Affichage des articles dont le libellé est Turquie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Turquie. Afficher tous les articles

mercredi 24 avril 2019

Génocide des Arméniens: un combat à poursuivre contre le négationnisme de l'Etat turc

 
Pendaison d'intellectuels arméniens à Constantinople le 24 avril 1915, marquant le début du génocide qui fit plus d'un million de victimes.

 24 avril 2020: commémoration à l'ombre de la pandémie.


Le génocide de 1915 est commémoré cette année de manière virtuelle, comme le génocide des Tutsi et la révolte du ghetto de Varsovie symbolisant la Shoah.

Mais comme le dit le Collectif VAN ( vigilance arménienne contre le négationnisme), partenaire de Memorial 98, " nul ne peut confiner la mémoire" .

105 ans après qu'il ait été commis, le génocide des Arméniens n'est toujours pas reconnu en Turquie.
 Au contraire le négationnisme de l'État turc se déploie partout afin d'en empêcher la reconnaissance. Celle-ci progresse néanmoins bien que trop lentement

Le combat se poursuit pour la reconnaissance pleine et entière, contre le négationnisme. C'est ce qui est du aux victimes du génocide, aux rescapés et aux Arméniens qui, partout dans le monde, continuent de souffrir des conséquences de ce crime historique

Memorial 98


25 avril 2019 

Au lendemain du 104e anniversaire du début du génocide, Erdogan escalade dans le négationnisme. Il déclare sur son compte Twitter:  " Le transfert des bandes arméniennes et de leurs partisans, tueurs de musulmans, y compris des femmes et des enfants vers l’Est de l’Anatolie était la décision la plus raisonnable à prendre à l’époque". Le président turc ajoute une dimension religieuse au génocide en évoquant de prétendus "tueurs de musulmans"

Memorial 98


Les injures et menaces de mort que subit actuellement la députée française Sonia Krimi, suite à une confrontation publique avec le ministre des affaires étrangères de Turquie à propos du génocide arménien, donnent une idée de la violence du négationnisme de l’État turc. Les représentants du régime turc ont fortement attaqué le 12 avril dernier, lors d’une assemblée parlementaire de l'Otan se tenant dans leur pays, la décision d’Emmanuel Macron d’instaurer une  commémoration annuelle du génocide arménien de 1915, chaque 24 avril. Ils ont  saisi comme prétexte d’attaquer le rôle de la France lors de la guerre d’Algérie et du génocide des Tutsi.  
Plutôt que de reconnaître même partiellement les responsabilités de leurs autorités dans le génocide de 1915, comme le fait avec beaucoup de limites Macron à propos du Rwanda ( voir ici)  et de l’Algérie (il a décrit la colonisation comme un crime contre l’humanité avant de reculer face à l’offensive des nostalgiques de l’Algérie française) ils ont choisi l’escalade. Suite à la protestation de Mme Krimi, elle est maintenant menacée de mort et harcelée sur les réseaux sociaux, avec des références racistes à son origine tunisienne.
 


  









Le sort de ceux qui en Turquie même portent l’exigence de la reconnaissance du génocide, est bien pire. L’atmosphère de répression instaurée par Erdogan, encore accentuée après sa défaite électorale récente lors des élections municipales,  met en danger les représentants des Arméniens de Turquie et ceux qui les soutiennent. L’assassinat en 2007 d'un porte-parole des Arméniens de Turquie, Hrant Dink, a montré jusqu’où pouvait conduire la stigmatisation de ce combat.

Au plan international, la reconnaissance du génocide des Arméniens, 104 années après qu'il ait été commis,  est encore entravée, malgré les avancées historiques en Allemagne, aux Pays-Bas et récemment en Italie.
De nombreux pays tergiversent et hésitent, en raison des pressions de l’État turc et de ses alliés dont le régime dictatorial d’Azerbaïdjan, particulièrement corrompu et corrupteur. C'est notamment le cas des autorités israéliennes dont la position revêt un aspect historique et symbolique crucial. Le combat y est engagé depuis des dizaines d'années et progresse très lentement, au gré des rapports de force et des relations avec la Turquie et l'Azerbaïdjan qui font pression.

En France où le génocide a été reconnu dès 2001, le combat porte encore sur une loi de pénalisation de la négation du génocide des Arméniens comme il en existe une pour la Shoah et maintenant pour le génocide au Rwanda. Une telle loi constitue un instrument utile contre les négationnistes, comme l'a montré la condamnation récente de Soral  pour son négationnisme de la Shoah.
Cette loi, maintes fois promise, a été votée non sans difficultés, y compris dans les rangs d'une partie de la gauche, en décembre  2011 à l'Assemblée nationale et en janvier 2012 au Sénat. Elle a ensuite été censurée avant sa promulgation par le Conseil Constitutionnel en février 2012. Une nouvelle loi avait été promise par François Hollande, mais elle est fut  repoussée aux calendes grecques. Elle doit faire face à l'opposition d'hommes politiques et d'historiens institutionnels et puissants, dont Pierre Nora et Robert Badinter. Eric Zemmour, qui veut réhabiliter Pétain, plaide régulièrement contre toute loi mémorielle et toute action contre les négationnistes

En 2016,  le vote d’une loi dite Égalité et Citoyenneté permettant de poursuivre les négationnistes des génocides a pu faire croire qu ‘elle permettrait cette pénalisation de la négation du génocide arménien. Mais en réalité cela n’a pas été le cas, comme l’analysaient nos amis et partenaires du Collectif VAN  (Vigilance arménienne contre le négationnisme)


Succès au Sénat français pour la pénalisation du génocide des Tutsi mais pas pour celui des Arméniens.

