des arrêtés interdisant le
burkini! Eric Ciotti [président du conseil général des Alpes-Maritimes, qui est
l’un de ses porte-parole, NDLR] téléphonait et l’ancien chef de l’État passait
derrière pour remettre un coup de pression. »
Actualisation du 29 aout
Sarkozy veut changer la Constitution.
A nouveau Sarkozy poursuit le plan de provocation raciste qu'il a initié par la promulgation des arrêtés anti-burkini.
Il
réclame maintenant un changement de la Constitution en prétextant qu'on
" ne peut pas laisser les maires seuls face à la situation".
Il veut ainsi imposer une loi d'interdiction du burkini, voire du voile.
L'incendiaire Sarkozy prétexte du feu qu'il a allumé afin de poursuivre à jeter de l'huile sur les flammes.
Cette campagne et le climat créé sont d'ores et déjà responsables du grave incident de Tremblay (93) au cours duquel un restaurateur a chassé des femmes musulmanes de son établissement.
Ceux
et celles qui prêtent la main à l'entreprise sarkozyste, et au premier
plan Manuel Valls, ou qui gardent le silence, prennent une lourde
responsabilité. On favorise ainsi la diffusion des idées les plus
toxiques. Le FN et Daech peuvent se frotter les mains.
Memorial 98
Actualisation du 26 aout 2016:
Le
Conseil d’État a censuré et suspendu l'arrêté anti-burkini de
Villeneuve-Loubet, mais la droite et ses alliés FN, ainsi que Manuel
Valls, persistent et escaladent.
L’ordonnance
du Conseil d’État précise fort bien que « l’arrêté litigieux a ainsi porté une
atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la
liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. »
C'est aussi
un désaveu direct de Manuel Valls, soutien acharné de ces mesures
discriminatoires, qui prétend parler au nom du gouvernement.
Malgré ce désaveu de la haute juridiction, Sarkozy, parrain de toute l’affaire, ne lâchera évidemment pas le plan
diabolique qu'il a concocté avec les maires LR de sa garde rapprochée, dont
Lionnel Luca de Villeneuve-Loubet et
Estrosi.
Ces derniers ont d’ailleurs refusé d’annuler leurs arrêtés.
Les déclarations de Sarkozy à la
télévision et lors de son premier meeting à Châteaurenard démontrent à nouveau qu’il met en œuvre un
plan soigneusement prémédité, puisqu’il a immédiatement réclamé une loi
permettant d’interdire le burkini.
Dans son sillage, la plupart des ténors de droite (sauf
Juppé) et le FN ont appelé à modifier la loi actuelle.
La bataille va donc se poursuivre et même
s’amplifier.
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