Mise à jour 13 décembre 2020
A voir absolument dimanche 13 décembre 2020 à 22h40 sur France 5, puis en replay.
"Nous nous sommes retrouvés entourés de soldats qui pointaient leurs
fusils sur nous. On a commencé à nous ôter nos vêtements de dessus et à
nous pousser vers la fosse. À ce moment-là, des coups de feu ont
retenti. On a entendu des hurlements terribles. Les soldats nous
faisaient tomber vivants dans la tombe pour éviter d'avoir à traîner nos
corps. Je dis adieu à ma femme. Nous étions enlacés lorsqu'une balle l'a atteinte à la tête. Son sang m'a giclé au visage. »
Ce témoignage glaçant est extrait du Livre noir, un ouvrage
constitué à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour documenter la
destruction des Juifs dans les territoires soviétiques conquis par les
nazis. Ce livre qui recueille des textes et témoignages de survivants ne
sera finalement publié qu'à partir de 1993.
Qui sont Ilya Ehrenbourg,
Solomon Mikhoels et Vassili Grossman, les trois personnages essentiels à
la construction de ce livre ? Quels étaient les liens entre littérature
et politique en URSS ? Et comment expliquer la censure du Livre noir et les campagnes antisémites commandées par Staline ?
Le contenu de ce film documentaire correspond à ce que nous analysons ci-dessous.
MEMORIAL 98
Parmi les victimes du massacre du 12 août 1952: Peretz Markish, Leib Kvitko, David Hofshtein, Itzik Feffer , David Bergelson, écrivains et poètes.
Staline et les Juifs : de la suppression du Comité Antifasciste Juif au procès des Blouses blanches.
Pour qui veut combattre l'antisémitisme et ses projections à gauche, il est crucial de se pencher sur l'histoire de l'antisémitisme stalinien.
Celui-ci est à l'origine de nombreux " concepts" calamiteux de cette haine.
Staline et ses sbires ont notamment recyclé les termes issus de l'extrême-droite et du nazisme sur le " complot juif international".
Mais ils ont du innover et ruser puisque leur référence au "communisme" leur interdisait de recourir trop ouvertement au vocabulaire antisémite classique.
Ils choisirent donc de recourir au terme codé de "sionistes" afin de discriminer et réprimer jusqu'à la mort les Juifs qu'ils voulaient éliminer.
Ainsi lors du prétendu complot des "Blouses blanches" Staline dénonça les médecins "sionistes" qui auraient prévu de l'assassiner ( voir ci-dessous)
La deuxième guerre
mondiale débuta le 1er septembre 1939 par l’attaque de la Pologne par les nazis.
Les troupes de Staline envahirent la Pologne orientale deux semaines plus tard le 17 septembre, dans le cadre du pacte Molotov-Ribbentrop signé en août 1939, qui est maintenant réhabilité par Poutine
L'invasion de la Pologne par les nazis a
débuté par le bombardement des civils de la ville de Wielun, choisie
par les nazis en raison de son importante population juive. Elle a été
surnommée Guernica polono-juive car l'ordre de la bombarder a été donné par le général Von Richthofen, ancien chef de la légion nazie Condor, dont les avions avaient rasé la ville basque de Guernica en 1937.
Le plan "Barbarossa",
c’est-à-dire l’invasion de l’Union Soviétique par le Reich, débuta le 22
juin 1941. Les premiers mois de la guerre furent catastrophiques pour
l’armée soviétique, désorganisée par la répression stalinienne.
Dès les premiers jours, les pertes sont immenses:
près de 2000 avions cloués au sol ou abattus au soir du 22 juin
De
juin à décembre 1941, l’Union soviétique perdit 5,5 millions de soldats,
dont 4 millions de prisonniers et 1,5 millions de morts.
Dans cette
situation, Staline adopta une nouvelle ligne politique pour créer un
grand élan "patriotique". Les lieux de culte fermés dans les années 1930 furent rouverts en partie, le clergé orthodoxe sortit des « catacombes », les
écrivains muselés furent de nouveau imprimés au compte-gouttes, on remit à l’honneur les maréchaux de l’Empire russe comme
Koutouzov, le vainqueur de Napoléon.
