Mise à jour du 6 février 2019
L'attribution du Prix Nobel de la Paix 2018 au Dr Mukwege et à la femme Yezidi Nadia Murat donne une importance particulière aux combats contre les violences faites aux femmes, dont l'excision fait partie.
Lors de cette journée mondiale contre l'excision, il est crucial de réaffirmer le soutien à toutes et celles et ceux qui luttent sur le terrain
MEMORIAL 98
L'attribution du Prix Nobel de la Paix 2018 au Dr Mukwege et à la femme Yezidi Nadia Murat donne une importance particulière aux combats contre les violences faites aux femmes, dont l'excision fait partie.
Lors de cette journée mondiale contre l'excision, il est crucial de réaffirmer le soutien à toutes et celles et ceux qui luttent sur le terrain
MEMORIAL 98
Le médecin congolais Denis Mukwege s’est spécialisé dans la reconstitution génitale des femmes victimes de violences sexuelles en temps de guerre.
En l'espace de seize années, il a opéré plus de 50 000 femmes violées et mutilées de sa région. Nous avons relaté son engagement et retraçons ci-dessous sa contribution lors d'un colloque à Paris le 9 mars 2016.
A partir de son
expérience au Congo, le docteur Mukwege élargit son combat. Il souhaite désormais
s'investir pour faire régresser les mutilations génitales féminines au Burkina
Faso.
Dans ce but, il collecte des fonds pour construire un Centre pluridisciplinaire avec
comme modèle Panzi du nom de son hôpital construit à Bukavu en 1999.
La
construction de la future clinique devrait commencer fin 2016 à Nakamtenga[1] avec
l'aide de Yennenga Progress[2] .
Le
personnel soignant donnera des conseils et des soins pour réduire la mortalité
infantile et traitera des séquelles de l'excision.
Comme à Panzi cette clinique fournira
une aide chirurgicale, psychologique et juridique.
Les mutilations génitales féminines (MGF)
Deux
cents millions de filles et de femmes souffrant de mutilations génitales ont
été recensées dans trente pays à travers le monde. Quarante
quatre millions sont âgées de quatorze ans ou moins.
La
Somalie, la Guinée et Djibouti restent les pays où le taux de mutilation est le
plus élevé.
Dans
les trente pays où l'excision semble la plus répandue, la majorité ont été excisées
avant d'avoir cinq ans.
Ces
chiffres ont été publiés par le Fond des Nations Unies pour l'enfance[3]
L'ONU
s'est fixé pour objectif de faire cesser cette pratique d'ici à 2030.
Au
Burkina Faso, cette pratique sévit toujours malgré son interdiction par la loi
depuis 1996. L'excision
est passible d'une peine de trois ans de prison portée à dix ans si
la femme décède des suites de l'opération.
Afin de contourner l'interdiction l'acte est pratiqué dans la clandestinité ou bien
dans un pays voisin où l'excision est tolérée.
Ces
mutilations génitales revêtent différentes formes: ablation du clitoris, des
lèvres, couture du vagin.
Un des acteurs de la mobilisation est le conseil
burkinabé de lutte contre la pratique de l'excision
(CNLPE)
Depuis 1990, il
existe un numéro vert gratuit et des campagnes de sensibilisation. Le conseil concentre
son action sur la prévention et la guérison des mutilations génitales féminines
plutôt que sur la chirurgie réparatrice.
Des femmes
et des organisations se mobilisent dans différents pays
Alimatu Dimonekene (Sierra Leone) a été excisée à l'âge de
seize ans et "réparée".
Militante
de la lutte contre l'excision au Royaume Uni, elle est la fondatrice de
ProjectACEi, un groupe d'action à Enfield, près de Londres, qui aide à faciliter les
relations de travail entre les professionnels et les communautés pour mettre
fin à la mutilation génitale féminine.
Elle
espère étendre son travail à l'échelle internationale.
Sahra Ali Samatar, ministre des femmes et des
affaires familiales de Somalie se bat pour en finir avec cette pratique . Le premier ministre Omar Shermarke la soutient.
Une pétition a été lancée en ligne et
signée par 1,3 million de personnes.