Le Sénat s'est prononcé en faveur du rétablissement de l'article 38 ter de la Loi "Égalité et Citoyenneté" permettant de poursuivre les négationnistes des génocides - dont le génocide arménien nous dit-on - et crimes contre l'humanité tels que l'esclavage. Étonnamment, les commentateurs de ce vote se sont focalisés sur le génocide arménien en laissant entendre qu'il s'agissait d'une ouverture contre les négationnistes.
Ils oublient de préciser que seuls seront poursuivis les négationnistes d'un crime jugé par une juridiction française ou internationale. Or il est bien connu que le génocide arménien n'a jamais été jugé par ce type de juridiction.
Pour les crimes qui ne pourront pas entrer dans la case "jugement français ou international", il faudra alors remplir une autre condition : "la négation, la minoration ou la banalisation de ces crimes" devront être accompagnées d'"une incitation à la violence ou à la haine".
Or, il est tout à fait habituel  de nier un génocide ou un crime contre l'humanité sans proférer des "propos violents ou haineux". C'est même la spécialisation des négationnistes les plus pervers qui se présentent avec le masque de l'historien : ce sont les plus prolifiques, les plus influents et les plus dangereux. Ceux-là resteront certainement hors du champ d'application de la loi.
Seule (grande) satisfaction : si le Conseil Constitutionnel n'invalide pas cet article avant sa promulgation, la Loi Égalité et Citoyenneté (qui - en l'occurrence - ne mérite pas son nom) donnera la possibilité de poursuivre les négationnistes du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, génocide qui a fait, pour sa part, l'objet d'un jugement international.

A l’occasion de ce 104e anniversaire, nous renouvelons notre souhait de voir Missak Manouchian, symbole de la résistance au nazisme, entrer au Panthéon.






La signification en serait d'autant plus forte que Manouchian était un orphelin du génocide arménien. Le lien entre les génocides du 20e siècle, notamment celui des Arméniens et la Shoah, représente une raison supplémentaire de procéder à cette reconnaissance du rôle des résistants de l'Affiche rouge.  



Cette décision représenterait un hommage mérité à tous les résistants anti-nazis d'origine étrangère. Ceux-ci ont souvent été les pionniers de la résistance aux nazis, notamment dans le cadre des FTP-MOI ( MOI pour "Main d’œuvre immigrée "). Ils ont été pourchassés et assassinés par les nazis, notamment pour le groupe dit de l'Affiche Rouge fusillés avec Manouchian le 21 février 1944 au Mont-Valérien. 

Avril et les trois grands génocides du 20e siècle
Le mois d'avril au cours duquel est honorée la mémoire des victimes des trois génocides majeurs du XXe siècle  comporte  plusieurs "jours de sang":
Le 7 avril 1994 marque le début du génocide des Tutsi du Rwanda. C'est à lui que revient chaque année le triste privilège d'ouvrir les commémorations du mois d'avril, avant celui de la Shoah, le 19 avril correspondant au début de la révolte du ghetto de Varsovie le 19 avril 1943,  celui des Arméniens le 24 avril correspondant aux premières arrestations des intellectuels arméniens à Constantinople/Istanbul en avril 1915.
Nous y associons le premier génocide du XXe siècle commis en 1904 par l'Allemagne impériale  contre les peuples Herero et Nama en Afrique australe, les actions génocidaires en Bosnie à Srebrenica, au Darfour, le génocide des Roms, les actions génocidaires du régime khmer rouge au Cambodge et la récente tentative d’extermination des Yézidis d’Irak par Daech, les actions génocidaires contre les Rohingya en Birmanie ...

Les différents génocides ont des liens profonds entre eux car dans tous les cas les populations promises à l’extermination ont été d’abord été discriminées, stigmatisées, accusées de tous les maux, puis désignées comme ennemies, regroupées, marquées et « étiquetées » sous différentes formes et enfin conduites à l’extermination ou massacrées sur place. Le génocide est l’aboutissement de décennies, voire de siècles, de discriminations.

Un autre point commun à ces génocides est qu'ils font face à des entreprises de  négation, dans le cadre d’une solidarité avec ceux qui ont perpétré le génocide. Nous luttons contre ce phénomène très organisé, mis en place par les génocidaires eux mêmes et qui constitue avec l’impunité une incitation à de nouveaux massacres.
Le but des génocidaires, en tout temps et en tout lieu, ne consiste pas seulement à assassiner les vivants, mais aussi à nier à tout jamais leur existence.

C’est pour cette raison que les négationnismes sont consubstantiels aux génocides. En niant, il ne s’agit pas seulement d’une tentative faite par les assassins pour échapper aux conséquences de leurs crimes. Au même titre que les massacres physiques de masse, la négation est au service au service du but final : effacer de l’histoire et de l’humanité une partie des hommes et des femmes qui la constituent.
Hitler lui-même trouvait un encouragement dans la manière dont le génocide arménien était nié:
« Mais qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? » déclarait-il dans une allocution aux commandants en chef de l'armée allemande le 22 août 1939, quelques jours avant l'invasion de la Pologne.

Plus que jamais, le combat contre les génocides, ainsi que l’impunité de leurs auteurs et le négationnisme sont cruciaux. C'est pourquoi la reconnaissance du génocide arménien est si importante, afin de contribuer à prévenir d'autres génocides dans le futur.

Memorial 98

 












samedi 19 mars 2016

Refouler les migrants, cautionner Erdogan: le naufrage des démocraties européennes.



Un accord anti-démocratique, conclu avec un dirigeant anti-démocratique. Le renoncement à respecter les droits humains, signé avec un régime qui accélère les atteintes les plus graves aux droits humains.

