vendredi 13 août 2021
Appel à l’action contre la vague de propagande antisémite, toujours plus présente.
vendredi 16 juillet 2021
Shoah, étoile jaune, Rafle du Vel' d'Hiv, Mont Valérien, apartheid: l'outrage des complotistes
Mont Valérien: profanation ignoble par des antipass/vax du lieu où les nazis ont fusillé plus de 1000 résistants, dont ceux de l'Affiche rouge et de nombreux Juifs otages. Les profanateurs utilisent les caractères de la SS ( ci dessous) dans leur inscription de cinquante mètres de long et c'est ce qu'ils sont eux-mêmes
Un contexte particulier
La commémoration de la rafle du Vel' d'Hiv' du 16 et 17 juillet 1942 se déroule cette année dans un contexte nauséabond.
En effet la pandémie actuelle du Covid donne déjà lieu à une
déferlante de propagande antisémite et complotiste sous la forme la plus
violente.
Dans la dernière période, cela a pris la forme de l'assimilation de la vaccination et du pass sanitaire à la Shoah et à l'Apartheid .
Des étoiles jaunes sont brandies par les opposants organisés à la vaccination. On condamne un "pass nazitaire" et compare ce pass à l'inscription sinistre du portail d'Auschwitz (ci-dessous)
Colère de Joseph Szwarc, 94 ans, rescapé de la rafle du Vel 'd'Hiv, qui a porté l'étoile jaune, contre les comparaisons répandues ces jours-ci
Vague de comparaisons nauséabondes
L'eurodéputée EELV Michèle Rivasi évoque l'Apartheid. C'est une multi-récidiviste en matière de complotisme anti-vaccins. Elle a plusieurs fois coopéré avec le médecin ultra-réactionnaire Henri Joyeux, opposant enragé au droit à l'IVG et pourfendeur des vaccins.
Les partisans de Florian Philippot, auto-proclamé chef de l'opposition à toute précaution face au Covid, sont au premier rang de cette manipulation qui revient à minimiser et banaliser le génocide des Juifs ou l'apartheid.
Ainsi le 15 mai dernier, les partisans de Philippot se rassemblaient à Orléans, arborant des étoiles jaunes et une banderole "Liberté" (voir ci-dessous)
Le chef des " Patriotes" organise d'ailleurs une manifestation de "liberté" le samedi 17 juillet, à la date du deuxième jour de la rafle de 1942.
On ne peut qu'être choqué et horrifié par l'appel de Fançois Ruffin, député LFI, coutumier des propos confusionnistes à se joindre "aux manifestations" de ce type. Il avait déjà congratulé le négationniste antisémite Étienne Chouard
Le Figaro peut ainsi titrer "Ruffin, Philippot, Dupont-Aignan et Asselineau appellent à manifester contre le passe sanitaire "
Or durant la campagne présidentielle de 2017, ce même Philippot, alors numéro deux du FN et porte-parole omniprésent de Marine Le Pen, avait délibérément lancé une polémique contre la reconnaissance historique le 16 juillet 1995 par Chirac de la responsabilité des autorités françaises dans cette rafle et dans la déportation des Juifs de France.
Par un grossier tour de passe-passe, il évitait de condamner Pétain et le régime de Vichy, afin selon lui de préserver " la fierté de la France" Il déclarait ainsi: "On peut être fier de l'histoire de France", a commencé le soutien de la candidate ( Philippot), en dénonçant la repentance de certains dirigeants. Une journaliste lui demande alors s'il pense que le discours de Jacques Chirac en était. "J'ai toujours été dans la position traditionnelle de la France à savoir que la France était à Londres. Je reste fidèle à cette histoire", a répondu Florian Philippot.
"Le responsabilité de l’État français dans la Collaboration n'est pas un fait historique?", le relance alors un journaliste. "La responsabilité de Français oui. De L’état français, non. Je mets la France et la République à Londres", conclut le conseiller de Marine Le Pen.