Edna Adan, qui a été la première sage-femme du
Somaliland[4] et
ex-ministre des affaires étrangères fait aussi campagne depuis quarante ans
contre l'excision.
A 79 ans elle a fait construire
à Hargeisa[5] une
clinique où elle forme de jeunes sages-femmes.
Dans certains pays, l'excision est en régression (Libéria, Burkina
Faso).
Dix-huit
pays africains dont le Nigéria en juin 2015, ont interdit définitivement les
mutilations génitales féminines proscrites par le droit international.
D'autres
pays ont adopté des lois qui la déterminent en tant que "crime": le
Kenya, l'Ouganda la Guinée-Bissau, le Nigéria, la Gambie et le Burkina Faso.
"Viols,
armes de guerre : pour un tribunal pénal international en République
démocratique du Congo".
Après la sortie du film "L'homme qui répare les femmes"[6] , un colloque avait été organisé le mercredi 9 mars 2016 à la mairie de Paris
Des
responsables et acteurs de ce combat étaient présents au côté du Dr Docteur
Denis Mukwege, en partenariat avec le réseau féministe "Ruptures"
Le colloque
Dans
la salle comble règne un brouhaha joyeux : beaucoup de femmes africaines, des
femmes européennes en grand nombre, peu d'hommes. Plusieurs générations sont
représentées.
Le
Docteur Mukwege est assis dans le public. A
ses côtés, le réalisateur du film, Thierry Michel et des élus ainsi que des
représentantes des cinquante deux marraines[7] dont la
doyenne a quatre-vingts seize ans.
Le
colloque débute par une vidéo qui projette des images de femmes qui tentent de
se reconstruire avec l'aide d'autres femmes. Des femmes médecins, assistantes
sociales, avocates, psychologues, conseillères juridiques, médiatrices
familiales toutes dévouées à la cause de leurs "'sœurs" victimes et
bannies.
Les
photos ont été prises dans l'hôpital de Panzi où elles sont accueillies dans
"les maisons d'écoute".
Plusieurs
intervenants vont faire une communication avant celle du Docteur Denis Mukwege.
Tous
unis dans le combat qu'ils mènent pour faire reconnaître auprès d'un tribunal international les horreurs que
subissent les victimes de ces hordes armées qui violent des femmes comme "une
arme de guerre massive" ainsi que le martèle le Docteur Denis Mukwege.
Le
colloque prendra fin par un cri d'alarme lancé par le réalisateur du film
"l'homme qui répare les femmes, la colère d'Hippocrate".
La guerre en toute impunité depuis 1996
La
plupart des femmes congolaises violées viennent de la région du Nord Kivu
terrain de guerre depuis 1996. "Le minerai du sang" est l'objet de
convoitise de hordes incontrôlables. Le Coltan source d'esclavagisme
moderne génère le conflit le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale. avec
des millions de morts et de personnes déplacées.
Comment faire reconnaître
ces crimes par un tribunal international
Maître
Amuli Réty[8] avocat
et Jean-claude Bagayamukwe Dunia, bâtonnier du barreau de Bukavu au Sud-Kivu, expliquent leur
combat au quotidien pour faire condamner les bourreaux des femmes congolaises
violées.
Confrontés
à des obstacles socio-économiques, ils ont organisé des consultations
gratuites. Le
tribunal se déplace jusqu'aux villages les plus éloignés de la Cour.
Il
faut des mois avant qu'un jugement soit rendu et personne ne sait comment
l'appliquer. De
toute façon les accusés font appel et tout est à refaire.
Les
autorités gouvernementales ne montrent aucune volonté pour agir. La
responsabilité revient aux Nations Unies.
Six cent incidents volontaires ont été recensés couverts par la loi du silence entre mars
1993 et juin 2003. La police scientifique et technique est financée à hauteur
de 25 à 30 millions de dollars, et il n'y a toujours pas de fichier ADN.
Le témoignage de Caddy
Adzuba Furaha[9]
Caddy
Adzuba Furaha témoigne avec détermination et inquiétude. Depuis l'âge de
quatorze ans (elle en a trente quatre aujourd'hui) elle a connu la guerre. Sa
propre mère a été violée. Au risque de sa vie, elle n'a pas hésité à aller dans
des villages secourir des femmes abandonnées, laissées pour mortes.
