samedi 5 mars 2016

Contre les viols de guerre avec le Dr Mukwege et Nadia Murad.



Mise à jour  du 10 décembre 2018

En ce 70e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'Homme,

Denis Mukwege et Nadia Murad vont recevoir leur prix Nobel à Oslo. Ils appellent d'ores et déjà à un combat renouvelé contre les violences sexuelles et à la fin de l'impunité dans ce domaine
 
 
Mise à jour du 6 octobre 2018: le prix Nobel de la paix pour Denis Mukwege et Nadia Murad.
Le médecin congolais et la femme Yezidie,  violée et réduite en esclavage par Daech  sont récompensés pour "leur efforts pour mettre fin à l'emploi des violences sexuelles en tant qu'arme de guerre"
C'est un immense encouragement pour ce combat que nous soutenons totalement (voir ci-dessous) 


Memorial 98 

Mise à jour du 1er juillet 2018
  
Le Dr Mukwege apporte son aide et ses connaissances aux femmes Yazidis qui ont subi les viols et violences de Daech. Il est venu en Irak à la demande de l'ONG Yazda , qui,  depuis 2014, soutient les femmes Yazidis traumatisées. Il s'agit d'une étape supplémentaire dans le combat universel contre les violences sexuelles comme arme de guerre.

Cette action a lieu alors que vient de se produire une grave remise en cause des acquis de la justice internationale concernant la responsabilité de ceux qui laissent commettre des viols de guerre.
Le chef de guerre Jean-Pierre Bemba avait été reconnu coupable le 21 mars par la CPI ( voir ci-dessous) pour des viols de guerre commis par ses troupes en Centrafrique.
Puis l'ancien vice-président congolais a été condamné, le 21 juin 2016 , à dix-huit ans de prison par la Cour pénale internationale pour ces crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Or en appel cette condamnation a été annulée le 8 juin dernier en raisons d'erreurs de procédure et  de l'atténuation de sa responsabilité directe, alors même qu'il a été également condamné pour avoir corrompu et manipulé 14 témoins de sa défense. Les victimes de ces viols sont dans le désarroi et l'amertume car ce verdict surprenant met fin à leurs espoirs de reconnaissance et de réparation.

En Birmanie, de très nombreux viols de guerre ont eu lieu de la part des militaires contre les femmes Rohingyas,dans le cadre de la terreur et de l'épuration ethnique,  conduisant à des naissances d'enfants issus de ces viols.

Le combat se poursuit plus que jamais contre cette barbarie.
   

Memorial 98







Mise à jour du 18 juin 2017
 
Appel du Dr Mukwege à sanctionner l’utilisation du viol comme arme de guerre.

A l’occasion de la Journée internationale 2017 pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit, Denis Mukwege, gynécologue et Prix Sakharov 2014, réclame une action de l’Europe. Memorial 98 salue cet appel et renouvelle son soutien aux combats de l’éminent médecin et combattant pour les droits des femmes.
Sa prise de position est d'autant plus courageuse qu'il n'est plus protégé de manière permanente par les Casques Bleus de l’ONU, comme auparavant .
Il craint désormais non seulement pour sa vie, mais aussi pour celle de ses collègues et de ses patientes de l'hôpital de Panzi, où ces dernières sont accueillies.  
"On risque sa vie quand on soigne dans le Kivu". Désormais, Denis Mukwege ne bénéficie de la protection des Casques bleus que pour ses déplacements. Pourtant, dans le Kivu, la menace est permanente, témoigne le médecin : "Notre action gêne : nous soignons les victimes de la violence et de la barbarie dans le Kivu. Elles nous parlent, nomment leurs bourreaux [...] on risque sa vie quand on soigne dans le Kivu. Il n’y a pas d’État, de justice et de police pour nous protéger. Même les Casques bleus ne nous protègent plus."

D'ailleurs en avril dernier, la protection assurée par l'ONU à son collègue et collaborateur le Dr Gildo Byamungu lui avait été retirée. Quelques jours plus tard, le jeune médecin était retrouvé assassiné à son domicile.