Nous condamnons également la reprise par Jean-Luc Mélenchon d'une argumentation proche de celle de ces duettistes. Réagissant aux propos de Marine Le Pen, il avait estimé dans un premier temps que ce qu'elle avait dit "déclench[ait] des polémiques absolument inutiles. L'Histoire de France a fait que les présidents successifs ont fait évolué la question et le regard que l'on portait dessus." "Pourquoi rallume-t-elle cette querelle? Pour blesser?", se demandait-il alors . "Le président Chirac a dit une fois une chose ( discours de 1995 ). Tâchons de nous tenir à une continuité dans notre regard sur l'histoire." « Sur cette affaire, il devient très difficile de dire que personne n'y est pour rien, alors que c'est la police française qui a organisé la rafle (...) Ça blesse, ça crée une polémique inutile.» "La République française n'est pas coupable mais la France l'est", notait-il." Donc une réaction certes modérée à l'égard de la cheffe frontiste, mais clairement dans l'esprit du discours de Chirac en 1995.
Mais quelques semaines plus tard, à l'occasion de la commémoration du 75e anniversaire de la même rafle, le chef de la LFI disait exactement l'inverse et se retrouvait ainsi aux côtés du FN ainsi que de Sarkozy, pourfendeur de la repentance française y compris à l'égard de la Shoah.
Mélenchon écrivait alors : "Après cela, déclarer que la France est responsable de la rafle du Vel d’Hiv’ est là encore un franchissement de seuil d’une intensité maximale. Mais dire que la France, en tant que peuple, en tant que nation est responsable de ce crime c’est admettre une définition essentialiste de notre pays totalement inacceptable..." . Jamais, à aucun moment, les Français n’ont fait le choix du meurtre et du crime antisémite ! Ceux qui ne sont pas juifs ne sont pas tous, globalement et en tant que Français, coupables du crime qui a été commis à ce moment-là ! Tout au contraire, par sa résistance, ses combats contre l’envahisseur et par le rétablissement de la République dès que celui-ci a été chassé du territoire, le peuple français a prouvé de quel côté il était réellement. Il n’est pas au pouvoir de Monsieur Macron d’assigner tous les Français à une identité de bourreau qui n’est pas la leur ! Non, non, Vichy ce n’est pas la France !"
Mélenchon choisissait au passage de déformer les propos de Macron. Ce dernier n'avait fait qu'actualiser le discours de Chirac en 1995, en y introduisant une référence évidente à Marine Le Pen et en rappelant de la IIIe République était déjà ravagée par le racisme et l'antisémitisme, notamment lors des émeutes fascistes de 1934 et lors de l'accession au pouvoir du Front Populaire et de Léon Blum.
Macron mettait en valeur le rôle des résistants les plus précoces, en les opposant à ceux qui collaboraient avec les nazis. Il était bien loin d’"assigner tous (!) les Français à une identité de bourreau " comme Jean-Luc Mélenchon ( JLM) faisaitt semblant de le croire. Au passage, ce dernier semblait impliquer que contrairement aux Français, d'autres populations auraient "fait le choix du meurtre et du crime antisémite". Il s'agit d'une allusion assez limpide à l'Allemagne et au prétendu vote majoritaire pour les nazis en 1933.
En se positionnant ainsi, le chef de la LFI se plaçait, une fois de plus, dans le sillage
de celui qu'il présente comme son inspirateur et modèle politique, c'est
à dire François Mitterrand. Il reprenait d'ailleurs quasiment mot pour
mot les termes que ce dernier utilisait afin de minimiser les
responsabilités françaises dans la responsabilité des autorités
françaises, au prix d'arguties juridiques de mauvaise foi.
Car Mitterrand n'a pas du tout été "mutique" à propos de la rafle du Vel d'Hiv' et plus généralement à propos de la persécution des Juifs sous Vichy , contrairement à ce que Macron a choisi de dire diplomatiquement lors de son discours . Au contraire, il a maintes fois marqué son inclinaison pour l'ambiguïté, le mensonge, et la dissimulation en la matière.
On connait notamment son amitié et sa complicité maintenues pendant de très longues années avec René Bousquet, chef suprême de la police de Vichy et signataire des accords dits "Bousquet-Oberg" ( général SS, chef supérieur de la SS et de la police en zone occupée) établissant la déportation des Juifs et la place centrale de la police française dans ce processus. Bousquet est l'organisateur de la rafle du Vel' d'Hiv' ainsi que de celle de Marseille en 1943 .