L'accord conclu par l'Union Européenne avec le gouvernement turc, c'est tout cela et bien plus encore.
Dissipons d'abord les mensonges dont cet accord fait l'objet: si le principe d'accueil d'un réfugié bloqué sur le sol turc en échange de chaque expulsion forcée vers la Turquie d'un migrant arrivé sur les côtes grecques est déjà ignoble, évidemment, dans le réel, cet échange n'aura pas lieu. Il faudrait pour cela des pays européens qui acceptent réellement l'arrivée de migrants sur leur sol.
Or si les migrants meurent en mer et continuent à chercher des routes de plus en plus dangereuses pour sauver leur vie, c'est évidemment parce que l'Europe fait tout pour les bloquer, depuis des années et des années, bien avant les crises humanitaires actuelles.

Il y aura donc aussi peu de possibilités d'entrer en Europe par la voie légale qu'il y en avait avant cet accord. Même si dans les prochaines semaines, les autorités turques et européennes organiseront sans nul doute quelques arrivées médiatisées de "réfugiés légaux", sommés de remercier nos gouvernants pour leur générosité. Pour l'heure, en tout cas, la première application de l'accord illustre sa brutalité: au moins 1700 personnes viennent d'être arrêtées par des moyens militaires alors qu'elles tentaient de traverser jusqu'à Lesbos, et emmenées par les autorités turques dans un "gymnase": ce sera dans ces conditions que celles-ci seront censées établir la nationalité des personnes "en respectant le droit international".

Ce que cet accord prévoit, c'est donc le renvoi massif des êtres humains qui arrivent sur les côtes grecques . Qui dit massif, dit forcément collectif et standardisé. Et sur le terrain, face à des gens qui ont tout risqué pour arriver, et pour qui repartir est le pire des cauchemars, on doit évidemment mesurer ce que signifie " renvoi massif et standardisé": naturellement, l'usage de la détention, de la contention, de la violence. Et des grèves de la faim, des auto-mutilations, des suicides et des tentatives de suicide, des mesures disciplinaires contre les individus les plus déterminés à faire valoir leur droits, et la criminalisation globale et brutale des tentatives collectives de faire valoir ces droits.

Il n'y a nul besoin d'extrapoler pour savoir cela: car c'est exactement ce qui se passe dans tous les centres de rétention en Europe, c'est aussi ce qui se passe à toutes les frontières actuellement fermées en Europe. De Calais, où des migrants se cousent la bouche pour dénoncer le traitement inhumain dont ils sont victimes à ces rivières des Balkans, où pourchassées par la police, des hommes, des femmes se noient. En passant par la Grèce où plus de 50 000 personnes sont bloquées dans des conditions innommables, puisque toutes les frontières sont fermées.

Nul besoin d'extrapoler pour savoir quelles conditions de vie, quel déni de droits, quels dangers vont encourir ceux qu'on expulsera vers la Turquie, et encore plus ceux qui oseraient réclamer le respect de leurs droits là bas. Cet accord est signé au moment où la dérive autoritaire et meurtrière d'Erdogan et de ses partisans s'accélère en Turquie . 

Une signature en lettres de sang , une caution de plus aux attaques et aux arrestations des journalistes et des avocats, à la persécution meurtrière des minorités arméniennes ou kurdes, à la répression féroce et ininterrompue des mouvements sociaux et de défense des droits humains. Un accord que les dirigeants européens osent défendre avec une hypocrisie sans nom en affirmant que les conditions sont réunies pour le respect du droit d'asile par Erdogan et son gouvernement. Chacun sait qu'elles risquent de l'être  à peu près autant que lorsque Kadhafi, en vertu d'autres accords avec l'Union Européenne, était lui aussi chargé d'empêcher les migrants d'arriver en Europe. 

Il ne suffit pas de constater l'ignominie de cet accord, de décrire l'abjection anti-démocratique de ses tenants et aboutissants. Il faut aussi mesurer à quel point il est une réponse en forme de lâche trahison aux millions d'Européens qui concrètement ont dit oui à l'accueil des migrantEs. Une nouvelle fois, en satisfaisant aux exigences de l'extrême-droite, les dirigeants européens font preuve d'un opportunisme non seulement ignoble mais inopérant. La seule force sociale de résistance à l'extrême-droite, c'est évidemment la solidarité massive, quotidienne, infatigable qui s'est manifestée et continue à s'exercer partout en 2015, des côtes grecques à celles de Calais, où les soutiens affluent pour faire respecter les droits humains, malgré le danger d'une répression toujours plus grande. Une solidarité qui est aussi celle de ces innombrables endroits où des migrants sont hébergés, quartiers des grandes villes ou petits villages, où tout bêtement, tout se passe bien, hormis l'agitation violente des milices d'extrême-droite, qu'en France, on laisse agir le plus souvent, d'ailleurs. 

Cette trahison là ne peut que renforcer la détermination à construire un front antiraciste qui ne s'embarrasse d'aucune restriction, d'aucune division des droits. Nous n'avons désormais plus aucune raison de nous laisser intimider par les raisonnements selon laquelle la défense du droit inconditionnel à la liberté de circulation et de circulation ne ferait que fragiliser les migrants pouvant accéder spécifiquement au droit d'asile voire le droit d'asile lui même. Le déroulé des évènements de ces deux dernières années le prouve, marqué au départ par de grandes proclamations sur le droit d'asile de la part des dirigeants européens, proclamations toujours suivies de la proclamation de la "nécessaire" lutte contre la migration prétendûment purement économique: la conclusion politique réelle de tout cela, c'est le refoulement global assumé dans les pires conditions qui soient, et la destruction d'un des fondements historiques démocratiques en Europe, le droit d'asile.  

