mardi 29 décembre 2015

Négationnisme au Japon: le long combat des " Femmes de réconfort":


Statue symbole des "femmes de réconfort" devant l'ambassade du Japon à Séoul. Depuis 1992, les dernières survivantes de ces abus sexuels se réunissent à cet endroit, chaque mercredi, avec le soutien d'associations.


Mise à jour du 1er février 2019: Hommage éternel à Kim Bok-dong, combattante de la justice


Hommage à la mémoire de Kim Bok-dong, ancienne esclave sexuelle de l'armée japonaise et combattante de la mémoire de ce crime, décédée le 28 janvier.
Ses obsèques ont donné lieu à une mobilisation importante, le cortège funéraire est passé devant l'ambassade du Japon afin de protester contre le refus des autorités de ce pays de présenter des excuses circonstanciées, de reconnaître l'esclavage sexuel qui a été imposé à ces femmes et de verser de réelles réparations.
Kim a souvent participé à ces manifestations et n'a jamais cessé de s'engager pour la justice à l'égard des victimes, dont elle faisait partie. Elle a subi une véritable calvaire à partir de 14 ans quand elle fut "réquisitionnée" au domicile de ses parents. Elle a également souffert cruellement après la guerre de ne pas pouvoir raconter ce qu'elle avait subi.

Nous avions déjà mentionné son nom car elle symbolisait la lutte des anciennes " femmes de réconfort" pour la justice et la dignité ( voir ci-dessous) . 
L'exigence demeure: le gouvernement japonais doit reconnaître la gravité du viol et de l'esclavage de ces femmes, s'en excuser  et verser des indemnités adéquates, comme le réclame l'ONU

 

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Japon et Corée:  un accord limité et ambigu à propos des " Femmes de réconfort".

Rappelons d'abord que ce terme constitue un euphémisme employé au Japon à propos des victimes du système d'esclavage sexuel de masse organisé à travers l'Asie par  l'armée et la marine impériales japonaises, durant la Seconde Guerre mondiale. L'emploi de ce terme est fortement contesté par les associations de victimes coréennes et féminines qui exigent du gouvernement japonais des excuses formelles et des réparations, et préfèrent le terme clair d'esclavage sexuel. Le nombre de femmes victimes de ces viols répétés et de l'enfermement dans des maisons closes est estimé à  à  plus de  200 000 au total, en comptant les Coréennes qui fournirent le contingent forcé le plus important, les Chinoises, les Japonaises, les Philippines, les Taïwanaises, les Birmanes, les Indonésiennes, les Néerlandaises et les Australiennes.
On nous annonce donc un accord comprenant des excuses officielles du Japon et une indemnisation pour les 46 femmes coréennes survivantes. Mais ces survivantes ne demandent pas forcément de l’argent, elles veulent surtout des excuses claires et nettes du gouvernement japonais, qu'elles n'ont toujours pas reçu.
On pourrait penser que c’est aujourd’hui le cas. Le problème c’est que par le passé, il y a déjà eu des excuses japonaises, toujours plus ou moins floues, elles étaient ensuite affaiblies par les déclarations de politiciens japonais. Ceux-ci remettent en question le caractère forcé de ces viols ou même l’existence d’esclaves sexuelles : c’est ce qu’avait dit par le passé celui qui est aujourd’hui le Premier ministre du Japon et signataire de l'accord, Shinzo Abe. 
                                         manifestation de soutien aux "femmes de réconfort" à Séoul en juillet 2015

D'ailleurs l’argent que vont recevoir ces femmes ne leur sera pas versé directement par l’État japonais mais via une fondation que Séoul va créer. De l’argent versé directement constituerait une « réparation » et donc une reconnaissance officielle. Or, le Japon a encore insisté aujourd’hui : il ne s’agit pas d’une « réparation » mais d’une « aide ». 
 Kim Bok-dong, 87 ans et ex-«femme de réconfort», attend des excuses officielles du Japon


Au total cet accord à caractère diplomatique ne constitue pas une reconnaissance franche et définitive de ce qui a constitué une des facettes du fascisme japonais. On notera que l'accord est signée par une présidente sud-coréenne, Park Geun-Hye , qui cherche à récrire les livres scolaires d'histoire afin de glorifier le régime dictatorial de son père. De nombreuses mobilisations ont lieu récemment à ce sujet en Corée du Sud. De l'autre côté le premier ministre japonais Abe est connu pour sa proximité avec les milieux négationnistes ,qui dans son pays nient les crimes de guerre commis à l'encontre des populations de la région. Il met en cause  la repentance. Il a d'ailleurs déclaré  plusieurs fois que les femmes contraintes à se prostituer pour l'armée impériale au cours de la seconde guerre mondiale "n'avaient pas été victimes de coercition" comme nous l'avions relevé dès 2007.
Le combat héroïque des survivantes et de ceux qui  se mobilisent à leurs côtés se poursuit afin d'obtenir une reconnaissance pleine et complète et une réparation des crimes commis à leur encontre. Nous leur rendons hommage et leur apportons notre soutien, contre l'impunité et le négationnisme.