Le sachant parfaitement, Mitterrand agira afin de retarder le
procès qui doit enfin s'ouvrir contre son ami Bousquet au milieu des
années 1980. C'est ce qu'établissent les juristes de la mission de la
FIDH qui font savoir que « il y a une décision politique au plus haut
niveau de ne pas faire avancer l’affaire Bousquet ». Après une nouvelle
plainte pour crimes contre l'Humanité déposée contre lui en 1989,
Bousquet comme beaucoup d'autre bourreaux ne sera jamais jugé, car il
est assassiné en 1991.
Mais il y a un autre fait: chaque 11 novembre, de 1987 à 1992, Mitterrand alors président de la République, a fait déposer une gerbe de fleurs présidentielle sur la tombe du Maréchal Pétain, à l’île d’Yeu, au prétexte du rôle de ce dernier lors la première guerre mondiale
Les associations de résistants et de victimes du nazisme avaient beau protester unanimement, rien n'y faisait. En 1992 le scandale fut plus important, car une large campagne publique se déroulait contre ce geste de révérence à l'égard du chef de la collaboration.
Du coup, le préfet de la Vendée, chargé par la présidence de la République de fleurir la tombe au nom du chef de l’État le 11 novembre, dut attendre cette année-là 17 h 15 pour se rendre en hélicoptère sur l'île d'Yeu, lieu de sépulture de Pétain. Il craignait d'être confronté aux manifestants présents sur place. C'était juste après que Serge Klarsfeld et la quarantaine de personnes l'accompagnant eurent pris le dernier bateau régulier de retour de l'île. Ils étaient venus «s'assurer qu'une gerbe ne sera plus déposée sur la tombe de Pétain par le président de la République». Au bout du compte, la gerbe du préfet côtoyait celles déposées dans les heures précédentes par Jean-Marie Le Pen et par "l'Association nationale Pétain Verdun" (ANPV, émanation des nostalgiques de Vichy).
Devant l’ampleur du scandale, Mitterrand fut contraint de suspendre l'hommage à Pétain à partir de 1993, c'est à dire à la toute fin de son deuxième septennat .
Or, c'est Pétain qui a promulgué le statut discriminatoire des Juifs dès 1940 et l'a même personnellement aggravé par des annotations. C'est lui qui a instauré la collaboration avec Hitler et l'Allemagne nazie.
On comprend dès lors que Mélenchon, disciple revendiqué de Mitterrand, préfère semer le confusion sur les responsabilités des uns et des autres dans la déportation des Juifs de France, afin de protéger la mémoire de son mentor.
Une deuxième vague antisémite
La campagne actuelle consistant à salir la mémoire des victimes de la Shoah et de l' Apartheid vient à la suite d'une première vague déjà très violente.
Soral, toujours en liberté malgré ses condamnations à des peines de prison ferme, était évidemment au premier plan avec sa vidéo nommée Couillonavirus Communauté organisée
qui tient la France. Il y stigmatisait
La tradition antisémite en action
Les pouvoirs publics, impuissants à endiguer l'épidémie, auraient déjà recensé plusieurs centaines de cas mais refuseraient d'en faire état. La presse s'empare de l'affaire, bientôt instrumentalisée par la droite nationale et antisémite.
La crainte de la prétendue "maladie n° 9 " donne lieu, au Sénat, à une séance houleuse et retentissante le 2 décembre 1920. De nombreux élus dénoncent le caractère " inassimilable " des " Juifs d'Orient ", accusés de répandre l'épidémie, avec la complicité de leurs coreligionnaires installés en France depuis plusieurs générations. Présentés comme réfractaires aux mœurs de la civilisation occidentale, assimilés à des rats grouillant dans Paris, les Juifs sont également accusés de propager le " microbe " du " bolchevisme défaitiste ".
Puis le 7 juin 1942, le port de l'étoile jaune entre en vigueur pour les Juifs de la zone occupée et ce dès l'âge de 6 ans. Il s'agissait ainsi pour les nazis de désigner et stigmatiser la population juive.

Au total le nombre de raflé.e.s jusqu'au 20 juillet est de 13152. Cette rafle se fait à la demande des nazis, avec l'accord du gouvernement de Pétain et Laval.