" En zone de conflits, forces armées et bandes organisées violent femmes et filles, mais aussi hommes et garçons, dans le but de déplacer, punir et terroriser les populations civiles.
L’utilisation à grande échelle des violences sexuelles, tout comme celle des armes chimiques et des mines antipersonnel, est bon marché et terriblement efficace. Les violences sexuelles incluent viols collectifs, viols publics et l’insertion forcée d’armes et autres objets divers. Les victimes peuvent aussi bien être des vieillardes que des enfants et parfois même des nourrissons.
Après vingt ans de conflit armé violent, la République démocratique du Congo (RDC) peut témoigner des conséquences dévastatrices, parfois fatales, de l’utilisation du viol comme arme de guerre. De ces actes odieux découlent un traumatisme physique et psychologique à vie, la destruction des liens familiaux et la diffusion de maladies, alors que des communautés entières sont marquées profondément et à jamais.
L’utilisation du viol comme arme de guerre ne connaît pas de frontières. D’après les Nations unies (ONU) et certains observateurs indépendants, les violences sexuelles font parties de l’arsenal utilisé par les autorités syriennes pour obtenir informations et « confessions ».
Attirer l’attention
En Birmanie l’armée viole des femmes devant leur famille afin de provoquer le déplacement de villages entiers de la communauté Rohingya. Alors que l’emploi des violences sexuelles comme méthode de combat a suscité de plus en plus d’attention ces dernières années, celle-ci demeure faible et ces attaques ne font que rarement la « une » des journaux.

Au fil du temps, de nombreux types d’armes ont été interdits ou régulés afin de limiter pertes civiles et souffrances inutiles. En avril 1997, la Convention sur l’interdiction des armes chimiques est entrée en vigueur, non seulement interdisant l’utilisation des armes chimiques, leur fabrication et leur stockage, mais exigeant aussi la destruction des arsenaux existants sous la supervision d’experts internationaux.
Quelques mois plus tard, fin 1997, la communauté internationale prit la décision d’interdire également l’utilisation des mines antipersonnel avec la Convention d’Ottawa. Le déminage intégral devrait être achevé en 2025 et un monde sans mines antipersonnel serait alors à la portée de tous.
Quelles leçons tirer de ces processus pour mettre fin à l’utilisation des violences sexuelles, une autre méthode cruelle de combat largement répandue dans les zones de guerre du monde entier ?
Le processus d’interdiction des mines antipersonnel a montré que le premier pas pour mettre fin à l’utilisation de ces dernières a été d’attirer l’attention sur le problème. Dans les années 1980 et 1990, les chirurgiens et les organisations médicales sur le terrain ont été les premiers à exprimer leur préoccupation à ce sujet. Ils ont réussi à réunir différents acteurs et à créer une campagne mondiale contre ces armes cruelles.
Conventions juridiquement contraignantes
La deuxième étape pour l’élimination des mines antipersonnel et des armes chimiques a été de renforcer les normes au travers de moyens légaux et institutionnels. Les Etats ont développé des conventions juridiquement contraignantes, aujourd’hui reconnues de manière quasi universelle, et créé un régime de vérification.
La troisième phase a vu les États commencer à intérioriser l’interdiction des armes chimiques et des mines et modifier leur comportement en conséquence. Aujourd’hui, l’emploi de ces armes est extrêmement rare, il cause l’indignation mondiale et fait des pays qui les utilisent des parias sur la scène internationale. Ainsi, lorsque la Syrie a employé des gaz toxiques en avril, les États-Unis ont immédiatement réagi par des bombardements aériens et le Conseil de sécurité de l’ONU a tenu une réunion d’urgence.
Il n’existe pas de réponse similaire en ce qui concerne les violences sexuelles. En mai, le président de la République des Philippines, Rodrigo Duterte, a encouragé ses soldats à violer des femmes, allant jusqu’à dire qu’il en porterait la responsabilité. La réponse de la communauté internationale n’a pas été à la mesure de la gravité de la situation face à une telle déclaration de la part d’un chef d’Etat.
Néanmoins, les victimes sont de plus en plus nombreuses à s’exprimer pour attirer l’attention sur ce problème mondial si souvent négligé. Leur donner une tribune et écouter ce qu’elles ont à dire est une première étape cruciale pour éliminer les violences sexuelles en zone de conflit.
Dans un second temps, les gouvernements devront s’impliquer et développer des mécanismes pour s’attaquer au problème. Les pays européens ont la possibilité, la capacité et le devoir d’unir leurs efforts pour faire respecter l’interdiction d’utiliser les violences sexuelles, par exemple au travers de sanctions par l’Union européenne. L’engagement de tous est nécessaire pour marquer le début d’un monde où le viol comme arme de guerre n’est plus toléré."
 