C'était prévisible: le droit d'asile ne peut pas exister seul, dans une marée de racisme et de lois de plus en plus dures contre les étrangers. Le droit d'asile ne peut être que formel, dès lors que ceux qui parviennent jusqu'à nos frontières sont traités comme des flux à endiguer, notamment en n'accordant pas même les conditions de la survie à l'entrée en Europe.

Quand des femmes doivent accoucher dans des bidonvilles, quand même l'accès à l'eau potable ou la collecte des déchets ne sont pas assurés, quand les évacuations policières succèdent aux évacuations policières, qui peut imaginer un seul instant, qu'au milieu de tout cela, ceux qui peuvent demander l'asile puissent le faire dans des conditions susceptibles de leur en garantir l'accès ? Et, ce dans un contexte où toutes les lois sur l'immigration ont des volets qui impactent forcément les demandeurs d'asile dans leur long combat quotidien pour tenter d'obtenir un statut de réfugié. 

En réalité, partout en Europe, et notamment en France, le droit d'asile n'est respecté un minimum que lorsque des luttes offensives pour le respect des droits humains dans leur ensemble sont menées, qui contraignent les autorités à céder, sous le poids de la mobilisation.

Face à des gouvernements européens qui, en pratique, organisent une situation où il n'y aura plus d'accueil pour personne, le slogan historique des migrants unis et en lutte demeure le seul réaliste. Des papiers pour tous, parce que personne n'est illégal.  

Actualisation du 19 juin 2016

L'accord UE-Turquie vivement critiqué par le secrétaire général de l'ONU à la veille de la journée mondiale des réfugiés du 20 juin. Ban Ki-Moon a déclaré samedi 18 juin que « la détention » en Grèce de migrants arrivés depuis l’entrée en vigueur de l’accord UE-Turquie, le 20 mars, « devrait cesser immédiatement ». 
En visite sur l’île de Lesbos, principale porte d’entrée des migrants en Grèce, M. Ban a appelé l’Europe à « répondre de manière humaine, et inspirée par les droits de l’homme » à la crise migratoire. « La détention n’est pas la solution », a-t-il poursuivi.
Il s’exprimait après avoir visité les deux camps de l’île, qui accueillent environ 3 400 personnes, la plupart retenues avant un probable renvoi en Turquie – selon les termes de l’accord UE-Turquie
Memorial 98 