1129 hommes, 2916 femmes et 4115 enfants sont enfermés dans l’enceinte sportive du Vélodrome d’Hiver. Les conditions sont effroyables, comme en témoignent les rescapé.e.s
http://info-antiraciste.blogspot.com/2021/08/appel-laction-contre-la-vague-de.html
http://info-antiraciste.blogspot.com/2020/04/celine-en-vedette-propos-du-covid19-une.html
lundi 15 mars 2021
Syrie 10 ans : l'extrême-droite au service exclusif des bourreaux
Le 5 juin 2011, Memorial 98 a publié un premier texte contre le massacre de la population. Depuis notre engagement s'est poursuivi et approfondi à travers de multiples manifestations et actions de solidarité ( voir ci-dessous nos textes et appels).
Les obsessions de l’extrême droite trouvent en Syrie un écho sur lequel Bachar Al-Assad sait parfaitement jouer: défense des régimes autoritaires et rejet de la démocratie, anti-islamisme (réduit à sa frange djihadiste), antisémitisme, défense de la chrétienté persécutée. Il n’est donc pas étonnant que la propagande du régime syrien ait trouvé un relais actif dans ces groupes extrémistes, eux-mêmes divers et fortement divisés, et dans des milieux soucieux de présenter une image publique plus modérée mais néanmoins sensibles à des thématiques sécuritaires et religieuses.
Des connivences anciennes avec les idéologies fascistes et l’antisémitisme
Les relations entre le régime syrien et l’extrême-droite datent de bien avant la révolution de 2011.
Le régime avait accueilli de nombreux nazis, dont un des pires criminels de guerre, Aloïs Brunner, adjoint d’Eichmann, responsable en France du camp de Drancy et organisateur de très nombreuses déportations dont celle des Juifs de Salonique qui aboutit à 98% de morts. Brunner arrive en Syrie vers 1954; plus tard, en 1971, il est embauché directement comme conseiller du gouvernement de Hafez El Assad (père de Bachar). Il aide le pouvoir syrien à mettre en place des techniques de torture dans les prisons.
Le général Moustapha Tlass, éternel ministre de la Défense syrien de 1972 à 2004, représente la continuité du régime syrien puisqu’il est confirmé par Bachar Al-Assad, arrivé au pouvoir en 2000, lors de la mort de son père.
Dès 1994, Frédéric Chatillon alors dirigeant du GUD, milice d’extrême-droite ultra-violente (Groupe Union Droit) se rapproche de Tlass. Il est reçu par le ministre en Octobre 1994 à Damas. Sur les murs de son appartement sont accrochés des dessins signés de Hitler; Chatillon repart avec dix exemplaires de Mein Kampf en arabe, repérés par la police à son retour en France.
Le régime d’Hafez Al-Assad (père de Bachar) finance dès lors les activités du GUD et voit en Chatillon une porte ouverte vers les mouvements extrémistes occidentaux. C’est aussi l’époque d’un tournant politique du GUD, qui relativise son combat anti-communiste et adopte une ligne ouvertement antisémite. Le général Tlass est connu pour ses positions négationnistes envers la Shoah et a fait éditer en arabe le faux antisémite « Protocole des Sages de Sion ». Il a aussi publié une œuvre de son cru "La Mazah de Sion" qui reprend la prétendue thèse du crime rituel juif destiné à introduire le sang d'enfants dans le pain azyme. C’est pour cette raison qu’il devra abandonner son projet de soutenir une thèse à la Sorbonne.
Chatillon fait profiter ses amis de ses contacts au sein du régime syrien et invite la fine fleur des milieux complotistes à se rendre à Damas. Il organise notamment en 2006 un voyage au Liban et en Syrie en compagnie d'Alain Soral et de Dieudonné, ainsi qu'un autre voyage de presse en août 2011, aux côtés de Thierry Meyssan, l'animateur complotiste du Réseau Voltaire. Ce dernier vit et agit d’ailleurs à Damas. Sans surprise, il s’attèlera rapidement à dénoncer une tentative de déstabilisation menée par l’Otan, le Qatar et l’Arabie saoudite, pour assurer la « domination sioniste » de la région.
Chatillon mélange en permanence l’activisme politique et les affaires. Il fonde une nébuleuse de sociétés commerciales qu’il mettra ensuite au service du Front National puis du Rassemblement National. Chatillon lui-même devient un proche conseiller de Marine Le Pen, (comme le montre précisément le livre de Destal et Marine Turchi. « Marine est au courant de tout »)
Chatillon dans une manifestation de soutien au régime Assad
Sa société principale, nommée Riwal, élargit ses activités, notamment avec sa filiale Riwal Syria, « spécialisée dans la promotion des sociétés privées et des institutions publiques syriennes en France ». L'agence crée notamment le site du ministère du tourisme syrien. En décembre 2009, Riwal Syria réalise ainsi une campagne pour le ministère syrien du tourisme, en faisant tourner à Paris un car portant le slogan « Syrie, une nouvelle aire ».
