samedi 6 octobre 2018

Prix Nobel de la paix: les viols de guerre en procès


 


Les prises de parole des lauréats lors de la remise du prix Nobel de la paix à Oslo le 10 décembre confirment le caractère historique de cette récompense.
C'est la reconnaissance d'un combat à poursuivre contre les violences faites aux femmes, contre la violence génocidaire, contre l'impunité.  

Lors de cette cérémonie, on pense au Prix Nobel de la Paix 2010 le chinois LIu Xiabo, qui n' a jamais pu recevoir son prix car il était emprisonné par la dictature. Il est mort en détention en juillet 2017.
                                   
 Ce double prix Nobel représente un pas en avant pour la mobilisation contre les viols de guerre et plus généralement contre les violences faites aux femmes. Mais la tâche est encore immense afin d'éliminer ces actes de barbarie et de mettre fin à l'impunité de ses auteurs.

 Le prix Nobel de la paix 2018 pour Denis Mukwege et Nadia Murad.

Le médecin congolais et la femme Yezidie, violée et réduite en esclavage par Daech, sont récompensés pour "leur efforts pour mettre fin à l'emploi des violences sexuelles en tant qu'arme de guerre"
C'est un immense encouragement pour ce combat que nous soutenons totalement
Le prix Nobel récompense enfin le médecin qui a voué sa vie à l'engagement en faveur des femmes victimes de violences: d'abord en les soignant de manière novatrice et éthique mais également en alertant sur ces pratiques qui visent à terroriser, torturer et annihiler des populations. Les femmes ayant subis ces viols se retrouvent dans une situation terrible, liée à  leur souffrance et au trauma mais également à la stigmatisation dont elle font ensuite l'objet. Cet aspect est d'ailleurs recherché par leurs tortionnaires, de même qu'ils qu'ils planifient la naissance d'enfants issus de ces viols.

Le viol est utilisé comme arme de guerre lors de nombreux conflits et génocides et notamment dans la période récente dans le génocide des Tutsi au Rwanda et dans la guerre en ex-Yougoslavie.



 
Récemment en Birmanie, de très nombreux viols de guerre ont eu lieu de la part des militaires contre les femmes Rohingyas,dans le cadre de la terreur de l'épuration ethnique et des actions de génocide.  


Le Dr Mukwege est lourdement menacé par différents seigneurs de guerre et milices dans sa région de Panzi et il vit reclus à l'intérieur de l'hôpital, sauf pour ses déplacements internationaux.
Ainsi en juillet dernier il apportait son aide et ses connaissances aux femmes Yazidis ayant subi les viols et violences de Daech. Il était venu en Irak à la demande de l'ONG Yazda , qui, depuis 2014, soutient les femmes Yazidis traumatisées. Il s'agit d'une étape supplémentaire dans le combat universel contre les violences sexuelles comme arme de guerre.


L'attribution simultanée du prix à Nadia Murad rend hommage au souffrances subies par les femmes Yézidis .
Elle représente également un soutien au combat pour la reconnaissance par l'ONU du génocide des Yézidis , commis par Daech. Plusieurs institutions internationales et pays et se sont déjà prononcées dans ce sens, dont le Parlement européen et le Canada. La prise de position la plus émouvante est sans doute la résolution du parlement d'Arménie en janvier 2018, dans un pays qui se bat également pour la reconnaissance du génocide qui  l'a frappé.

 Cette reconnaissance a lieu alors que vient de se produire une grave remise en cause des acquis de la justice internationale concernant la responsabilité de ceux qui laissent commettre des viols de guerre.
Le chef de guerre  congolais Jean-Pierre Bemba avait été reconnu coupable le 21 mars 2016 par la Cour pénale internationale  (CPI, voir ci-dessous) pour des viols de guerre commis par ses troupes en Centrafrique.
Puis l'ancien vice-président congolais a été condamné, le 21 juin 2016 , à dix-huit ans de prison par la Cour pénale internationale pour ces crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Or, en appel devant la CPI, cette condamnation a été annulée le 8 juin 2018 en raisons d'erreurs de procédure et  de l'atténuation de sa responsabilité directe, alors même qu'il a été également condamné pour avoir corrompu et manipulé 14 témoins de sa défense. Les victimes de ces viols sont dans le désarroi et l'amertume car ce verdict surprenant met fin à leurs espoirs de reconnaissance et de réparation.


Le combat se poursuit plus que jamais contre cette barbarie.
   







18 juin 2017
 
Appel du Dr Mukwege à sanctionner l’utilisation du viol comme arme de guerre.