Le Comité Antifasciste Juif
La création du Comité Antifasciste Juif s’inscrivit aussi dans le cadre de cette nouvelle doctrine plus ouverte sur le monde
Pour comprendre l’importance de ce Comité
qui va devenir une institution légendaire, il faut revenir à la première
année de la guerre, lorsque l’Armée rouge subissait des revers sur tous
les fronts.
Même Moscou était menacée et le gouvernement soviétique se
replia sur Kouïbychev[1].
Dans la ville se trouvaient aussi les missions étrangères, notamment
polonaise, créée depuis l’accord signé à Londres le 21 juillet 1941
entre le général polonais Wladyslaw Sikorski[2] et l’ambassadeur Ivan Maïski[3]. Il prévoyait la libération massive des Polonais, retenus dans des
camps et en relégation en Sibérie et en Asie Centrale.
Il s’agissait de citoyens polonais, dont de nombreux Juifs, qui
habitaient avant la guerre à Lwȯw ou dans sa région et qui avaient été
arrêtés par milliers par les forces de répression soviétiques entre septembre 1939 et juin 1941.
Parmi eux figuraient Viktor Alter[4] et Henryk Ehrlich[5],
respectivement dirigeants de la section polonaise de l’Internationale
socialiste et du Bund, le Parti ouvrier juif. Les deux hommes avaient
rédigé un rapport à l’intention de Staline, qui avait été remis à Beria.[6]
Ils proposaient de créer un Comité international
juif antifasciste afin de mobiliser en faveur de l’Union Soviétique des
millions de Juifs, surtout aux États-Unis, en Grande Bretagne, en
Amérique du Sud, en Afrique du Sud et en Australie.
Ce rapport fut
accueilli avec beaucoup d’intérêt par des responsables soviétiques.
Pourtant Viktor Alter et Henryk Ehrlich furent arrêtés par les services de répression du NKVD,
juste avant leur départ pour Londres, siège du gouvernement polonais en
exil.
Personne ne revit jamais les deux hommes qui furent accusés
d’espionnage au service des nazis (!) et exécutés dans des conditions demeurées mystérieuses. À
ce jour, on ignore même la date exacte de leur mort et leur tombe n’a
jamais été retrouvée.
Henryk Ehrlich
Henryk Erhlich, inventeur du CAJ, dirigeant du Bund, assassiné par Staline
ris par les autorités
soviétiques, mais avec un objectif quelque peu différent. Le projet de Alter et Ehrlich fut récupéré et modifié par les autorités soviétiques.
Exposition sur le CAJ réalisée par le Centre Medem de Paris
Le projet de Ehrlich et Alter fut récupéré, modifié et dénaturé par les dirigeants soviétiques.
Au lieu d’un
comité international, on créa le Comité antifasciste juif de l’Union Soviétique.
C’est ainsi que, le 24 août 1941, de nombreuses personnalités juives
participèrent à un meeting retransmis par Radio Moscou, afin de
proclamer officiellement la naissance du Comité.
Un appel aux Juifs du
monde entier fut alors lu en yiddish, qui débutait ainsi : « Brider und
shvester, yidn fun der gantzen welt… » [Frères et sœurs, Juifs du monde
entier…].
Étaient présents les représentants les plus importants des intellectuels juifs : des écrivains, (David Bergelson[7], Peretz Markish[8], Itzik Fefer[9]), Solomon Mikhoels, le directeur du Théâtre Juif d’État, le violoniste David Oïstrakh[10], le physicien Piotr Kapitsa[11], le metteur en scène Sergueï Eisenstein[12], le professeur de biologie Lina Stern[13]–
la seule femme , membre de l’Académie des sciences et beaucoup
d’autres encore. Solomon Mikhoels fut élu président de ce Comité et
lança sur-le-champ un appel vibrant aux Juifs du monde entier.