En juin 2011, trois mois après le début de la révolte et des manifestations contre Assad, Chatillon lance le site InfoSyrie, présenté comme « organe de réinformation » c’est à dire de propagande pro-régime. Il le fera durer pendant un an, avant de poursuivre son activité sur Facebook.
En mars 2016, Chatillon figure également dans la délégation française reçue par Bachar Al-Assad, qui mêle des députés Les Républicains (dont déjà Thierry Mariani qui rejoindra ensuite le RN) et des figures d'extrême droite.
Cet attrait de l’extrême droite pour le régime Assad n’est évidemment pas uniquement français. En 2005, David Duke, ancien dirigeant du Klux Klux Klan, promoteur de théories racistes et négationnistes, antisémite enragé et futur soutien de Trump, était invité en grand pompe à Damas où il a prononcé un discours antisémite en s’attaquant aux “sionistes qui occupent New York et à l’État d’Israël“. Ce discours a été retransmis par la télévision syrienne. Il déclarait “En Amérique et partout dans le monde, il n’y a que les sionistes pour vouloir la guerre et non la paix”, dans un discours qui voulait illustrer la convergence entre son idéologie de la suprématie de la race blanche et une certaine rhétorique « antisioniste » dans le monde arabe. “Cela me fait mal de vous dire qu’une partie de mon pays (USA) est occupée par les sionistes, tout comme une partie de votre pays, le Golan, est occupée par les sionistes. Les sionistes occupent la plus grande partie des médias américains et contrôlent pour une large part le gouvernement américain“, ajoutait-t-il.
Contre les musulmans, l’axe « civilisationnel » Bachar-Poutine
Avec le début du soulèvement de la population syrienne contre le régime de Bachar en Mars 2011, le soutien de l’extrême droite internationale s’approfondit et change de dimension.
Sa mouvance s’oppose à la vague des révolutions qui se développent à partir de 2011 dans les pays arabes. Pour ceux qui méprisent aussi violemment les populations arabes et musulmanes, seuls des dictateurs sont à même de “mater” les populations qui réclament la justice et la démocratie.
Depuis le début du conflit en Syrie, Bachar Al-Assad attire les courants d'extrême-droite en Occident, au point d'en être devenu l'un des symboles. On a ainsi trouvé ses portraits chez les responsables de l’émeute suprémaciste de Charlottesville en 2017, au côté de portraits de Hitler.
La vision de l'extrême-droite occidentale du conflit syrien est qu'il y a un régime qui impose l'ordre et la stabilité face à des « indigènes ». Assad représente dans cet imaginaire collectif une figure centrale, il est devenu l'un de leurs modèles. Ils le défendent face aux protestations dues à la politique répressive du régime et à ses massacres, qui sont niés ou relativisés.
Au sein de l’Union européenne, les exemples sont légion. “Poutine et Assad sont de notre côté”, déclare en novembre 2016 Paul Nuttal, alors leader de l’UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni), le parti de la droite nationaliste et xénophobe de Nigel Farage.
Il est loin d’être le seul : les néos-nazis d’Aube dorée en Grèce, les fascistes de Forza Nuova et Casa Pound en Italie, mais aussi les ultra-nationalistes polonais, espagnols ou belges affichent tous leur soutien au régime Assad.
À la fin août 2019, le groupe néo-fasciste italien Casa Pound visitait ainsi en grande pompe la ville syrienne d’Alep, assiégée et bombardée par le régime et l’aviation russe, puis reconquise par eux en 2016. Le ministère du tourisme syrien a alors salué sur sa page Facebook cette « délégation italienne » en publiant une photo mettant en avant le drapeau de ce groupe.
C’est avec beaucoup d’intelligence, voire de machiavélisme, que Damas a fait évoluer sa propagande au cours du conflit, pour séduire les pans de l’extrême droite occidentale. Ces dernières années d’autres groupes fascistes et d’extrême droite en Europe se sont rendus en Syrie pour exprimer leur soutien au régime de Damas, comme par exemple en juin 2013, Nick Griffin, le leader du British National Party (BNP), ou des fascistes polonais du groupe Falanga . Ces derniers, venus en « mission de solidarité », ont d’ailleurs rencontré à l’époque le premier ministre et le ministre aux affaires étrangères syriennes.
