mardi 16 juin 2015

Reims: notables néo-nazis, champagne et trafic d'armes à l'ombre du FN

Lors des dernières élections municipales de 2014 à Reims, Thierry Maillard, candidat d'extrême-droite et libraire, proposait dans son programme de multiplier par cinq les effectifs de la police municipale locale et même de créer une brigade équestre contre l'"insécurité galopante".

Un an plus tard, c'est lui qui est interpellé pour trafic d'armes avec cinq de ses kamarades. Les dits camarades ne sont pas de jeunes chômeurs mais des notables de la région, vignerons et commerçants.

Thierry Maillard est en effet une figure assez intéressante du fascisme ordinaire, qui rompt avec les clichés médiatiques sur les néo-nazis qui ne seraient que de "jeunes paumés marginalisés". Certes il a sa petite troupe de jeunes nervis avec lesquels il défile parfois dans les rues de Reims, avec des drapeaux à l'effigie de la croix celtique. Certes, c'est un proche de Serge Ayoub, comme lui pro-Poutine. 

Mais c'est aussi un homme très bien intégré dans le tissu de la bourgeoisie locale. A l'aune des révélations faites aujourd'hui sur le trafic d'armes, on relira avec intérêt un article de Libération daté de 2010, à une époque où le FN se préparait à élire Marine Le Pen comme présidente. Les médias présentaient alors cette élection comme une profonde mutation. Dans la brasserie où il est interrogé par le journal, Maillard est mis en scène avec toutes sortes de rémois respectables: négociants en vins, pimpants représentants de divers commerces de bouche, patrons de PME locales, la plupart se présentant comme d'ex-sarkozystes. Aux cantonales suivantes de 2011, porté par son réseau de la bourgeoisie locale, Maillard arrive en tête au 1er tour et fait 45% au second tour.

La presse le présente aujourd'hui comme "exclu" du FN pour avoir en 2011 toujours, pour avoir publié une affiche reprenant de la propagande visuelle des Jeunesses Hitlériennes. Mais la réalité est un peu plus complexe que cela.

En effet, à la suite de la polémique suscitée par cette affiche, Maillard a bien été exclu du Front National... mais pour quatre mois seulement, comme le rappelle un article de 2012 de la presse locale. Cette exclusion minimale éclaire la stratégie de prétendue dédiabolisation de l'époque: dans ces années là, à chaque fois qu'un membre du FN est mis en cause pour ses sympathies néo-nazies, Marine Le Pen condamne et gesticule devant les médias ravis, qui constatent que le FN "rompt avec ses vieux démons". En réalité les exclusions sont temporaires, mais suffisantes médiatiquement, puisque l'immédiateté de l'actualité l'emporte sur le suivi et les enquêtes de fond.

En réalité, Maillard a quitté le FN de son propre chef et dans des circonstances qui démontrent qu'il n'y a pas les vilains néo-nazis d'un côté et le respectable FN de l'autre. En effet, c'est avant les législatives de 2012, que Maillard et ses amis officialisent la rupture. Ils estiment alors  que les investitures locales sont tronquées, et qu'il est suicidaire pour le FN de présenter Pascal Erre, dont le fils a fait les gros titres de la presse locale.....pour ses tatouages à la gloire du national-socialisme. Ce sont donc des affrontements de pouvoir qui opposent Maillard, longtemps membre de l'Oeuvre Française et la famille Erre et son rejeton néo-nazi, pas des questions de fond. 

 C'est à la suite de cet affrontement que Maillard, n'ayant pas obtenu l'investiture aux législatives, quitte le FN de son propre chef pour monter son propre groupe "Reims fait Front". 

Il n'en reste pas moins un représentant assez typique de l'extrême-droite française avec son réseau de commerçants et de chefs d'entreprise, et sa violence assumée. Au fil des dépêches de presse locales, on entend parler de Maillard lorsqu'il met son poing dans la figure d'un élu PS en le traitant de "sale PD", ou lorsqu'il comparaît pour outrage après avoir traité une fonctionnaire de la sous-préfecture de "grosse pute". 

Après l'interpellation et l'incarcération dans le Nord de Claude Hermant, ancien membre du DPS ( le service d'ordre du FN) et probable indicateur de police, les arrestations de Maillard et de ses amis , de nouveau pour trafic d'armes dessinent  l'ombre inquiétante d'une active mouvance néo-nazie. Celle-ci, loin de la marginalité souvent mise en avant est plutôt bien intégrée, non seulement dans la sphère de l'extrême-droite parlementaire, mais également dans la société.

Car Thierry Maillard n'était pas un marginal conspué et ostracisé, mais un homme qui il y a à peine cinq ans a manqué de 5% la victoire à une élection locale, en tant que  candidat d'un parti (le FN) désormais intégré dans le jeu démocratique.

MEMORIAL 98

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