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Mise à jour spéciale du 27 décembre 2017 ( voir aussi les autres mises à jour )

                                 Protestation en solidarité avec les femmes de réconfort

 

C’est une victoire de la mobilisation des femmes et associations de Corée. Le gouvernement revient sur l’accord honteux conclu avec le Japon, il y a deux ans jour pour jour. Il a pointé le 27 décembre les lacunes de l'accord conclu en 2015 avec Tokyo sur les "femmes de réconfort", les esclaves sexuelles de l'armée impériale nippone.

En décembre 2015, la Corée du Sud et le Japon avaient conclu un accord "définitif et irréversible" aux termes duquel le Japon offrait ses "excuses sincères" et versait 7,5 millions d'euros de dédommagements à une fondation afin d'aider les "femmes de réconfort" sud-coréennes toujours en vie (voir ci-dessous). 
Mais cet accord, conclu par le gouvernement conservateur de l'ex-présidente Park Geun-Hye depuis destituée suite à d’importantes manifestations, avait été critiqué par l'opinion sud-coréenne.  L'actuel président de centre-gauche Moon Jae-In s'était engagé lors de sa campagne électorale  à le réévaluer. 
L'équipe spéciale chargée de l'étudier a conclu mercredi que l'accord avait été précipité. 
"L'accord a été finalisé (...) sans prendre suffisamment en compte l'opinion des victimes dans le processus de négociations", peut-on lire dans le rapport de cette équipe. 
La ministre sud-coréenne des Affaires étrangères, Kang Kyung-wha, a présenté ses excuses au sujet de cet accord, le jugeant "blessant" pour les victimes car  il ne "reflétait pas" leur opinion (voir ci-dessous sur le rejet de cet accord)
La ministre a ajouté que Séoul "prendrait en compte les éventuelles conséquences sur les relations avec le Japon en déterminant avec prudence sa position", mais elle n'a pas dit que son pays allait sortir de cet accord. 
Le Japon a exhorté la Corée du Sud à respecter l'accord de 2015. 
"La position japonaise demeure inchangée, et nous demandons que le gouvernement sud-coréen respecte l'accord", a déclaré à l'AFP le ministère japonais des Affaires étrangères. 
Ce négationnisme maintenu des autorités japonaises  sur les crimes sexuels de l'armée se traduit également dans la difficulté des femmes japonaises à faire reconnaître des viols à leur encontre. L'affaire de la journaliste Shiori Ito est révélatrice: elle se bat pour la reconnaissance du viol dont elle a été victime de la part d'un proche du Premier ministre. Elle alerte sur la complaisance des autorités et de la police à l'égard de ces crimes. L'impunité représente un encouragement à commettre de nouvelles violences.


Mise à jour du 14 juillet 2017
 
Le 5 juillet, la Corée du Sud a rendu publique une vidéo qui pourrait être la première montrant celles que l’on a longtemps appelées par euphémisme « les femmes de réconfort » . Seules des photographies de cet épisode étaient connues jusqu’à aujourd’hui. L’extrait vidéo, qui aurait été tourné par un soldat américain en 1944, a été découvert par des universitaires coréens après deux ans de recherche dans les archives américaines.


Actualisation du 8 janvier 2017


Un moine bouddhiste sud-coréen s'est immolé par le feu afin de protester contre les agissements de la président coréenne; il a qualifié Mme Park de «traître» pour avoir conclu en 2015 un accord avec le Japon en 2015 sur les «femmes de réconfort» (voir ci-dessous)
Nombre de Sud-Coréens voient dans cette question le symbole des abus et violences commis par le Japon durant sa domination coloniale, de 1910 à 1945. Ceux qui sont hostiles à l'accord estiment qu'il ne va pas assez loin et que Tokyo n'assume pas suffisamment ses responsabilités.