samedi 6 juin 2015

Le centenaire du génocide des Arméniens et les élections en Turquie

Les yeux sont tournés ces jours-ci vers la Turquie. 
Les élections législatives de ce dimanche 7 juin détermineront l’avenir du président turc Recep Tayyip Erdogan, élu à ce poste le 10 août 2014, après avoir été Premier ministre pendant 12 ans. Son régime avait débuté sous des apparences « réformatrices »; il s’agissait alors de chasser de sa place la vieille élite kémaliste (du nom du fondateur de l’État turc moderne Kemal Atatürk), nationaliste et se réclamant d’une laïcité d’État autoritaire. Il a à son tour adopté une orientation de plus en plus autoritaire et idéologique, au cours des dernières années. La question est de savoir si son parti, AKP (« le Parti de la justice et du développement ») disposera ou non d’une majorité en sièges, voire d’une majorité des deux tiers qui lui permettrait de modifier la Constitution à sa guise et notamment d'instaurer un régime présidentiel. Ce résultat  décidera des marges de manœuvre du « Sultan » Erdogan.
La fin de la campagne électorale est particulièrement  tendue et le pouvoir est sans doute à l’origine de  l’attentat qui a fait plusieurs morts lors du dernier meeting de la coalition HDP dans la grande ville kurde de Dyiarbakir, le vendredi 5 juin. 
"Nettoyer le campement c'est être complice du génocide"
Un point sur lequel la conduite des pouvoirs publics turcs est attentivement observée concerne en cette année du centenaire des débuts du génocide arménien, ses rapports avec ce « passé qui ne passe pas », expression forgée en Allemagne en 1986 dans le débat relatif au passé nazi du pays. Le génocide des Arméniens a débuté, le 24 avril 1915, par la rafle, la déportation et l’assassinat de plusieurs centaines d’intellectuels arméniens à Istanbul (alors Constantinople et capitale de l’Empire ottoman), prélude à l’adoption officielle d’une "Loi de déportation" des Arméniens en date du 27 mai 1915.
Cette année, le 24 avril 2015 marquait donc une date de commémoration extrêmement importante. En toute logique, elle a été marquée par un grand rassemblement commémoratif à Erevan, capitale de la République d’Arménie (ex-république soviétique), auquel ont assisté entre autres les présidents français et russe.
Or, Erdogan a choisi cette même date pour organiser un autre événement, cherchant ainsi à allumer un contre-feu. Il convia des chefs d’État et de gouvernement de la planète entière à Gallipoli (Gelibolu), une petite ville située sur le détroit des Dardanelles, passage maritime entre la mer de Marmara et la Méditerranée. C’est là que s’est déroulée, entre février 1915 et janvier 1916, la « bataille des Dardanelles », opposant les troupes de l’Empire ottoman membre de la Triple Alliance, à celles de l’Entente. Il n’y avait pas de raison précise de fixer cette commémoration à la date précise du 24 avril car la bataille s’est déroulée sur plusieurs mois. Mais il s’agissait bien de chasser de l’agenda officiel turc, et dans la mesure possible de celui d’autres pays, la date rappelant le début du génocide arménien. Seul le prince Charles (GB) et les chefs des gouvernements d’Australie et de Nouvelle-Zélande – pays qui avaient participé à l’effort de guerre britannique de l’époque – ont répondu positivement à l’invitation de la présidence turque. A cette même date, Erdogan a officiellement déclaré qu’il « partage(ait) la douleur des Arméniens », tout en restant fidèle à la thèse officielle de l’État turc qui veut, tout au plus, reconnaître des « tueries mutuelles » , mais en aucun cas un massacre planifié et visant à éliminer un groupe humain entier, femmes, enfants et vieillards compris. Son chef de gouvernement, Ahmet Davutoglu, se plaignait d’une prétendue campagne contre la Turquie, émanant de tous ceux et toutes celles qui continuent à évoquer un génocide programmé. En même temps, pour la première fois, un ministre turc, Volkan Bozkir, participa à une messe commémorative organisée dans l’Église du Patriarcat arménien, à Istanbul, en parlant d’ « événements graves », mais pas directement de génocide. Cent ans après, le négationnisme de l’État turc persiste donc.
"Le génocide dure !"
Des intellectuels turcs ont tenu des manifestations commémoratives, le 24 avril dernier, notamment devant la gare de Haydarpsa à Istanbul, d’où partaient les victimes des premières déportations. Mais des nationalistes turcs déposèrent, à la même date, des gerbes noires devant les lieux de rédaction du journal arménien « Agos », à Istanbul, en prévenant par Facebook : « Une nuit, nous serons chez Agos’ ». Une menace ouverte, s’agissant du lieu où fut assassiné en janvier 2007 le journaliste Arménien Hrant Dink (voir plus loin à son propos)  .
Un autre événement, qui dure encore au moment où nous bouclons ces lignes et attendons les résultats des élections législatives turques, permet de mesurer le rapport de la Turquie actuelle – pouvoirs publics et société – à son passé et au génocide des Arméniens.
Depuis plus d’un mois dure à Tuzla, quartier asiatique d’Istanbul situé au sud-est de la métropole, l’occupation d’un lieu symbolique cher à la population Arménienne vivant actuellement en Turquie. Un lieu promis à la destruction par les pouvoirs publics et qu’il s’agit de sauver.
En 1962, l’Église arménienne avait acquis, sur ses fonds propres, un terrain dans ce lieu alors situé en extrême périphérie de la ville. Il s’agissait pour elle de disposer d’un endroit pour proposer un lieu de villégiature, mais aussi d’enseignement et d’éducation à des enfants arméniens, vivant dans la cour – étroite – d’une église arménienne dans le centre d’Istanbul. Ces enfants étaient des orphelins, confiés aux institutions ecclésiastiques arméniennes. Ils ne disposaient d’aucun lieu pour sortir des locaux exigus pendant l’été ou d’autres périodes de vacances. Les familles de ces enfants (en dehors de leur parents décédés ou dans l’impossibilité de s’occuper d’eux) étaient soit inexistantes, soit dispersées à travers le monde. C’était une conséquence directe du génocide, qui avait éliminé des familles entières et poussé les survivantEs à l’exil. Quand des familles survivantes vivaient encore sur la territoire turc, leurs membres craignaient d’afficher un lien avec la culture arménienne et dissimulaient leur appartenance à cette origine.
La seule possibilité , pour ces enfants, consistait à passer leurs périodes de vacances toujours dans les mêmes locaux réduits où ils séjournaient déjà toute l’année, ou à rejoindre des membres de leurs familles vivant dans l’exil ou cachant leur appartenance culturelle. La communauté arménienne, craignant que cela ne conduise à une rupture des liens de ces enfants avec leur culture d’origine soient définitivement décida ainsi de construire un lieu de repos et d’éducation spécifique.
"Que le campement arménien soit rendu aux arméniens !"
Sur le terrain, alors situé au milieu de nulle part en bordure de la ville, tout le travail de construction d’un foyer et d’une école reposait sur les enfants eux-mêmes et les quelques adultes qui les encadraient. Pendant des mois, des dizaines et des centaines d’enfants ont ainsi porté des outils, coupé du bois, creusé la terre, emporté du sable. Tout en faisant du sport et allant nager, s’amusant comme ils pouvaient.
Pendant une vingtaine d’année, le lieu a ainsi servi de centre d’éducation de foyer et d’école par lequel des milliers d’enfants arméniens sont passés. L’une des particularités de cette école est que le journaliste Arménien de Turquie Hrant Dink, dont l’assassinat en janvier 2007 à Istanbul a constitué un tournant politique important, a été l’un des élèves. Suite à son assassinat par un nationaliste turc, 100.000 à 200.000 personnes sont sorties dans les rues, à Istanbul, sous les slogans « Nous sommes tous Hrant ! » et « Nous sommes tous des Arméniens ! ».  Ce qui a contribué, de manière importante, a briser le tabou de la « question arménienne », et du génocide, au moins dans une partie de la société turque.
Mais l’école de Tuzla a cessé d’exister, en tant que lieu géré par la communauté arménienne, après une vingtaine d’années d’existence. En 1979, les pouvoirs publics s’étaient ravisés et avaient entamé un procès contre la communauté, propriétaire des lieux : ils exhibaient alors une loi datant de 1936, de la période du parti unique kémaliste. Ce dernier, représentant du nationalisme autoritaire et officiellement laïc, avait alors interdit aux institutions des minorités nationales et religieuses reconnues (arménienne, grecque et juive) de signer des contrats et des transactions sans posséder un agrément officiel. Agrément que, bien entendu, les autorités ne leur donnaient pas : la laïcité alors officiellement proclamée reposait, en même temps, sur la définition d’un peuple turc « normal » (correspondant à la majorité turque et sunnite), à l’exclusion de toutes les minorités.
Après quelques années de procès, en 1983 – la Turquie vivait depuis le 12 septembre 1980 sous une dictature militaire, la justice étatique trancha ainsi contre la communauté arménienne. Les tribunaux ordonnèrent la restitution des lieux au propriétaire initial, au même prix de transaction qu’en 1962, alors que le terrain était non bâti à l’époque. Entre-temps, une école de deux étages, un foyer d’habitation, un grand jardin arboré y avaient été créés.
Pendant une trentaine d’années, le terrain avait été laissé en friche. L’école et le foyer ne furent pas détruits, mais non entretenus, les locaux se dégradaient, et ils risquent aujourd’hui l’effondrement.
Au printemps 2015, apprenant que la destruction des lieux était désormais programmée car le quartier de Tuzla est entre-temps devenu chic et cher, des membres de la communauté arménienne ont investi les lieux. Courant mai, l’occupation des lieux a été organisée, réunissant une cinquantaine de personnes en semaine, mais attirant plusieurs centaines de personnes solidaires le week-end. L’auteur de ces lignes a eu l’occasion de se rendre sur les lieux, pendant le deuxième week-end de mai (voir photos). Plusieurs centaines de personnes avaient alors afflué vers l’école de Tuzla, rebaptisée « Camp (ou campement) arménien ». Les occupantEs et leurs soutiens avaient élaboré tout un programme : cours de langue arménienne, pièce de théâtre militante, concert le soir. Il y eut aussi un rassemblement avec de prises de parole, dont celles d’anciens élèves de l’école. La veuve de Hrant Dink était présente.
"Nous sommes tous des arméniens, nous sommes tous Hrant"
Les jeunes membres de la communauté arménienne membres du mouvement Nor Zartonk y étaient particulièrement actifs. En effet ces jeunes osent sortir désormais au grand jour et porter des revendications ce que ne pouvaient pas faire leurs aînés, traumatisés par le génocide et le climat nationaliste en Turquie. Ils y côtoyaient des intellectuelLEs turcs et turques, des militantEs politiques et des Kurdes. Certaines jeunes femmes dans l’assistance arboraient un foulard musulman, alors que d’autres participantEs étaient vêtus de T-Shirts portant des slogans de la gauche radicale. Le HDP (« Parti démocratique des peuples »), à l’origine  représentant les intérêts de la population kurde, a élargi son combat à la défense des minorités et des revendications démocratiques était aussi discrètement présent. Il est à noter que le HDP présente un candidat Arménien dans la région d’Istanbul et distribue des tracts en arménien.
Des slogans sur les murs proclamant (voir photos): « Nous sommes tous des Arméniens, nous sommes tous Hrant (Dink) » ornaient les lieux, aux côtés d’autres slogans militants, dont certains anticapitalistes. « Le génocide dure encore » était l’inscription d’une grande banderole au-dessus de l’entrée de l’école, une autre proclamant que « le Camp(ement) arménien doit être rendu au peuple arménien ».
Aux dernières nouvelles, le propriétaire actuel des lieux aurait formellement accepté, le 23 mai dernier, de les rendre aux institutions de la communauté arménienne. Mais la transaction n’a pas eu lieu jusqu’ici.
 Voir aussi la page Facebook des occupant-e-s et des personnes solidaires :