L’European Solidarity Front regroupement d’organisations fascistes de toute l’Europe (National Rebirth of Poland, Casa Pound d’Italie, Black Lilly de Grèce, etc.) a organisé de nombreuses manifestations et conférences en faveur du régime syrien. Ce Front s’affirme notamment « ouvert à tous ceux qui aiment la Syrie, et soutiennent la solidarité avec le président Assad, la nation syrienne et son armée ». Les fascistes grecs de Black Lilly ont également été accusés d’avoir envoyé des militants en Syrie pour combattre militairement aux côtés des forces du régime syrien.
Depuis le début du conflit syrien, au-delà de la propagande, c’est l’image elle-même du régime qui a permis de regrouper ces nouveaux partisans. Bachar est devenu pour eux un symbole à défendre, d’autant plus qu’ils le voient comme un homme assiégé par ceux dont ils estiment qu’ils sont leurs ennemis : les islamistes et les « mondialistes »
Mais le régime ne se contente pas de l’appui des groupes de l’extrême-droite la plus radicale.
Il désire obtenir l’appui actif des “grands” partis d’extrême-droite, dotés d’une représentation parlementaire, ainsi que des fractions de la droite dure pro-Poutine à la lisière de celle-ci. Le Front national français joue un rôle important dans cette stratégie. “J’ai dit dès le début du conflit syrien, et j’étais la seule à l’époque, que contribuer à la chute de Bachar Al-Assad c’est permettre à l’EI [groupe État islamique, Daech] de gouverner la Syrie”, déclarait Marine Le Pen, alors candidate à l’élection présidentielle, dans un entretien accordé en février 2017 au quotidien libanais L’Orient-Le Jour. Elle savait parfaitement à quoi s’en tenir, en raison de sa proximité avec Frédéric Chatillon, ami et organisateur de sa campagne et en même temps relais du régime syrien (voir ci-dessus)
Une partie de la droite française n’a pas tardé à reprendre les arguments du FN, en les adaptant à sa propre posture politique. Contrainte de reconnaître les violations grossières des droits de l’homme par le régime syrien, elle a donc recours à la théorie du “moindre mal” puisqu’en face d’Assad on ne trouverait selon elle que les djihadistes de Daech.
Dans ce but l’opposition syrienne doit est ignorée ou stigmatisée comme djihadiste. La chute de la ville d’Alep en décembre 2016, suite à une offensive du régime et de ses alliés, a nourri les discours des pro-Bachar, applaudissant ainsi une “victoire” de Damas et de Moscou contre “les terroristes”. Quelques semaines plus tard, c’était au tour d’une délégation du mouvement d’extrême droite française du Rassemblement National (ex FN), emmenée par Thierry Mariani, de se rendre en Syrie et de rencontrer Bachar Al-Assad. Le magazine français d’extrême droite Valeurs actuelles décrivait cette visite comme « Une manière, pour le parti de Marine Le Pen, d’exprimer son soutien envers le régime de Damas et de le féliciter pour sa lutte contre le terrorisme islamiste ».
L’homme clé de cette stratégie de soutien est Thierry Mariani. Cet ancien ministre de Sarkozy, de 2010 à 2012, s’est toujours situé dans l’aile la plus droitière de l’UMP puis de LR. Il a basculé officiellement vers le RN lors des élections européennes de 2018, ce qui lui a permis de devenir eurodéputé et de donner un nouvel élan à ses activités.
Mariani avec Assad à Damas
Son regroupement au sein de l’UMP/LR, dénommé « la Droite Populaire », était déjà ouvert aux positions racistes et xénophobes du FN. Il a lui-même présenté de nombreux projets législatifs durcissant le statut des immigrés.
Mariani a aussi rapidement représenté la pointe du lobby de soutien à Poutine. Il a ainsi défendu l’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014 et y a organisé en juillet 2015 un voyage de députés français afin d’affirmer cet appui. C’est cette même méthode des voyages qu’il utilise pour organiser un front de soutien au régime syrien. Ces déplacements constituent autant de pèlerinages qui sont destinés à marteler des éléments de propagande bien rodés : le régime Assad est stable, il a vaincu Daech et les djihadistes, l’ordre règne à Damas. L’eurodéputée RN Virginie Jorion déclarait ainsi en septembre 2019, au retour d’une visite à Damas, sous la houlette de l’incontournable Mariani, qu’elle se sentait plus en sécurité à Damas qu’à Paris.