Un court discours de l’écrivain Ilya Ehrenbourg[14] impressionna les présents :
« Je suis un écrivain russe, mais les nazis m’ont rappelé
quelque chose : Hannah, le prénom de ma mère. Je suis Juif et je le dis
avec fierté. Le nazisme nous hait plus que tous les autres et ceci nous
honore. »
Dès le juin 1942 le CAJ avait créé un journal en yiddish. « Eynikeyt »
(Unité). Dans son éditorial du premier numéro, le président du comité
demandait aux Juifs du monde entier de faire des dons afin de réunir une
somme d’argent suffisante pour fabriquer mille chars et cinq cents
bombardiers. Les dirigeants soviétiques ne pouvaient évidemment qu’approuver une telle démarche.
Mais peu à peu la faille apparut: les
hommes au pouvoir voyaient dans le Comité une agence de propagande
soviétique en direction de l’Occident, tandis que le Comité se
considérait, par le biais de son journal, comme le porte-parole des
Juifs d’Union Soviétique.
Pendant les années de guerre, les Juifs
d’Union Soviétique suivaient attentivement les activités du Comité
Antifasciste Juif un organisme qui, entre 1942 et 1945, les représentait de fait tant à l’intérieur du pays qu’auprès des pays alliés.
Le CAJ publia des livres, des brochures, des témoignages.
En effet, pendant de longs mois, Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman[15] avaient collecté des récits des rescapés des ghettos et des camps de concentration nazis pour les faire paraître dans un « Livre noir[16] ». Mais
cette publication fut interdite et vit le jour bien des années après
la mort des deux écrivains et la chute du Mur de Berlin et du régime soviétique . Staline et ses acolytes voulaient absolument minimiser la persécution des Juifs en tant que tels. En effet, les autorités soviétiques staliniennes niaient et dissimulaient le
caractère antisémite des exactions nazies, ajoutant ainsi une occultation au génocide lui-même.
Pendant des décennies, les rassemblements de commémoration furent
interdits dans le ravin.
La publication en 1961 du poème "Babi Yar" , du poète russe contestataire Evgueni Evtouchenko, fit l'effet d’un choc
salutaire, car il proclamait que les victimes étaient exterminées parce que juives et il évoquait les pogroms en Russie.
Le poème débute ainsi :
" Non, Babi Yar n'a pas de monument.
Le bord du ravin, en dalle grossière.
L'effroi me prend.
J'ai l'âge en ce moment
Du peuple juif. Oui, je suis millénaire.
Il me semble soudain-
l'Hébreu, c'est moi, ..."
En 1966, les autorités soviétiques érigèrent sur place un monument qui ne mentionnait
toujours pas les victimes juives.
Ce n’est qu’en 1991, après la chute de
l'URSS, que le gouvernement ukrainien autorisa la création
d'un monument spécifique à ces victimes. Ce monument fut inauguré
10 ans plus tard, en septembre 2001, soit soixante ans après les faits.
Reconnaissance internationale
Le CAJ jouissait d’une reconnaissance internationale, surtout après
le voyage de sept mois de Solomon Mikhoels et d’Itzik Fefer aux
États-Unis, au Mexique, au Canada et en Angleterre. Pendant leur
périple, quarante-cinq millions de dollars furent collectés pour l’Armée
rouge, une somme énorme, si on considère qu’elle était uniquement
constituée de dons privés.
Dans le même temps, les membres du Comité
étaient tels des équilibristes sur un fil, continuellement suspectés de
"déviationnisme nationaliste juif", accusation gravissime sous le règne stalinien .
Une
fois la guerre achevée, l’existence du Comité s’avèra assez rapidement
menacée. Ses membres étaient soumis à une surveillance constante et à
des critiques très virulentes de la part des dirigeants.
Leurs appels
vers les Juifs, exprimés de surcroît en yiddish, étaient stigmatisés
comme preuve de leur esprit "cosmopolite et nationaliste", incompatible avec
le régime soviétique. Ils devaient le payer de leur vie quelques années
plus tard.