Bernard Schmid


mardi 14 avril 2015

Génocide arménien: centenaire du négationnisme de l'Etat turc.

Mise à jour du 24 juin 2016:

Nouvelle défaite du négationnisme d’État turc: dans la capitale arménienne, le pape François a dénoncé, vendredi 24 juin, le "génocide" des Arméniens en 1915/1916  sous l’Empire Ottoman, prononçant pour la deuxième fois ce mot jugé inacceptable par la Turquie.
« Cette tragédie, ce génocide a marqué malheureusement le début de la triste série des catastrophes immenses du siècle dernier », s’est exclamé au palais présidentiel le pape.
Le mot « génocide » ne figurait pas dans son texte distribué à l’avance. Le pape l’avait déjà prononcé une première fois au Vatican en avril 2015, déclenchant la colère du pouvoir turc (voir ci-dessous). 

Memorial 98


Mise à jour du  2 juin 2016:

La reconnaissance du génocide arménien de 1915 par un vote quasi-unanime du Bundestag allemand constitue une avancée importante. Nous nous félicitons de cette décision, qui porte à 30 le nombre de parlements qui ont reconnu ce génocide.
 Ce vote représente aussi une défaite historique pour le négationnisme d'Etat turc.
Celui-ci refuse non seulement de reconnaître qu’il y a eu un génocide organisé envers les Arméniens, mais fait aussi pression dans le monde entier afin que cette reconnaissance n’ait pas lieu.
Les gouvernements turcs successifs utilisent des moyens humains et financiers considérables, visant à intimider les élus, les universitaires, les journalistes et le monde associatif. 

Actualisation 23 avril 2016 :

Le 24 avril 1915 débutaient les premières arrestations d'intellectuels arméniens à Constantinople (future Istanbul) en prélude à la mise en œuvre du génocide.

Une année après le centenaire, qui a donné lieu à d'importantes mobilisations et cérémonies notamment à Istanbul  mais aussi à des provocations de la part de Erdogan, nous faisons toujours face au négationnisme de l’État turc. Celui-ci refuse non seulement de reconnaître qu’il y a eu un génocide organisé envers les Arméniens, mais fait aussi pression dans le monde entier afin que cette reconnaissance n’ait pas lieu.