 MEMORIAL 98






Actualisation du 4 novembre 2016

Double parution à propos du Dr Mukwege:
D'une part le DVD du film "L’Homme qui répare les femmes" dont nous rendons compte ci-dessous
D’autre part une autobiographie intitulée "Plaidoyer pour la vie" Éditions L'Archipel

Memorial 98

Mise à jour du 21 juin 2016:

Verdict important: le chef de guerre Jean-Pierre Bemba avait été reconnu coupable le 21 mars dernier (voir ci-dessous) pour des viols de guerre commis par ses troupes, mais on ignorait encore la nature de sa peine. L’ancien vice-président congolais a été condamné, mardi 21 juin, à dix-huit ans de prison par la Cour pénale internationale pour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité. La procureure avait réclamé 25 ans de prison.

Riche homme d’affaires devenu chef de guerre, le Congolais a été jugé coupables des meurtres et viols commis par la la milice qu'il commandait en Centrafrique entre octobre 2002 et mars 2003. Dans ce pays où ils s’étaient rendus pour soutenir le président Ange-Félix Patassé face à une tentative de coup d’État menée par le général François Bozizé, quelque 1 500 hommes du Mouvement de libération congolais (MLC) ont tué, pillé et violé.
 C’est la première fois que la Cour condamne un chef militaire en vertu du principe de la « responsabilité du commandant », et qu’elle retient l’utilisation de viols et violences sexuelles en tant que crimes de guerre. Selon le verdict rendu en mars par la CPI, Jean-Pierre Bemba n’a pas pris « toutes les mesures nécessaires et raisonnables » pour éviter ces crimes alors qu’il disposait d’un « contrôle effectif » sur ses hommes.
Au lendemain de la première journée mondiale  de lutte contre le viol comme arme de guerre (voir ci-dessous) cette peine conséquente peut représenter un outil de dissuasion contre ces pratiques.


Actualisation 18 juin 2016 :

Aujourd'hui 18 juin, se déroule la première Journée mondiale de lutte contre le viol comme arme de guerre sous l'égide de l'ONU. La prise en compte du viol comme arme de guerre dans les conflits actuels est relativement récente: la résolution de l'Assemblée Générale de l'ONU date d'un an seulement. Le docteur Denis Mukwege alerte: les conflits ne durent qu'un temps alors que les viols peuvent avoir des répercussions sur des générations. « Le viol est une métastase » explique le praticien qui s'interroge : comment les enfants qui ont vu leurs parents subir une telle humiliation peuvent-ils se comporter normalement ?


Actualisation 23 mars 2016:

Une victoire historique pour les victimes de violence sexuelles. 
 
"Aujourd'hui, le 21 mars 2016, la Chambre de première instance III de la Cour pénale internationale (CPI) a déclaré à l'unanimité Jean‑Pierre Bemba Gombo coupable au‑delà de tout doute raisonnable de deux chefs de crimes contre l'humanité (meurtre et viol) et de trois chefs de crimes de guerre (meurtre, viol et pillage)."
Le verdict de culpabilité rendu  par la Cour pénale internationale (CPI) lundi 21 mars contre Jean-Pierre Bemba représente un tournant historique dans la lutte en faveur de la justice et de l'obligation de rendre des comptes pour les victimes de violences sexuelles  dans le monde. Les milices de Jean-Pierre Bemba utilisaient le viol comme arme de guerre en Centrafrique (motif de la condamnation) et au Congo .
C'est la première fois que la CPI condamne quelqu'un pour le viol utilisé comme arme de guerre, et la première fois qu'elle prononce une condamnation fondée sur le principe de la responsabilité du commandant.
Cette décision de justice comporte un message clair : l'impunité pour violences sexuelles en tant qu'arme de guerre ne doit pas être tolérée. Elle souligne également que les commandants militaires et les responsables politiques doivent prendre toutes les mesures nécessaires afin d’empêcher leurs subordonnés de commettre des actes odieux et qu’ils seront tenus de rendre des comptes s'ils ne le font pas. Le viol est utilisé comme arme de guerre lors de nombreux conflits et génocides et notamment dans la période récente dans le génocide des Tutsi au Rwanda, dans la guerre en ex-Yougoslavie, ainsi que par Daech à l'encontre de la population des Yézidis

Mise à jour du 15 Mars 2016
"Viols, armes de guerre : pour un tribunal pénal international en République démocratique du Congo".