Après la défaite nazie
En 1944 les troupes allemandes sont chassées du territoire de
l’Union Soviétiques et les Juifs qui avaient pu être évacués pendant la
guerre, purent revenir chez eux. Ils constatèrent alors l’immensité des
pertes. Dans la vie quotidienne ils rencontrèrent alors de nombreux problèmes
et se tournaient souvent vers le Comité, en réclamant de l’aide. Après
l’éclatement de l’Union Soviétique en 1991, on retrouva dans les
archives du CAJ, confisqués par le KGB, une lettre de Mikhoels, adressée
à Viatcheslav Molotov[17] dans laquelle il évoque ce problème :
« Chaque jour qui passe, nous recevons, en provenance
des régions libérées, des informations inquiétantes sur la situation
morale et matérielle, extrêmement pénible des Juifs qui ont échappé à
l’extermination physique. Dans de nombreuses régions (Berditchev,
Moguilev, Podolsk, Jmerinka, Vinnitsa, Proskourov etc.) beaucoup de
rescapés continuent de vivre sur les territoires d’anciens ghettos. On
ne leur rend pas leurs habitations. Des partisans d’Hitler, restés sur
place, qui ont participé aux meurtres et pillages contre la population
juive, craignent le retour de témoins vivants de leurs crimes, et font
tout pour pérenniser la présente situation et pousser les survivants au
départ. »
Or les persécutions des Juifs
s’aggravèrent après la victoire et surtout à partir de la fin 1947.
La
première victime fut le président de CAJ lui-même, l'acteur et metteur en scène Solomon Mikhoels, assassiné à
Minsk ( Biélorussie), le 13 janvier 1948 dans un prétendu accident de la circulation. Cette mort, maquillée en accident de
circulation, constitua le prélude à une immense vague antisémite qui va
recouvrir le pays entier.
La répression, commencée en janvier 1948, continuait, en s’accentuant de
plus en plus. Quelques mois après, pratiquement tous les membres du
Comité furent arrêtés et accusés de haute trahison et d’espionnage.
Ensuite débuta une grande vague d’arrestations parmi les intellectuels
juifs.
Cette persécution
eut lieu juste après la création de l’État d’Israël. Or l’Union Soviétique avait voté à l'ONU pour la création de cet État.
En septembre 1948 le premier ambassadeur d’Israël en Union
Soviétique présenta ses lettres de créance.
C’était Golda Meyerson, la future Golda Meir. Quand elle vint à la grande
synagogue de Moscou pour la fête de Rosh Hashana, elle fut accueillie
par des milliers de personnes. (Les témoins avancent le chiffre de
40000). Au Kremlin, pendant une réception officielle, elle bavarda très
amicalement en yiddish avec la femme de Molotov, Paulina Jemtchoujina,
proche de plusieurs membres du CAJ. Dans ses mémoires Golda Meir a même
cité une phrase de Jemtchoujina : « Je suis une fille du peuple juif ».
Quelques semaines plus tard cette dernière sera arrêtée et disparaitra, ce qui n'empêchera pas Molotov de poursuivre sa carrière stalinienne.
La nuit des poètes assassinés
Les membres emprisonnés du CAJ furent "jugés" du 8 mai au 18
juillet 1952. Treize accusés furent condamnés à mort et exécutés
secrètement le 12 août 1952. Cette nuit sera appelée « La nuit des poètes assassinés »[18].
Mais la persécution de l’élite juive ne s’arrêta pas là, puisque
pendant cette période, de très nombreux écrivains, acteurs, musiciens,
sculpteurs, scientifiques furent emprisonnés ou fusillés. Le monde
intellectuel juif fut complètement décapité. Comment se relever d’un tel
désastre ?
Le procès des " blouses blanches" Cette tragédie du 12 août 1952 ne sera que le premier acte de la persécution de l'après-guerre, le second aura lieu quatre mois plus tard, sous l'impulsion directe de Staline.
Le 1er décembre 1952 , Staline déclare au Politburo du Parti: « Tout sioniste ( Juif) est l’agent du service de
renseignement américain. Les nationalistes juifs pensent que leur nation
a été sauvée par les États-Unis, là où ils peuvent y devenir riches, bourgeois.