Les opérations militaires en cours de la part de l'Azerbaïdjan contre la région arménienne autonome du Nagorny-Karabakh donnent un aspect dramatique à la situation.

En France, les historiens, les journalistes, les responsables associatifs, les hommes politiques, dès lors qu’ils travaillent hors des sentiers balisés par l’historiographie officielle de l’État turc, s’attirent des pressions, des menaces, des insultes et des appels à la haine, diffusés à grande échelle sur Internet. Ce négationnisme étatique trouve aussi des relais chez des responsables politiques et des historiens disposant d'un fort pouvoir institutionnel. C'est le cas de l'académicien Pierre Nora, à qui le Mémorial de la Shoah à hélas confié en septembre dernier le soin de prononcer l'allocution d'une cérémonie de mémoire.
En ce mois d'avril nous rappelons la mémoire des victimes des trois génocides majeurs du XXe siècle

Memorial 98

La violence de la réaction du gouvernement turc après les propos du pape mentionnant le génocide des Arméniens, montre que ce pouvoir maintient la ligne du négationnisme d’État. Celui-ci domine la vie politique turque depuis la mise en œuvre du génocide des Arméniens il y a 100 ans, en avril 2015. 
Ce génocide avait été précédé de multiples massacres de populations arméniennes, y compris au 19e siècle avec déjà des théories négationnistes dénoncées par Jaurès

La déclaration du pape, sur laquelle il y a beaucoup à redire par ailleurs (sur les simples ""exterminations de masse" sans génocide contre les Tutsi au Rwanda et sur une assimilation entre le nazisme et le stalinisme qui semble relever de l'esprit de la lutte contre le "communisme" de Pie XII  ) est somme toute assez modérée.
 Elle reprend, à quelques jours du 24  avril qui constitue la date symbolique de la commémoration, des formulations déjà prononcées par au moins un pape récent ainsi que par le chef actuel de l’Église, lorsqu'il officiait en Argentine. Il déclare ainsi : "Au siècle dernier, notre famille humaine a traversé trois tragédies massives et sans précédent. La première, qui est largement considérée comme 'le premier génocide du XXe siècle' a frappé votre peuple arménien",  en citant un document signé en 2001 par Jean Paul II et l'actuel patriarche Arménien, Karekin II .
C'est donc l'utilisation du terme "génocide"qui déclenche la rage du pouvoir en place à Ankara.
À l'heure actuelle, 23 pays ont reconnu officiellement le génocide arménien, parmi lesquels les États-Unis, la Russie, l'Italie, et la France. D'autres pays reconnaissent le massacre tout en refusant d'employer le mot génocide: c'est le cas notamment de l'Allemagne.

Ces dernières années, la situation semblait évoluer vers une forme reconnaissance du génocide, y compris en Turquie au sein de larges secteurs du public.
 L’assassinat de Hrant Dink (en arménien : Հրանտ Դինք) journaliste et écrivain Arménien de Turquie, tué le 19 janvier 2007  à Istanbul par un nationaliste turc, avait entraîné une vague de solidarité sans précédent. Plus de 100 000 personnes avaient participé à ses funérailles en portant des pancartes proclamant: " Je suis Hrant Dink" .

A partir de 2009 le gouvernement turc dirigé par le parti "islamo-conservateur" AKP d'Erdogan lui-même avait semblé ouvrir la voie à une réévaluation  de la position traditionnelle du pouvoir en Turquie. En 2014, Erdogan avait présenté ses condoléances aux "petits-enfants des Arméniens tués en 1915". Cette formule lui avait valu les félicitations de Hollande et Obama, mais les Arméniens ne s'en satisfaisaient évidemment pas, à juste titre.

A l'approche du centenaire, Erdogan, maintenant président d'un régime autoritaire qui rogne en permanence sur les libertés publiques, maintient et renforce un barrage obstiné contre la reconnaissance du génocide. Pire encore, il provoque en organisant le 23 et 24 avril une commémoration du 100e anniversaire de la bataille de Gallipoli qui eut lieu en 1915 dans les Dardanelles. Il a même insulté le président arménien en l’invitant à participer à cette commémoration, organisée afin de détourner l’attention de celle du génocide. Erdogan s’appuie sur les calculs " géopolitiques" qui entraînent de nombreux gouvernements à ménager le régime turc, considéré comme utile dans les affrontements en cours au Moyen-Orient. 

Memorial 98, dont une des raisons d'être est la lutte contre le négationnisme et l'impunité, salue la grande commémoration internationale qui aura lieu à Istanbul, sur les lieux du début du génocide, le 24 avril prochain avec des mouvements turcs de défense des droits de l'homme. Avec nos partenaires du Collectif VAN (Vigilance arménienne contre le négationnisme) qui soutiennent les divers événements organisés à Istanbul ce 24 avril 2015,  et d'autres associations, nous poursuivrons la lutte  pour la reconnaissance internationale du génocide des Arméniens et pour la pénalisation de sa négation. En cette année du centenaire, il est plus que temps que la justice soit enfin rendue.

Et cette lutte se poursuivra au delà du centenaire, jusqu'à la reconnaissance et la réparation du génocide.


 

lundi 19 janvier 2015

Hrant Dink, défenseur des Arméniens de Turquie, assassiné le 19 janvier 2007.


Voir les mises à jour à la suite de l'article

19 janvier
En mémoire de l'anniversaire de la mort de Hrant Dink (en arménien : Հրանտ Դինք) journaliste et écrivain Arménien de Turquie.