Après la sortie du film "L'homme qui répare les femmes"[6] ,  un colloque  avait été organisé le mercredi 9 mars 2016 à la mairie de Paris

Des responsables et acteurs de ce combat étaient présents au côté du Docteur Denis Mukwege, en partenariat avec le réseau féministe "Ruptures"


Le colloque

Dans la salle comble règne un brouhaha joyeux : beaucoup de femmes africaines, des femmes européennes en grand nombre, peu d'hommes. Plusieurs générations sont représentées.
Le Docteur Mukwege est assis dans le public. A ses côtés, le réalisateur du film, Thierry Michel et des élus ainsi que des représentantes des cinquante deux marraines[7] dont la doyenne a quatre-vingts seize ans.

Le colloque débute par une vidéo qui projette des images de femmes qui tentent de se reconstruire avec l'aide d'autres femmes. Des femmes médecins, assistantes sociales, avocates, psychologues, conseillères juridiques, médiatrices familiales toutes dévouées à la cause de leurs "'sœurs" victimes et bannies.
Les photos ont été prises dans l'hôpital de Panzi où elles sont accueillies dans "les maisons d'écoute".
Plusieurs intervenants vont faire une communication avant celle du Docteur Denis Mukwege.
Tous unis dans le combat qu'ils mènent pour faire reconnaître auprès d'un tribunal international les horreurs que subissent les victimes de ces hordes armées qui violent des femmes comme "une arme de guerre massive" ainsi que le martèle le Docteur Denis Mukwege.
Le colloque prendra fin par un cri d'alarme lancé par le réalisateur du film "l'homme qui répare les femmes, la colère d'Hippocrate".


La guerre en toute impunité depuis 1996

La plupart des femmes congolaises violées viennent de la région du Nord Kivu terrain de guerre depuis 1996. "Le minerai du sang" est l'objet de convoitise de hordes incontrôlables. Le Coltan source d'esclavagisme moderne génère le conflit le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale. avec des millions de morts et de personnes déplacées.


Comment faire reconnaître ces crimes par un tribunal international

Maître Amuli Réty[8] avocat et Jean-claude Bagayamukwe Dunia, bâtonnier du barreau de Bukavu au Sud-Kivu, expliquent leur combat au quotidien pour faire condamner les bourreaux des femmes congolaises violées.
Confrontés à des obstacles socio-économiques, ils ont organisé des consultations gratuites. Le tribunal se déplace jusqu'aux villages les plus éloignés de la Cour.
Il faut des mois avant qu'un jugement soit rendu et personne ne sait comment l'appliquer. De toute façon les accusés font appel et tout est à refaire.
Les autorités gouvernementales ne montrent aucune volonté pour agir. La responsabilité revient aux Nations Unies.
Six cent incidents volontaires ont été recensés couverts par la loi du silence entre mars 1993 et juin 2003. La police scientifique et technique est financée à hauteur de 25 à 30 millions de dollars, et il n'y a toujours pas de fichier ADN. 


Le témoignage de Caddy Adzuba Furaha[9]

Caddy Adzuba Furaha témoigne avec détermination et inquiétude. Depuis l'âge de quatorze ans (elle en a trente quatre aujourd'hui) elle a connu la guerre. Sa propre mère a été violée. Au risque de sa vie, elle n'a pas hésité à aller dans des villages secourir des femmes abandonnées, laissées pour mortes.
Sa bataille est quotidienne pour dénoncer les violations des droits de l'Homme et offrir une vie meilleure aux femmes victimes de viols ainsi qu'à leurs enfants.

Le Docteur Denis Mukwege 

Le docteur Mukwege est applaudi, accompagné des youyous de femmes africaines qui lui témoignent toute leur reconnaissance.
Le ton de sa voix est grave pour nous raconter l'attaque de l'hôpital de Lemera en 1996.
Nombre de ses collaborateurs et patients ont été assassinés. Il n'y aura jamais de commémoration de ce massacre.