Mariani a été promu tête de liste RN pour les élections régionales de juin 2021 dans la région PACA. C'est un signe important car cette région C'est là que se sont présentés Jean-Marie Le Pen puis Marion Maréchal. C'est là que s'est nouée dès 1986 la première alliance électorale entre la droite de Jean-Claude Gaudin et le FN de Jean Marie-Le Pen.
Pour la défense de la chrétienté : une instrumentalisation mensongère.
L’arme cruciale utilisée par l’extrême-droite afin d’élargir l’acceptation du régime syrien s’appuie sur l’instrumentalisation de la défense des chrétiens d’Orient. Cette manipulation a été mise en place, dès 2011 par les services de propagande syriens eux-mêmes, autour notamment de la figure de la Mère Agnès-Mariam de la Croix. Celle-ci est chargée de porter la bonne parole du régime et de manipuler les journalistes étrangers. Elle a été mise en cause dans la mort du journaliste français Gilles Jacquier, tué à Homs en janvier 2012. Celui-ci a sans doute payé de sa vie le fait d’avoir échappé au contrôle des services de renseignements. Ces derniers scrutaient attentivement le déroulement de sa visite, en coopération avec la religieuse qui avait joué les intermédiaires
Cet axe de propagande, imaginé par le régime, s’est trouvé décuplé par la mise en place en France de l’organisation SOS Chrétiens d’Orient. Celle-ci a réussi le tour de force de réunir toutes les familles de l’extrême droite française autour d’une même cause, puisqu’on y trouve pêle-mêle, des identitaires, des anciens de l’Œuvre Française, de nombreux cadres du RN et des catholiques intégristes
SOS Chrétiens d'Orient (SOS CO) a été fondée en 2013 par Charles de Meyer et Benjamin Blanchard. Le premier est un ancien assistant du député d'extrême droite Jacques Bompard. Il est maintenant assistant parlementaire de l'eurodéputé RN Thierry Mariani dont on a déjà noté le rôle central. Benjamin Blanchard est un ancien collaborateur de l’eurodéputée du Front national Marie-Christine Arnautu et également animateur sur Radio Courtoisie. Les deux fondateurs se seraient rencontrés lors d’une garde à vue en avril 2013, dans le cadre d'une action de la Manif pour tous.
Un businessman, nommé Olivier Demeocq, organise leur premier voyage en Syrie, grâce aux contacts de son ami Frédéric Chatillon, dont nous avons décrit ci-dessus l’implantation ancienne auprès de la dictature des Assad. Demeocq a depuis rompu avec eux, en critiquant la manipulation de leur prétendue action humanitaire. De 2014 à 2018, leurs collectes annuelles de dons passent de 1 à 8 millions d’euros
Leur entreprise trouve un écho particulier chez les jeunes de la droite catholique radicale, déçus par l’échec de la Manif pour tous et l’adoption du mariage pour tous. Au moment où « la France leur paraît atteinte par le double mal du sécularisme libéral et de l’islam, les chrétiens d’Orient leurs offrent un témoignage de martyrs sous le joug de l’islamisme, un modèle de christianisme authentique pour le rétablissement de l’ordre moral en France ainsi qu’un récit donnant un sens providentiel à l’histoire nationale de la France », analyse le chercheur Alexis Artaud de La Ferrière, dans Les cahiers de l’EMAM.
L'hebdomadaire chrétien La Vie affirme aussi que « les dirigeants et fondateurs [de SOS Chrétiens d'Orient] sont tous des jeunes issus de la droite catholique identitaire. L’association traditionnelle de l’Église chargée de défendre les chrétiens d’Orient (l’Oeuvre d’Orient) se prononce dans le même sens.
SOS CO se revendique "apolitique". Mais elle faisait partie des partenaires de la "Convention de la droite" organisée par l'ancienne députée frontiste Marion Maréchal en septembre 2019 et au cours de laquelle Eric Zemmour prononce un discours de guerre civile et religieuse.
