dimanche 21 février 2021

Ibrahim Ali: 26 ans après, le crime raciste enfin reconnu à Marseille

 


Chaque 21 février depuis vingt-cinq ans,  la famille et les amis d’Ibrahim Ali, jeune d’origine comorienne assassiné par des militants du Front National, se réunissent pour honorer sa mémoire. L’habitude avait été prise ce jour-là de fabriquer des plaques de rue à son nom et de les accrocher avenue des Aygalades, un axe du 15e arrondissement de Marseille où il vivait et où il a été tué d’une balle dans le dos alors qu’il courrait pour attraper son bus le 21 février 1995.

 


Ce dimanche 21 février 2021, c’est chose faite officiellement, en présence du nouveau maire maire de Marseille élu en juin dernier et après une longue bataille: l’avenue des Aygalades devient l’avenue Ibrahim Ali. C’est le dénouement du combat, entamé par la famille et les proches de la victime dès le lendemain de son assassinat. "Depuis c’est notre combat, rappeler qu’un minot a perdu la vie parce qu’il était noir", rappelle son ami "Soly" Mbaé.

 

Le 21 février 1995, en pleine campagne présidentielle, trois militants du Front national collent des affiches pour le candidat Jean-Marie Le Pen : Robert Lagier, Mario d’Ambrosio et Pierre Giglio. Deux des colleurs sont armés. L’un d’eux fait feu sur un jeune qui court pour attraper un bus. C’était Ibrahim Ali, un lycéen qui sortait d’une répétition de son groupe de rap, B.Vice. Le tireur sera puni de 15 ans de prison, alors que le parquet en avait réclamé 20. Deux jours après les faits, Bruno Mégret, alors dirigeant du FN affirme que le meurtrier a été « violemment agressé » : « si nos colleurs n’avaient pas été armés, ils seraient probablement morts » ; il en conclut que c'était « la faute de l’immigration massive et incontrôlée ». Jean-Marie Le Pen commente auprès de ses militants en ces termes : « Au moins, ce malheureux incident a attiré l'attention générale sur la présence à Marseille de 50 000 Comoriens. Que font-ils là ? ». A sa sortie de prison, dès 2002, D'Ambrosio devient employé de la mairie de Vitrolles, encore dirigée par le FN en la personne de Catherine Mégret jusqu’à sa défaite en octobre 2002

Pendant 26 ans la mairie de Marseille fait la sourde oreille à toute commémoration et à toute nomination d’une rue en mémoire d’Ibrahim Ali. Jean-Claude Gaudin, maire (LR) de 1995 à 2020, ne répond a aucune des lettres des proches. 

Il a lui même dirigé la région PACA avec le FN  de Jean Marie Le Pen de 1986 à 1992. Il a en effet, dès 1986 et avant tous les autres, fait alliance avec le Front National pour être élu à la tête de la région PACA. Il a géré ensemble  la région avec le parti d’extrême-droite jusqu'en 1992, à coup de nominations et de désistements réciproques lors des échéances électorales.  Cette gestion commune a servi de laboratoire et de "modèle" à d’autres  dirigeants régionaux de la droite qui ont finalisé leurs accords avec le FN lors des élections régionales d’avril 1998. 

Il faut attendre 2015, pour qu’une plaque soit finalement posée à l’endroit de l’assassinat, mais la mairie n’organise alors aucune cérémonie. Le lycée de l'Estaque, ancien établissement scolaire de l'adolescent, a également dévoilé une plaque d’hommage en 2018. 

 

En 2020, la mairie de Marseille est passée de à gauche, mais le Rassemblement national a tout de même obtenu 26% des voix aux municipales de 2020 dans le 15e arrondissement. Quant à l’avocat de la famille d’Ali, Gilbert Collard, il s’est engagé par la suite au Front National ! Il est aujourd’hui eurodéputé RN. Finalement, le 8 février 2021, le conseil municipal de Marseille vote le changement de nom de l’avenue.  Les élus LR se sont résignés à voter la motion avec la gauche, Le RN, l’héritier du FN qui continue à coller ses affiches dans le quartier sans se poser de question a voté contre. Son représentant Stéphane Ravier vitupère et se réfugie derrière les «  responsabilités individuelles » des tueurs  

 

Hommage est enfin rendu à un adolescent de 17 ans, victime d’un crime raciste, dans un cadre de violence fasciste. Nos pensées se dirigent vers lui et ses proches. Ni oubli, ni pardon.

Le 14 février 2021, le nom de Ibrahim Ali a été lu lors de la cérémonie d'hommage à Ilan Halimi, avec dix-neuf autres noms de victimes du racisme voir ici https://vimeo.com/512317434

 

MEMORIAL 98

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.