Cette nouvelle loi, proposée à l'origine par le député PS Gilles Savary, a été adoptée à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée Nationale le 17 décembre 2015, sans grande publicité.
Son objet ? La prévention et la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, selon l'intitulé officiel du dossier de l'Assemblée nationale.
Cela vaut le coup de se pencher sur les différentes mesures contenues dans cette loi.
Par où commencer ? Peut-être par la disposition la plus en lien avec l'instauration de l'état d'urgence et le climat sécuritaire et raciste qui va avec, l'enquête administrative sur les agents des entreprises de transports en commun. Les journaux la présentent comme le moyen pour la SNCF et la RATP (et exclusivement pour ces entreprises, en l'état actuel de la loi) de vérifier si leurs agents affectés à des missions sensibles ne font pas l'objet d'une fiche S. Mais la loi est formulée bien différemment : "Le recrutement ou l’affectation du personnel au sein de SNCF, de
SNCF Mobilités, de SNCF Réseau ou de la Régie autonome des transports
parisiens peut être précédé d’enquêtes administratives destinées à
vérifier que le comportement des intéressés n’est pas incompatible avec l’accomplissement de leur mission". Ce sont donc bien tous les salariés qui sont concernés, et c'est, de manière très large, le "comportement" des salariés qui est visé...
Une mesure qui existe de manière systématique pour les salariés de la sécurité dans les aéroports, qui doivent être habilités par la préfecture, et donne le prétexte aux employeurs de licencier à bon compte certains salariés qui revendiquent un peu trop ou n'ont pas la bonne origine...
C'est évidemment à mettre en lien avec les politiques de recrutement nationalistes à la SNCF, que des travailleurs immigrés marocains combattent depuis des décennies ; ou avec le dévoiement de la notion de la laïcité à la RATP. On imagine donc sans peine comment sera utilisée cette disposition envers les salariés, pour refuser une embauche ou un changement de poste, ou pour licencier...
Tout comme l'application des mesures
d'assignation à résidence ou de perquisitions duu très anti-démocratique état d'urgence touche
des militants des luttes sociales, et a conduit à de nombreuses erreurs
dramatiques dont les victimes en paieront les frais des années (soupçons
des voisins ou collègues, traumatisme pour soi et ses proches, perte
d'emploi, ...), ces dispositions auront des effets dévastateurs, à moins qu'en face, ne soit mené un réel travail pour informer, refuser les discriminations, soutenir ceux qui en seront victimes.
En même temps, de nouveaux pouvoirs seront donnés aux agents de sécurité des entreprises de transports, ainsi ils pourront être dispensés de porter l'uniforme, pourront constater par procès verbal le délit de vente à la sauvette, pourront procéder à une fouille visuelle des bagages, ainsi qu'à des palpations de sécurité. Ils pourront également non seulement faire descendre du véhicule les fraudeurs ou ceux qui refusent l'inspection des bagages ou la palpation, mais aussi leur en interdire l'accès. On imagine sans peine ce que l'application de telles dispositions peut donner concrètement à l'entrée d'une gare ou d'une station de bus d'une zone pauvre, rurale ou urbaine...
Les agents de police municipale sont ajoutés à la liste des personnes habilitées à constater les infractions et contraventions dans les transports.
En parallèle des dispositions renforçant les pouvoirs des agents de sécurité, pour les voyageurs, de nouvelles obligations et de nouveaux délits sont créés : alors qu'il n'existait jusqu'à maintenant aucune obligation en France de posséder une pièce d'identité (même si sa présentation est nécessaire pour un certain nombre de démarches), il devient obligatoire de présenter une pièce d'identité en cas de contrôle des titres de transports et d'absence de titre valable... Y compris pour les mineurs non accompagnés !
Le délit de fraude d'habitude est renforcé, puisque le délit est constitué à partir de 5 amendes non réglées dans l'année, au lieu de 10... Comme nous l'expliquions dans l'article Régionales 2015: Pécresse et la course à l'échalote raciste avec le FN autour de la gratuité des transports, la lutte contre la fraude est doublement coûteuse, par les dispositifs mis en place, et l'échec du recouvrement, puisque les fraudeurs sont très majoritairement pauvres. Peu importe, plutôt qu'une politique tarifaire permettant l'accès des précaires aux transports en commun, c'est encore une fois la solution sécuritaire qui est choisie. Les chargés de recouvrement pourront donc demander aux administrations publiques et aux organismes sociaux les noms, prénoms, date et lieu de naissance et adresse des fraudeurs, et les transmettre à l'autorité judiciaire en cas d'usurpation d'identité.
La seule disposition qui pourrait constituer une avancée, la lutte contre les violences faites aux femmes, fait doucement sourire : un rapport annuel sur le recensement et les actions de prévention et de lutte contre les violences sexistes dans les transports, et l'inclusion dans la formation relative à la sécurité des biens et des personnes, de la prévention des agressions envers les femmes... Est-ce que cela inclura des actions envers les agressions de femmes voilées, cibles combinées du racisme et du sexisme ?
Encore une fois, au prétexte de "sécurité", des mesures portant atteinte aux droits des salariés et des usagers sont prises, donnant de nouveaux pouvoirs aux employeurs sur leurs salariés, instituant une société où des décisions sont prises en fonction du "comportement" et non plus de faits objectifs avérés, renforçant le contrôle et l'exclusion des précaires.
Mais ce que la loi veut instaurer peut être mis en échec dans la vraie vie, dans les dépôts, les gares et les stations par les actions de solidarité et les réponses collectives qui seront développées.
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