L’essentiel des fonds importants de SOS Chrétiens d’Orient proviennent de particuliers et de paroisses catholiques. Mais deux députés et une sénatrice du parti Les Républicains lui ont néanmoins apporté 16 000 euros en 2016, en puisant dans les fonds de leur « réserve parlementaire » avant que celle-ci ne soit supprimée.
Le député Alain Marsaud (Les Républicains) a signé un chèque de 8000 suivi de Jean-Frédéric Poisson, l’ancien président du parti chrétien-démocrate de Christine Boutin avec 5 000 euros et enfin Joëlle Garriaud-Maylam qui représentait les Français de l’étranger et a versé 3 000 euros à l’ONG. Poisson, ancien candidat à la primaire de la droite en 2016, est un soutien de Assad et s’est rendu à Damas pour le rencontrer. Il est également connu pour ses propos antisémites.
Mediapart a révélé dans une enquête approfondie les liens matériels de SOS CO avec le régime syrien. Il s’agit notamment d’opérations de communication avec divers personnages de l’entourage d’Assad et avec des dignitaires chrétiens locaux, connus pour leurs turpitudes financières.
Pire encore, SOS CO soutiendrait des milices armées qui combattent pour Bachar Al-Assad et ont commis des exactions dans la région de Hama. C’est d’autant plus choquant que l’association a été considérée pendant plusieurs années comme partenaire de la Défense nationale par le ministère français des armées. Les révélations qui se sont accumulées à son propos ont contraint le ministère à mettre fin à cette collaboration.
Au total, c’est avec beaucoup d’habileté que le régime syrien a fait évoluer sa propagande au cours du conflit, pour séduire les pans de l’extrême droite et de la droite radicale occidentales. Celles-ci ont joué leur rôle dans la défense d’un régime mis en cause pour ses atrocités mais qui a finalement réussi à échapper à de réelles sanctions, grâce à son alliance avec la Russie qui lui garantit un veto automatique face aux velléités de condamnation de l’ONU.
Ainsi depuis le début de la révolution syrienne, Damas est devenue un lieu de pèlerinage pour toutes les mouvances de l’extrême droite mondiale, et plus particulièrement européenne
On pourrait résumer cet attrait en quatre points, selon le politologue Ziad Majed : “Il s’agit d’abord d’une fascination pour la violence, pour cette puissance sans limite d’Assad qui s’abat contre des gens qui méritent d’être punis. La deuxième raison est qu’ils considèrent Assad comme ‘leur blanc’. C’est ‘le suprémaciste blanc syrien’ qui vient châtier des ‘indigènes’. Troisièmement, Assad est celui qui massacre des musulmans, ce qui, pour les racistes/islamophobes, est quelque chose de bien. Enfin, et surtout, il est l’allié de l’un des ‘prophètes de l’extrême droite : Vladimir Poutine’”, analyse le chercheur. “Cette internationale nationaliste autoritaire est unie autour de la figure de Poutine, qui est hostile à ce qu’elle appelle le mondialisme et souvent unie par les questions d’identité”
L’engagement massif de l’extrême-droite au côté du régime syrien représente un défi que le mouvement de solidarité affronte avec difficulté, en raison des confusions qui règnent au sujet de la Syrie dans le camp de la gauche.
Le positionnement d’une partie de celle-ci témoigne d’une porosité manifeste à la propagande du régime et de son soutien russe. Une grille de lecture se réclamant d’un "anti-impérialisme" frappé de strabisme aboutit ainsi à privilégier l’axe Assad-Poutine-Iran face à un complot occidental qui serait déterminé par le pétrole et le gaz. On n’est guère éloigné de la géopolitique à la sauce complotiste. Jean-Luc Mélenchon va jusqu’à déclarer qu’il fait confiance à Poutine pour « régler le problème » des djihadistes, auxquels il assimile d’ailleurs les habitants de la Ghouta , bombardés par le gaz sarin du régime.
On aboutit ainsi à une confusion dont le seul bénéficiaire est un régime qui maîtrise parfaitement les différents registres lui permettant d’atténuer l’horreur de ses actes, voire de les justifier.
C'est pourquoi en ce dixième anniversaire, nous appelons plus que jamais à un grand mouvement de solidarité avec la population syrienne et son aspiration maintenue à la liberté et la justice
MEMORIAL 98
Textes et articles de Memorial 98 sur la Syrie ( sélection)