Ils pensent qu’ils ont une dette envers les Américains. Or parmi mes médecins,
il y a beaucoup de sionistes. ».
Le 13
janvier 1953, à la radio soviétique on procéda à la lecture d’un article qui
venait de paraître dans la Pravda (organe du pouvoir signifiant "La Vérité"! ) sous le titre « Sous le masque des médecins universitaires, des espions tueurs et vicieux ».
Il dénonçait un soi-disant « complot d’un groupe de neuf médecins »,
dont six étaient Juifs. On les accusait d’avoir empoisonné les hauts
dignitaires du régime. Selon les mêmes sources, ces médecins étaient, au
moment de leur arrestation, sur le point d’assassiner d’autres
importantes personnalités soviétiques.
Parmi les médecins inculpés se trouvait le
médecin personnel de Staline, Vladimir Vinogradov ainsi que le général
Miron Vovsi, le médecin-chef de l’Armée rouge, tous deux très respectés
par la profession. (Miron Vovsi était un cousin de Solomon Mikhoels)
De
nombreux Juifs, médecins, pharmaciens, infirmières, furent accusés
d’avoir participé au complot et furent arrêtés. Au début il y avait 37
personnes arrêtées, mais le chiffre s’éleva rapidement à plusieurs
centaines. Dans des hôpitaux et des dispensaires, les patients
refusaient d’être soignés par des Juifs.
Simultanément, une
violente campagne antisémite se mit en place non seulement en Union
Soviétique, mais aussi dans l’ensemble des pays du bloc de l’Est. Dans tous les procès politiques, les Juifs y étaient mis en cause et accusés des pires crimes "sionistes" .
En France, le PCF participa pleinement à la campagne autour du prétendu complot des médecins. Le quotidien Ce Soir de la mouvance du PC publia des articles à tonalité antisémite.
Le PCF diffusa un communiqué dans l'Humanité dès le 22 janvier 1953, déclarant : « Lorsque,
en Union soviétique, est arrêté le groupe des médecins assassins
travaillant pour le compte des services d’espionnage terroristes
anglo-américains […], alors, la classe ouvrière applaudit de toutes ses
forces ».
Raymond Guyot, membre du bureau politique et député de Paris,
demanda aux médecins français proches du parti de s’associer à la
condamnation des médecins soviétiques impliqués dans le « complot ». Annie Kriegel, alors responsable de l’idéologie à Paris fit signer une déclaration dans ce sens avec
une dizaine de médecins, dont la moitié de Juifs, parue dans l’Humanité
du 27 janvier 1953. Elle publia aussi un article dans la revue du PCF les Cahiers du communisme. Elle parlait alors de « médecins terroristes », complices du « sionisme » et « approuva l’emploi des tortures pour extorquer aux « assassins en blouse blanche » Le texte disait : « Les
médecins français estiment qu'un très grand service a été rendu à la
cause de la paix par la mise hors d'état de nuire de ce groupe de
criminels, d'autant plus odieux qu'ils ont abusé de la confiance
naturelle de leurs malades pour attenter à leur vie »
C’est
alors que les bruits se répandirent dans la communauté juive que le
pouvoir s’apprêtait à déporter tous les Juifs d’URSS vers la Sibérie ou au Birobidjan, pseudo "République juive" d'Extrême-Orient
Mort de Staline
Le 4 mars 1953, la radio communiqua la nouvelle de la grave
maladie du Guide Suprême. Et le 5 mars, à 6 heures du matin, on annonça la mort de Staline. Déjà un mois après la mort
de Staline, la presse soviétique publia des articles, expliquant que « le complot des blouses blanches »
n’avait jamais existé, et les médecins arrêtés furent libérés
. Mais parmi les neufs accusés deux étaient morts en prison,
probablement sous la torture