Sa
bataille est quotidienne pour dénoncer les violations des droits de l'Homme et
offrir une vie meilleure aux femmes victimes de viols ainsi qu'à leurs enfants.
Le Docteur Denis
Mukwege
Le
docteur Mukwege est applaudi, accompagné des youyous de femmes africaines qui
lui témoignent toute leur reconnaissance.
Le
ton de sa voix est grave pour nous raconter l'attaque de l'hôpital de Lemera en
1996.
Nombre
de ses collaborateurs et patients ont été assassinés. Il
n'y aura jamais de commémoration de ce massacre.
A
la suite de cette destruction le docteur a créé l'hôpital de Panzi et sa
fondation.
Il affirme que les
viols ne sont pas des actes gratuits sexuels mais une volonté de tuer au sein
même de villages entiers, en public, devant les hommes impuissants.
Beaucoup
de femmes en meurent. Restent les enfants, porteurs de traumatismes
psychologiques. Il y a un risque de contamination par le virus du sida. Nombre de
ces femmes n'auront pas d'autres enfants. Elles sont confrontées à la précarité. La
plupart d'entre elles ignorent qu'elles peuvent porter plainte.
Face à cette situation, la
fondation Panzi propose des aides médicales, chirurgicales, psychologiques et
socio-économiques.
Le réalisateur du film
Thierry Michel conclut
le colloque en lançant un cri d'alarme : " le silence tue, la parole aussi
peut tuer"
Il
cite en exemple l'assassinat de Floribert Chabaya[10]
retrouvé mort dans sa voiture, ligoté.
La
veille de ce colloque, aux Nations Unies, une lettre ouverte soutenue par cent quatre vingt deux femmes congolaises a été rendue publique afin de dire NON à
l'impunité des auteurs de ces crimes.
L'ACAT[11]
Cette organisation se mobilise particulièrement contre la pratique de l'excision et soutient les actions du
Docteur Mukwege en organisant dans différentes villes des débats qui font suite aux projections du film : "l'Homme
qui répare les femmes".
Évelyne L.
Évelyne L.
Actualisation du 23 août 2016:
Portrait du chirurgien burkinabé le Dr Akotionga, qui a 70 ans poursuit le combat contre l'excision et opère bénévolement les femmes qui en sont victimes:
« L’excision est une coutume atroce dont il faut se débarrasser. » Bien qu’interdite par la loi, la pratique traditionnelle est encore en vigueur dans de nombreuses provinces.
« L’argument traditionaliste ne tient pas. Nous nous sommes déjà défaits d’autres traditions moins dangereuses. Avant, pour se distinguer, les 60 ethnies du Burkina Faso se scarifiaient le visage. Plus personne ne le fait aujourd’hui. Les gens se limaient les dents en pointe pour ressembler aux félins. Une tradition abandonnée elle aussi. Pourquoi garder l’excision ? Une coutume qui rend malade ou tue n’est pas une bonne coutume. »MEMORIAL 98
[1] Un village à une trentaine de kilomètres
de Ouagadougou
[2] Réseau international
d'entrepreneurs sociaux basé en Suède
[3]L'UNICEF est une agence de L'Organisation
des Nations Unies pour l'amélioration de la condition des enfants
[4] Somaliland : République indépendante autoproclamée du
nord de la Somalie
[5] Hargeisa : Capitale de la République du Somaliland
[6] "L'homme qui répare les femmes"
: sortie nationale en salle le 17
février 2016
[7] Déclaration sur les viols comme arme de guerre en RDC et pour l'instauration d'un tribunal pénal signée par 52 marraines.
[8] Maître Amuli Réty, initiateur de la
campagne des 52 marraines
[9] Caddy Adzuba Furaha, journaliste, elle a
reçu plusieurs prix pour ses combats
[10]Floribert
Chebaya fondateur de
l'ONG "la voix des sans voix"
[11] ACAT : Action chrétienne contre la
torture et la peine de mort
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