A la suite de cette destruction le docteur a créé l'hôpital de Panzi et sa fondation.
Il affirme que les viols ne sont pas des actes gratuits sexuels mais une volonté de tuer au sein même de villages entiers, en public, devant les hommes impuissants.
Beaucoup de femmes en meurent. Restent les enfants, porteurs de traumatismes psychologiques. Il y a un risque de contamination par le virus du sida. Nombre de ces femmes n'auront pas d'autres enfants. Elles sont confrontées à la précarité. La plupart d'entre elles ignorent qu'elles peuvent porter plainte.
Face à cette situation, la fondation Panzi propose des aides médicales, chirurgicales, psychologiques et socio-économiques.

Le réalisateur du film Thierry Michel conclut le colloque en lançant un cri d'alarme : " le silence tue, la parole aussi peut tuer"
Il cite en exemple l'assassinat de Floribert Chabaya[10] retrouvé mort dans sa voiture, ligoté.
La veille de ce colloque, aux Nations Unies, une lettre ouverte soutenue par cent quatre vingt deux femmes congolaises a été rendue publique afin de dire NON à l'impunité des auteurs de ces crimes.

L'ACAT[11]

Cette organisation se mobilise particulièrement contre la pratique de l'excision et soutient les actions du Docteur Mukwege en organisant dans différentes villes des débats qui font suite aux projections du film : "l'Homme qui répare les femmes". 

Évelyne L. 












Memorial 98


Ce film documentaire de Thierry Michel[1] et Colette Braeckman[2] évoque le destin du médecin congolais Denis Mukwege, ainsi celui des centaines de milliers de femmes victimes de viol,  dans un Congo ravagé par la guerre. Ce médecin s’est spécialisé dans la reconstitution génitale des femmes victimes de violences sexuelles en temps de guerre. En l'espace de seize  années, il a opéré  plus de 50 000 femmes violées et mutilées de sa région.
Il faut voir ce film qui nous montre ces luttes armées sous l'œil impuissant de l'ONU et l'indifférence des multinationales.
Preuve de sa pertinence, le film a été provisoirement interdit de diffusion en république démocratique du Congo (RDC) en septembre 2015 au motif d'une « volonté manifeste de nuire à l'armée congolaise et de salir son image ». Depuis, il a été interdit définitivement.


Un film  beau et poignant

La république démocratique du Congo, ses montagnes et le  fleuve qui lui donne son nom.
Quand le film débute, la caméra s'attarde sur cette immensité tranquille, comme un défi à ce pays livré aux pires exactions.
Un homme chante une mélopée. La pluie ruisselle tandis que les larmes coulent sur les visages de ces femmes et de ces jeunes filles. Elles ont subi des sévices inimaginables.
Une voix ancestrale s'élève au-dessus de ce paysage grandiose, elle se perd dans l'horizon.

Le médecin, personnage magnifique.
Une stature herculéenne, rien ne semble l'arrêter, pas même les menaces de mort qui le guettent à chacun de ses déplacements qu'il effectue d’ailleurs avec une garde rapprochée.
Sa modestie n'a d'égal que son sourire dont il ne se départit jamais, excepté au cours des opérations chirurgicales quand il découvre des lésions génitales particulièrement  sévères. . La chirurgie gynécologique doit en effet être réinventée par le médecin et son équipe pour faire face à des blessures inconnues jusque là.
Il règne dans  l'hôpital de Panzi une solidarité exemplaire.

Les actions du Dr Mukwege ont dérangé les criminels de guerre et leurs complices. Il a dû s’exiler un temps en Europe mais grâce à la mobilisation de nombreuses femmes congolaises, il a pu revenir pour continuer son combat.

Quasiment  assigné à résidence, dans ce lieu de réparation de blessures jamais vues, il accueille par milliers  des épouses de tous âges, meurtries, humiliées, chassées par leur famille après avoir subi un viol.
Le docteur Mukwege les écoute. C'est un passage particulièrement impressionnant du film.
Elles finissent par confier leur dégradation, leur exclusion.
Il sait les réconforter d'un regard, d'un mot, d'un geste… elles pleurent enfin.