Mais il faudra encore attendre le XXème Congrès du Parti communiste, en février 1956 pour que le timide dégel commence vraiment. Puis la période Brejnev se traduira par une intensification de la propagande antisémite et de l'oppression des Juifs d'URSS
MEMORIAL 98
[1] Depuis la chute de l’URSS Kouïbychev avait retrouvé son vieux nom de Samara. [2]
Władysław Sikorski (né le 20 mai 1881, mort le 4 juillet 1943 à
Gibraltar dans un accident d’avion). Militaire et surtout homme
politique polonais, général et chef des forces armées polonaises, et
Premier ministre du gouvernement polonais en exil de
1939 à 1943. Sa mort suspecte au moment de la découverte du charnier de
Katyn provoqua beaucoup de rumeurs quant à l’implication des divers
services secrets. [3]Ivan Maïski (pseudonyme de Yan Liakhovetski, né le 19 janvier, mort le 3 septembre 1975). Diplomate et historien soviétique. [4]
Viktor Alter ou Wiktor Alter (né le 7 février 1890 en Pologne, fusillé
(probablement) le 23 décembre 1941 à Kouïbychev (Samara), militant actif
du Bund et membre du comité exécutif de la Deuxième Internationale. [5] Henryk Ehrlich (né en 1882 à Lublin, fusillé (probablement) le 23 décembre 1941 à Kouïbychev. Il existe une autre version de sa mort, par suicide. Il fut un militant actif du Bund,
un journaliste très populaire, un élu de la municipalité de Varsovie
avant 1939 et un membre très actif du comité exécutif de la Deuxième
Internationale.
[6]
Lavrenti Beria (né le 29 mars 1899, fusillé le 23 décembre 1953). Il
fut sans conteste une figure clé du pouvoir soviétique de 1938 à 1953 :
chef des services de sécurité intérieure sous des noms
différents : NKVD, MGB, puis KGB. Son rôle fut primordial dans
l’organisation du Goulag, le développement des réseaux d’espionnage
internationaux, la mise au pas des pays de l’Europe Centrale et
Orientale après la guerre.
[7]
David Bergelson (né le12 août 1884, fusillé le12 août 1952 à Moscou),
écrivain de langue yiddish. Né en Ukraine, il vécut à Berlin jusqu’à
l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Il décida alors de retourner en Union
soviétique. Cependant comme beaucoup d’autres écrivains juifs, il devint
la cible de la campagne antisémite de Staline. Il fut arrêté en
janvier 1949, condamné à la peine de mort et fusillé avec ses autres
codétenus le 12 août 1952 lors de la nuit des poètes assassinés. Il sera réhabilité après la mort de Staline. [8]
Peretz Markish né le 7 décembre 1895, était considéré comme le poète
yiddish le plus connu des années 1920 et 1930. Accusé de trahison, il
fut fusillé avec ses autres codétenus le 12 août 1952 lors de la nuit des poètes assassinés). Il sera réhabilité en 1955. [9]
Fefer Itzik (né en 1900 et fusillé à Moscou le 12 août 1952) poète
soviétique de langue yiddish. Pendant la guerre il fut un correspondant
des journaux soviétiques. I. Fefer fut un poète parmi les plus fidèles à
l’idéologie communiste. Ceci ne pourra pas d’ailleurs le sauver, car en
1948, après l’assassinat de Mikhoels, il fut arrêté et accusé de
trahison. Il est fusillé avec ses autres codétenus le 12 août 1952 lors
de la nuit des poètes assassinés. Il sera réhabilité en 1955. [10]
David Oïstrakh (né le 30 septembre 1908 à Odessa et mort
le 24 octobre 1974 à Amsterdam) est l’un des violonistes parmi les plus
réputés du XXe siècle. [11]
Piotr Kapitsa (9 juillet 1894, mort le 8 avril 1984) physicien
soviétique très respecté, aussi pour son courage personnel. Ainsi lors
de la « Grande purge » (1937-38), il parvint au péril de sa vie, à
défendre ses collègues L. Landau et V. Fock menacés d’arrestation et de
prison. Il fut lauréat du prix Nobel de physique de 1978.