A l’occasion de la 2e Journée internationale  pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit, Denis Mukwege, gynécologue et Prix Sakharov 2014, réclame une action de l’Europe. Memorial 98 salue cet appel et renouvelle son soutien aux combats de l’éminent médecin et combattant pour les droits des femmes.
Sa prise de position est d'autant plus courageuse qu'il n'est plus protégé de manière permanente par les Casques Bleus de l’ONU, comme auparavant .
Il craint désormais non seulement pour sa vie, mais aussi pour celle de ses collègues et de ses patientes de l'hôpital de Panzi, où ces dernières sont accueillies.  
"On risque sa vie quand on soigne dans le Kivu". Désormais, Denis Mukwege ne bénéficie de la protection des Casques bleus que pour ses déplacements. Pourtant, dans le Kivu, la menace est permanente, témoigne le médecin : "Notre action gêne : nous soignons les victimes de la violence et de la barbarie dans le Kivu. Elles nous parlent, nomment leurs bourreaux [...] on risque sa vie quand on soigne dans le Kivu. Il n’y a pas d’État, de justice et de police pour nous protéger. Même les Casques bleus ne nous protègent plus."
D'ailleurs en avril dernier, la protection assurée par l'ONU à son collègue et collaborateur le Dr Gildo Byamungu lui avait été retirée. Quelques jours plus tard, le jeune médecin était retrouvé assassiné à son domicile.

Appel du Dr Mukwege:
" En zone de conflits, forces armées et bandes organisées violent femmes et filles, mais aussi hommes et garçons, dans le but de déplacer, punir et terroriser les populations civiles.
L’utilisation à grande échelle des violences sexuelles, tout comme celle des armes chimiques et des mines antipersonnel, est bon marché et terriblement efficace. Les violences sexuelles incluent viols collectifs, viols publics et l’insertion forcée d’armes et autres objets divers. Les victimes peuvent aussi bien être des vieillardes que des enfants et parfois même des nourrissons.
Après vingt ans de conflit armé violent, la République démocratique du Congo (RDC) peut témoigner des conséquences dévastatrices, parfois fatales, de l’utilisation du viol comme arme de guerre. De ces actes odieux découlent un traumatisme physique et psychologique à vie, la destruction des liens familiaux et la diffusion de maladies, alors que des communautés entières sont marquées profondément et à jamais.
L’utilisation du viol comme arme de guerre ne connaît pas de frontières. D’après les Nations unies (ONU) et certains observateurs indépendants, les violences sexuelles font parties de l’arsenal utilisé par les autorités syriennes pour obtenir informations et « confessions ».
Attirer l’attention
En Birmanie l’armée viole des femmes devant leur famille afin de provoquer le déplacement de villages entiers de la communauté Rohingya. Alors que l’emploi des violences sexuelles comme méthode de combat a suscité de plus en plus d’attention ces dernières années, celle-ci demeure faible et ces attaques ne font que rarement la « une » des journaux.

Au fil du temps, de nombreux types d’armes ont été interdits ou régulés afin de limiter pertes civiles et souffrances inutiles. En avril 1997, la Convention sur l’interdiction des armes chimiques est entrée en vigueur, non seulement interdisant l’utilisation des armes chimiques, leur fabrication et leur stockage, mais exigeant aussi la destruction des arsenaux existants sous la supervision d’experts internationaux.
Quelques mois plus tard, fin 1997, la communauté internationale prit la décision d’interdire également l’utilisation des mines antipersonnel avec la Convention d’Ottawa. Le déminage intégral devrait être achevé en 2025 et un monde sans mines antipersonnel serait alors à la portée de tous.
Quelles leçons tirer de ces processus pour mettre fin à l’utilisation des violences sexuelles, une autre méthode cruelle de combat largement répandue dans les zones de guerre du monde entier ?
Le processus d’interdiction des mines antipersonnel a montré que le premier pas pour mettre fin à l’utilisation de ces dernières a été d’attirer l’attention sur le problème. Dans les années 1980 et 1990, les chirurgiens et les organisations médicales sur le terrain ont été les premiers à exprimer leur préoccupation à ce sujet. Ils ont réussi à réunir différents acteurs et à créer une campagne mondiale contre ces armes cruelles.
Conventions juridiquement contraignantes
La deuxième étape pour l’élimination des mines antipersonnel et des armes chimiques a été de renforcer les normes au travers de moyens légaux et institutionnels. Les Etats ont développé des conventions juridiquement contraignantes, aujourd’hui reconnues de manière quasi universelle, et créé un régime de vérification.
La troisième phase a vu les États commencer à intérioriser l’interdiction des armes chimiques et des mines et modifier leur comportement en conséquence. Aujourd’hui, l’emploi de ces armes est extrêmement rare, il cause l’indignation mondiale et fait des pays qui les utilisent des parias sur la scène internationale. Ainsi, lorsque la Syrie a employé des gaz toxiques en avril, les États-Unis ont immédiatement réagi par des bombardements aériens et le Conseil de sécurité de l’ONU a tenu une réunion d’urgence.
Il n’existe pas de réponse similaire en ce qui concerne les violences sexuelles. En mai, le président de la République des Philippines, Rodrigo Duterte, a encouragé ses soldats à violer des femmes, allant jusqu’à dire qu’il en porterait la responsabilité. La réponse de la communauté internationale n’a pas été à la mesure de la gravité de la situation face à une telle déclaration de la part d’un chef d’Etat.
Néanmoins, les victimes sont de plus en plus nombreuses à s’exprimer pour attirer l’attention sur ce problème mondial si souvent négligé. Leur donner une tribune et écouter ce qu’elles ont à dire est une première étape cruciale pour éliminer les violences sexuelles en zone de conflit.
Dans un second temps, les gouvernements devront s’impliquer et développer des mécanismes pour s’attaquer au problème. Les pays européens ont la possibilité, la capacité et le devoir d’unir leurs efforts pour faire respecter l’interdiction d’utiliser les violences sexuelles, par exemple au travers de sanctions par l’Union européenne. L’engagement de tous est nécessaire pour marquer le début d’un monde où le viol comme arme de guerre n’est plus toléré."
21 juin 2016:

Verdict important: le chef de guerre Jean-Pierre Bemba avait été reconnu coupable le 21 mars dernier (voir ci-dessous) pour des viols de guerre commis par ses troupes, mais on ignorait encore la nature de sa peine. L’ancien vice-président congolais a été condamné, mardi 21 juin, à dix-huit ans de prison par la Cour pénale internationale pour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité. La procureure avait réclamé 25 ans de prison.

Riche homme d’affaires devenu chef de guerre, le Congolais a été jugé coupables des meurtres et viols commis par la la milice qu'il commandait en Centrafrique entre octobre 2002 et mars 2003. Dans ce pays où ils s’étaient rendus pour soutenir le président Ange-Félix Patassé face à une tentative de coup d’État menée par le général François Bozizé, quelque 1 500 hommes du Mouvement de libération congolais (MLC) ont tué, pillé et violé.
 C’est la première fois que la Cour condamne un chef militaire en vertu du principe de la « responsabilité du commandant », et qu’elle retient l’utilisation de viols et violences sexuelles en tant que crimes de guerre. Selon le verdict rendu en mars par la CPI, Jean-Pierre Bemba n’a pas pris « toutes les mesures nécessaires et raisonnables » pour éviter ces crimes alors qu’il disposait d’un « contrôle effectif » sur ses hommes.
Au lendemain de la première journée mondiale  de lutte contre le viol comme arme de guerre (voir ci-dessous) cette peine conséquente peut représenter un outil de dissuasion contre ces pratiques.

18 juin 2016 :

Aujourd'hui 18 juin, se déroule la première Journée mondiale de lutte contre le viol comme arme de guerre sous l'égide de l'ONU. La prise en compte du viol comme arme de guerre dans les conflits actuels est relativement récente: la résolution de l'Assemblée Générale de l'ONU date d'un an seulement. Le docteur Denis Mukwege alerte: les conflits ne durent qu'un temps alors que les viols peuvent avoir des répercussions sur des générations. « Le viol est une métastase » explique le praticien qui s'interroge : comment les enfants qui ont vu leurs parents subir une telle humiliation peuvent-ils se comporter normalement ?

 23 mars 2016:

Une victoire historique pour les victimes de violence sexuelles. 
 
"Aujourd'hui, le 21 mars 2016, la Chambre de première instance III de la Cour pénale internationale (CPI) a déclaré à l'unanimité Jean‑Pierre Bemba Gombo coupable au‑delà de tout doute raisonnable de deux chefs de crimes contre l'humanité (meurtre et viol) et de trois chefs de crimes de guerre (meurtre, viol et pillage)."
Le verdict de culpabilité rendu  par la Cour pénale internationale (CPI) lundi 21 mars contre Jean-Pierre Bemba représente un tournant historique dans la lutte en faveur de la justice et de l'obligation de rendre des comptes pour les victimes de violences sexuelles  dans le monde. Les milices de Jean-Pierre Bemba utilisaient le viol comme arme de guerre en Centrafrique (motif de la condamnation) et au Congo .
C'est la première fois que la CPI condamne quelqu'un pour le viol utilisé comme arme de guerre, et la première fois qu'elle prononce une condamnation fondée sur le principe de la responsabilité du commandant.
Cette décision de justice comporte un message clair : l'impunité pour violences sexuelles en tant qu'arme de guerre ne doit pas être tolérée. Elle souligne également que les commandants militaires et les responsables politiques doivent prendre toutes les mesures nécessaires afin d’empêcher leurs subordonnés de commettre des actes odieux et qu’ils seront tenus de rendre des comptes s'ils ne le font pas. 


MEMORIAL 98















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