Il a été assassiné le 19 janvier 2007 par un nationaliste turc de 17 ans dans le quartier d'Osmanbey à Istanbul, devant les locaux de son journal bilingue "Agos" .
Hrant Dink a été le fondateur, le directeur de publication et le chroniqueur en chef de ce journal édité à Istanbul en arménien et en turc. Il a également écrit pour les journaux turcs Zaman et Birgün.
Il a fondé le journal Agos en 1996, et devint peu à peu le leader d'opinion de la communauté arménienne de Turquie.

Tout au long de sa vie, il s'est focalisé sur les questions des droits des minorités, des droits civiques et des problèmes concernant la communauté arménienne de Turquie. Il était aussi un activiste des mouvements de gauche et pacifistes turcs. Son assassinat a été l’aboutissement d’une campagne de dix années de harcèlement par les autorités du pays, par l’armée et par des groupes extrémistes. Mais ce crime a déclenché une vague de solidarité sans précédent et d’activisme pro-démocratie en Turquie. Plus de 100 000 personnes ont participé à ses funérailles en portant des pancartes proclamant: " Je suis Hrant Dink" .

Aujourd’hui, Dink est devenu un symbole du mouvement pour les libertés civiles en Turquie et en Europe.

Hrant Dink était un Arménien, dans un pays où les Arméniens ont longtemps vécu dans la peur. Il était un journaliste, dans un pays où, plus que jamais, les journalistes libres penseurs sont soumis à des pressions et des persécutions. Et en tant que défenseur de la paix, il a été vilipendé par les nationalistes.
Après sa mort, la famille et les amis de Dink ont établi une fondation qui a depuis poursuivi et élargi son travail en Turquie pour les libertés civiles, des droits des minorités et des relations pacifiques avec ses voisins, en particulier l’Arménie.

L'année 2015 représente le centième anniversaire du génocide des Arméniens.
Memorial 98, qui lutte contre tous les négationnismes, salue la mémoire des victimes du génocide et de Hrant Dink. Nous nous mobiliserons tout au long de l'année, avec nos amis du Collectif Van, afin que cesse le négationnisme de l’État turc et afin qu'en France la loi pénalisant la négation de ce génocide soit enfin votée et promulguée

Memorial 98

Mise à jour du 25 avril 2019 
 
Erdogan escalade dans le négationnisme. Il déclare sur son compte Twitter:  " Le transfert des bandes arméniennes et de leurs partisans, tueurs de musulmans, y compris des femmes et des enfants vers l’Est de l’Anatolie était la décision la plus raisonnable à prendre à l’époque". Le président turc ajoute une dimension religieuse au génocide en évoquant de prétendus "tueurs de musulmans" a lire ici

Mise à jour du 19 janvier 2018


La terrible répression mise en place par Erdogan depuis la tentative de coup d’État de juillet 2016 frappe durement les journalistes ainsi que les défenseurs des minorités. Plus de 3000 journalistes ont perdu leur emploi. Cinq d'entre eux viennent d'être condamnés pour un prétendu "terrorisme".
Dans ce contexte, les enquêtes concernant les journalistes assassinés sont en danger. 

Nous exigeons plus que jamais la vérité et la justice pour Hrant Dink.

Memorial 98

Mise à jour du 19 janvier 2017
 Hrant Dink (en arménien : Հրանտ Դինք) journaliste et écrivain Arménien de Turquie.
 Il a été assassiné le 19 janvier 2007 par un nationaliste turc de 17 ans dans le quartier d'Osmanbey à Istanbul, devant les locaux de son journal bilingue "Agos"

En ce dixième anniversaire de l’assassinat de Hrant Dink  plus d'un millier de personnes se sont réunies sur le lieu et à l'heure du crime à Istanbul.


  Sur les pancartes: "Nous sommes tous des Hrant Dink et des Arméniens"


Levent Sensever, ami de Hrant Dink, s'est dit plus confiant que lors des précédentes commémorations:  « Si le procès avance enfin, c'est en grande partie grâce à notre mobilisation, qui n'a jamais faibli. Notre lutte pour la justice continue, pour Hrant lui-même, et pour le symbole qu'il était, notamment dans la lutte du peuple arménien pour la reconnaissance du génocide », assure-t-il.

Cette semaine, le tribunal a entendu un acteur-clé, l'ancien chef du renseignement de la police d'Istanbul. Une nouvelle audience doit se tenir ce vendredi 20 janvier 2017.

Néanmoins on ne peut que s'interroger sur la possibilité de faire toute la lumière sur le meurtre alors que la Turquie subit une période de répression particulièrement grave. Celle-ci touche notamment les journalistes et le parti progressiste HDP accusé de soutien au terrorisme.

Le parquet turc a requis mardi jusqu'à 142 ans de prison contre Selahattin Demirtas, coprésident du  HDP, accusé d'appartenir au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), .
Le même parquet de Diyarbakir (sud-est) a en outre requis jusqu'à 83 ans d'emprisonnement pour Mme Figen Yüksekdag, qui copréside le HDP.
De son côté Garo Paylan, député arménien d'Istanbul élu sur la liste du HD a été suspendu temporairement de ses fonctions au Parlement, pour avoir déclaré le 13 janvier 2017 à la tribune de la Grande Assemblée de Turquie:" J’appelle cela (l'extermination des Arméniens en 1915) un génocide".

Alors que la reconnaissance du génocide des Arméniens à récemment progressé, notamment en Allemagne (voir ici) le pouvoir d'Erdogan s'obstine dans le négationnisme d’État et dans la mise en cause des libertés.
Plus que jamais nous rendons hommage à la mémoire de Hrant Dink et exigeons que ses assassins soient punis.

MEMORIAL 98