[12]
Sergueï Eisenstein (né le 22 janvier 1898 à Riga et décédé le
11 février 1948 à Moscou) célèbre metteur en scène soviétique, peut-être
le plus connu en Occident, grâce à ses deux films » Le Cuirassé « Potemkine » (1925) et « Octobre » (1927). Il est toujours considéré comme le créateur des bases du montage cinématographique moderne. [13]
Lina Stern (née le 26 août 1878, morte le 7 mars 1968) professeur de
physiologie, seule femme membre de l’Académie de Sciences de L’URSS.
Elle est arrêtée au début de 1949 et condamnée à quatre ans
d’emprisonnement. Elle est la seule des dirigeants du CAJ à survivre à
la campagne antisémite de cette période. [15]
Vassili Grossman (né le 12 décembre 1905, mort le 14 septembre 1964 à
Moscou). Au début de sa carrière, il était un écrivain soviétique fidèle
à la ligne du parti qui peu à peu arrivera à dénoncer très durement le
régime, surtout dans son roman Vie et destin. Pendant la guerre
il était un correspondant de guerre parmi les plus lus par des soldats.
En juillet 1944, il entra avec les soldats soviétiques dans Maidanek et dans Treblinka à peine libérés. Il fut ainsi le premier journaliste à décrire les camps d’extermination. Son récit L’Enfer de Treblinka servira de témoignage au procès de Nuremberg.
[16] « Le Livre noir ». (Translittération yiddish : Dos Shvartze Bukh). Titre complet : Le
Livre noir sur l’extermination scélérate des Juifs par les envahisseurs
fascistes allemands dans les régions provisoirement occupées de l’URSS
et dans les camps d’extermination en Pologne pendant la guerre de
1941-1945) est un ouvrage élaboré sous l’égide du Comité antifasciste juif destiné à recueillir des témoignages et des documents sur l’extermination des Juifs et
leur participation à la résistance armée dans les territoires de l’URSS
occupés par l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale. Le livre noir fut
interdit en Union Soviétique et ses épreuves furent détruites. Mais
Vassili Grossman réussit à cacher une version des épreuves chez un ami
qui l’offrit à la fille d’Ilya Ehrenbourg, Irina, en 1970. Plus tard
celle-ci parviendra clandestinement à la sortir de l’URSS. Le Livre noir sera publié en France en 1999 et en 2010 en Russie. [17]
Viatcheslav Molotov (né le 9 mars 1890, mort le 8 novembre 1986) homme
politique et diplomate soviétique. Chef du gouvernement de l’URSS de
1930 à 1941, ministre des affaires étrangères jusqu’en 1949, (à ce
titre, il signa le pacte germano-soviétique d’août 1939) membre
titulaire du Politburo de
1926 à 1957, il fut considéré comme le bras droit de Staline, d’une
fidélité indéfectible et ceci malgré l’arrestation de sa femme, Polina
Jemtchoujina, en 1948. Il demeura un membre influent du Parti communiste de l’Union soviétique jusqu’à son éviction lors de la déstalinisation. [18]
La liste de treize personnalités assassinées le 12 août 1952 est la suivante : Leib
Kvitko, David Hofshtein, Itzik Feffer , Peretz Markish, David Bergelson,
Veniamine Zouskine, Solomon Lozovsky, Boris Shimeliovich, Emilia
Teoumina, Yossif Youzefovitch, Ilya Vatenberg, Léon Talmi,
TchaykaVatenberg-Ostrovskaïa. Parmi eux, les cinq premiers étaient
effectivement des gens de lettres, les autres étaient des journalistes,
des traducteurs et des personnalités politiques. [19]
Veniamine Zouskine (né le 28 avril 1899, fusillé le 12 août 1952 à
Moscou) fut l’un des acteurs principaux du Théâtre d’État Juif de Moscou
et il assuma la direction du théâtre après la mort tragique de
Michoels. Il joua aussi dans de nombreux films, y compris dans Les chercheurs du bonheur film
de Vladimir Korch-Sabline (1900-1974), tourné en 1936. C’est un film de
propagande, assez réussi par ailleurs, pour inciter des Juifs à partir
pour le Birobidjan.
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