En costume au Parlement Européen, en blouse blanche parmi la population ou ses patientes, dans le bloc opératoire il combat, il lutte sans relâche pour que soient reconnues les atrocités commises dans son pays, pour qu'elles cessent.

A la fin du film, il nous mène sur un lieu où il aime à se reposer, un sentier dans la montagne, juste à la croisée du Burundi, du Rwanda et de la République Démocratique du Congo. La voix de haute-contre ponctue ce documentaire qui laisse  d’abord sans voix puis donne envie de réagir.

Les viols sont des armes de guerre.

Le documentaire nous informe sur ce qui se passe dans ces contrées plongées dans la misère et la violence.
La république démocratique du Congo vit dans un état de guerre depuis 16 ans.
En 1996, une rébellion contre Mobutu Sese Seko, le dictateur de l'époque, amène Laurent Kabila au pouvoir.  Son fils Joseph Kabila lui a succédé après son assassinat en 2001.
Ces dictateurs se soutiennent et changent la Constitution pour qu'à la fin de leur mandat, ils puissent être réélus. Ce qui fera dire à un personnage du film :" il faut mille cadavres pour devenir général".

De l’hôpital de Panzi partent des demandes de justice. Une avocate travaille à plein temps pour tenter de faire reconnaître les crimes commis et afin que soient jugés les hommes qui commettent de telles atrocités. Les procès sont fantoches, les accusés nient leur participation à ces viols abominables. Il y a bien une sentence. Elle ne sera pas appliquée, moyennant  le versement de 100 dollars. Les juges sont ainsi surnommés «  Monsieur cent dollars » 

Une guerre meurtrière pour la possession du minerai


Le film retrace la course au minerai et dénonce le sort des congolais livrés à la pauvreté  et confrontés aux multinationales qui ne pensent qu'au profit. Le manque de traçabilité des minerais est un scandale écologique. Alors que règne la pauvreté, les richesses du Congo sont pillées par les multinationales  qui exploitent le « minerai du sang » .
Les travailleurs congolais triment dans les mines et se font massacrer. 
« Tantale[3], » est devenu le nom de cette ressource obtenue en raffinant le  Coltan dont la la RDC dispose de 80 % des réserves connues.


Une campagne  de soutien 

Les projections de ce film sont soutenues par l’ACAT (Action  chrétienne contre la torture et la peine de mort) ainsi que par Amnesty International

L'ACAT a lancé une campagne de soutien aux actions de l'hôpital de Panzi et intervient dans les débats qui ont lieu lors de la projection du film.
Elle se mobilise particulièrement  contre la pratique de l’excision et  le viol conjugal
Dans ce cadre elle organise des groupes de paroles "SOS femmes africaines en danger" qui constituent un outil de mobilisation et de sensibilisation contre les violences sexuelles.

Le docteur Mukwege sera présent lors d'un colloque à  Paris le 9 mars 2016 [4]


 Evelyne L. 


Notes 

[1]Thierry  Michel : scénariste, réalisateur et journaliste


[2] Colette Braeckman : journaliste, co-scénariste et auteure du livre L’Homme qui répare les femmes. Éminente spécialiste de l’Afrique centrale elle a écrit de nombreux ouvrages dont : Le Dinosaure ou le Zaïre de Mobutu, Rwanda, histoire d’un génocide, Les racines de la violence, L’enjeu congolais, Les nouveaux prédateurs




[3] Dans la mythologie, le mortel Tantale vola les Dieux lors d’un festin pour offrir les mets aux hommes. Les divinités, furieuses d’avoir été trompées par un homme auquel elles avaient accordé leur confiance, l’enfermèrent en enfer au beau milieu d’arbres fruitiers et à côté d’un lac dont les fruits ou l’eau se rétractaient dès que Tantale voulait étancher sa faim ou sa soif. Le malheureux fut condamné à vivre dans le besoin éternel au milieu de l’opulence. Mais le tantale tient aujourd’hui sa revanche. Une triste revanche !


[4] Colloque à Paris : «Viols, armes de guerre: pour un tribunal pénal international en République démocratique du Congo (RDC) Mercredi  9 mars En présence du Dr Denis Mukwege, gynécologue et fondateur de l’hôpital de Panzi.
Inscription obligatoire




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