Actualisation du 6 janvier 2017 
Nouvelle provocation du gouvernement japonais contre la mémoire des "femmes de réconfort"

Quelques jours après la cérémonie avec Obama à Pearl Harbor, organisées pour les victimes de l’attaque surprise japonaise en 1941, le Premier ministre Shinzo Abe provoque un incident diplomatique en rappelant son ambassadeur en Corée. Il manifeste ainsi son mépris du sort des "femmes de réconfort" . 
Abe prend pour prétexte qu’une statue à la mémoire des esclaves sexuelles de l’armée impériale japonaise a été réinstallée devant le consulat japonais de Busan en Corée du Sud.

Cette réinstallation de la statue est une protestation coréenne qui s’explique par la visite récente de la ministre japonaise de la Défense Tomomi Inada au sanctuaire de Yasukuni à Tokyo où sont honorés, parmi les morts, des criminels de guerre japonais.
Cette ministre, connue pour son négationnisme à l'égard des responsabilités de son pays  et protégée de Shinzo Abe, s’était rendue à Yasukuni à son retour de la cérémonie Pearl Harbour, montrant ainsi que cette cérémonie représentait une démarche formelle et hypocrite.
Le gouvernement Abe estime que la page de la mémoire des crimes de guerre japonais  est  tournée et ne comprend pas pourquoi une nouvelle statue a été érigée à Busan.
Mais comme nous l'avons expliqué, l’accord signée avec la Corée avait été mal perçu par les survivantes, qui n’avaient pas apprécié que le Japon parle, au sujet de la somme, versée d’ « aide » et non de « réparation ». Et la visite de la ministre japonaise de la Défense au sanctuaire Yazukuni a décidé  le gouvernement coréen à autoriser la statue de Busan, qu'elle avait d'abord fait enlever, dans le contexte de la destitution de la présidente corrompue Park Geun-hye .
Ainsi il ne s'agit donc pas de "bisbilles diplomatiques" ainsi que l'explique la presse française, mais bien d'une exigence fondamentale de justice des femmes victimes de tortures terribles dans le cadre de la 2e guerre mondiale. 
Nous renouvelons notre soutien à leur combat.

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Mises à jour et actualisations


Actualisation du 9 décembre 2016

Lors des immenses manifestations réclamant le départ de Park Geun-hye, l'accord humiliant signé par cette dernière avec le Japon a été mis en cause.
La déchéance votée par le Parlement contre la présidente va donc conduire à rouvrir ce dossier et, espérons-le, à imposer les revendications des "femmes de réconfort " et de ceux qui les soutiennent.

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Actualisation 27 mai 2016:

A l'occasion de la visite de Barack Obama à Hiroshima:
Le bombardement nucléaire qui a frappé cette ville ainsi que Nagasaki a été une horreur et des excuses seraient bienvenues. De même que des excuses du gouvernement japonais à l'égard des atrocités commises contre les "femmes de réconfort" 

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Actualisation du 30 décembre:
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté ce mercredi 30 décembre devant l'ambassade du Japon à Séoul. Elles comptaient dénoncer l'accord conclu entre les gouvernements coréen et japonais et qu'elles considèrent "humiliant".
Parmi les manifestants figuraient plusieurs de ces Sud-Coréennes qui furent les esclaves sexuelles de l'armée impériale  pendant la Seconde Guerre mondiale et qui ont promis de continuer à se battre pour obtenir justice.
L'accord a outré nombre de ces "femmes de réconfort" notamment parce que le Japon n'a pas endossé la responsabilité officielle des atrocités commises par son armée. Tokyo a présenté en outre le versement d'un milliard de yens comme une "aide", et non comme une" réparation formelle"  formelle.

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"Le combat continue", a déclaré Lee Yong-Soo, victime et combattante dont nous avions salué la lutte dès 2007, lors de la manifestation en face de l'ambassade du Japon à Séoul, qui est le théâtre depuis des années de rassemblements hebdomadaires sur ce thème. "Nous continuerons de nous battre pour que le Japon endosse la responsabilité juridique afin de rendre justice aux victimes déjà décédées", a ajouté Mme Lee, 88 ans.
Le rassemblement de mercredi a débuté par un hommage très solennel aux neuf "femmes de réconfort" décédées cette année, avant que les manifestants ne scandent des slogans hostiles au Premier ministre japonais Shinzo Abe. Certains brandissaient des pancartes dénonçant l'engagement pris par Séoul de déplacer la statue symbolisant le combat des "femmes de réconfort" et installée juste en face de l'ambassade. Selon un récent sondage, 66% des Sud-Coréens étaient hostiles au déplacement de la statue qui symbolise ce combat.
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