Ni oubli, ni pardon: en ce jour anniversaire de sa mort nous pensons à Malik Oussekine (ci-dessus), tué par les "pelotons voltigeurs" de la police parisienne dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, en pleine mobilisation étudiante contre les lois Devaquet.
Memorial 98 salue sa mémoire, se
souvient de la responsabilité directe de Pasqua et Pandraud, ministres de
l'Intérieur et de la Police de l'époque, ainsi que de celle de Chirac, chef du
gouvernement.
Les pelotons voltigeurs ont été mis
en service par Pandraud. Ce sont des policiers montés à deux sur une moto
tout-terrain ; l’un conduit, l’autre est armé d’une matraque. Ils ont
comme mission de « nettoyer » les rues après les manifestations en
pourchassant les prétendus « casseurs ».
À Paris, à la suite d’une
manifestation pacifique arrivée à la Sorbonne, au Quartier latin, les
“voltigeurs” prennent en chasse les jeunes qu’ils croisent.
Malik Oussekine, un
étudiant marocain de 22 ans, sort d'un club de jazz en plein Quartier Latin. Il est minuit.
Des “voltigeurs” le remarquent et se lancent à sa poursuite. Malik Oussekine se
met à courir. Un témoin qui rentrait chez lui, Paul Bayzelon, fonctionnaire au
ministère des Finances, habitant l’immeuble, au 20 rue Monsieur le Prince (6earrondissement), a déclaré :
« Je rentrais chez
moi. Au moment de refermer la porte après avoir composé le code, je vois le
visage affolé d’un jeune homme. Je le fais passer et je veux refermer la porte.
Deux policiers s’engouffrent dans le hall, se précipitent sur le type réfugié
au fond et le frappent avec une violence incroyable. Il est tombé, ils ont
continué à frapper à coups de matraque et de pieds dans le ventre et dans le
dos. La victime se contentait de crier : “je
n’ai rien fait, je n’ai rien fait” ».
Paul Bayzelon a dit avoir voulu s’interposer
mais s’être fait lui aussi matraquer jusqu’au moment où il a sorti sa carte de
fonctionnaire. Puis les policiers sont partis, laissant Malik Oussékine sur le
carreau.
Peu après le Samu arrive sur place. Ils
apportent les premiers soins à Malik Oussekine et le transportent à l’hôpital
Cochin où il meurt des suites des coups portés par la police.
Ce corps de police fut
dissous à la suite de cette affaire. Le ministre Devaquet démissionna, sa
réforme fut retirée ainsi que le projet gouvernemental raciste qui s'attaquait
au droit du sol (voir
ici)
On se souvient aussi comment le
Front National a, un an plus tard, commenté sa mort : « Des Français comme les
Oussekine, on peut s’en passer […]. On se souvient de la mort du petit casseur
gauchiste nommé Malik Oussekine. Malgré son état de santé lamentable, il
n’avait pas hésité à attaquer en pleine nuit les forces de police chargées du
maintien de l’ordre » (extrait du journal du Front national du Var , 20 janvier
1988).
Quant aux assassins de Malik
Oussekine, les policiers voltigeurs Schmitt et Garcia, ils ne seront inculpés que de
"coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la
donner". Aux assises, en 1990, ils s’en tireront avec cinq ans de prison
avec sursis pour le premier, deux ans pour le second.
Nous nous souvenons également de
Abdel Benyahia tué dans la même nuit du 5 au 6 décembre 1986 à Pantin à
l'âge de 20 ans, par un inspecteur de police qui n’était pas en service. Dans
les manifestations qui suivirent, les noms de Malik Oussekine et d'Abdel
Benyahia étaient associés, même si aujourd'hui, malheureusement, la
mémoire du second se perd.
Ainsi lorsque Malik Oussekine
est enterré à Paris,
une manifestation à la mémoire des deux victimes, Malik Oussekine et d'Abdel
Benyahia réunit plusieurs centaines de milliers de personnes.
Au lendemain de la mort d'Abdel
Benyahia, pendant 48 heures, c’est le blackout total dans tous les services.
La famille n’est avertie que
le 8 décembre de l’endroit où a été transporté le corps.
Le policier
Savrey est n'est inculpé que d' "d’homicide involontaire" et laissé
en liberté sous contrôle judiciaire. Il avait 1, 83 grammes/litre d'alcool dans
le sang. Maître Forster avocat de la famille Benyahia déclara alors :
"C’est sur réquisition du ministère que le juge d’instruction n’a pas
délivré de mandat de dépôt à l’encontre du policier".
A la Cité des 4000 (La Courneuve) où
habitait la famille Benyahia, se constitua le Comité justice pour Abdel qui
s’acharna à réclamer la vérité. Six mois après le meurtre, le crime fut
requalifié "d’homicide volontaire" et Savrey est incarcéré. Le
procès aux assises eut lieu en novembre 1988. Des policiers
déclarent alors à la barre : "Vous savez bien que dans la police tout le
monde boit ; un autre fonctionnaire aurait eu le même geste. On peut imaginer
alcoolémie ou pas, qu’on aurait abouti au même résultat". Le
réquisitoire demandait 8 ans de réclusion. Verdict du jury : 7
ans de réclusion.
En cet anniversaire on se souvient
aussi de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré le 27 octobre 2015 ( voir ici)
avec le scandale de l'impunité policière et plus près de nous de la mort
d'Adama Traoré, victime des violences des gendarmes, mort le
19 juillet 2016 à la gendarmerie de Persan après son interpellation. Sa famille
et ses amis sont harcelés depuis.
Nous n'oublions pas et réclamons la
justice, la vérité ainsi que la fin de l'impunité.
MEMORIAL 98
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