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lundi 26 avril 2021

Sarah Halimi: combattre l'antisémitisme, refuser les manipulations

 


L’ampleur des mobilisations du dimanche 25 avril à Paris et dans de nombreuses autres villes témoigne d'une inquiétude et d'une colère forte, profonde et légitime, face aux nombreux crimes antisémites commis ces dernières années en France. 

Les Juifs de France, qui représentent moins de 1 % de la population, sont, selon les statistiques officielles, la cible d’un tiers des actes haineux recensés dans le pays.

De plus la minimisation récurrente de la dimension antisémite de ces crimes a renforcé la colère

Cela a été le cas pour le meurtre de Ilan Halimi, celui de Mireille Knoll et celui justement de Sarah Halimi.

Alors que Kobili Traoré était mis en examen depuis juillet 2017 pour « homicide volontaire » il avait fallu attendre la fin du mois de février 2018, après une seconde audition du suspect par la juge d’instruction, pour que le caractère antisémite de son acte soit retenu.  Or cette qualification était demandée depuis le début par  les parties civiles et le parquet.

 

Nous partageons au plus profond de nous-même la peine immense ressentie face à la mort de Sarah Halimi. Nous sommes ulcérés par l’attitude de la force de police alertée et présente sur place ce jour là et qui a fait preuve de passivité en laissant se dérouler les évènements tragiques.     

Mais il y a aussi d'autres aspects qu'il faut exposer. La colère de nombreux Juifs a été détournée et manipulée,  en partant d’une protestation contre les crimes antisémites et d’une volonté de solidarité avec Sarah Halimi, vers une mise en cause des décisions de justice, une stigmatisation des experts psychiatriques, des accusations graves contre les juges de la Cour de Cassation et des affirmations confuses et mensongères sur la consommation de drogues. 

Le président du Consistoire central israélite, Jöel Mergui, organisateur des rassemblements, écrit ainsi dans sa tribune du Monde le 23 avril  « La Cour de cassation en a jugé autrement, elle a fait prévaloir une lecture de la notion d’« irresponsabilité pénale » qui dispense l’assassin pétri d’idéologie islamiste d’un procès"

Oui, il est nécessaire de réagir mais ne laissons pas croire qu'il s'agissait d'un rassemblement organisé "à la mémoire de Sarah Halimi" Il s'agissait en réalité de contester la décision de justice en prétendant qu'elle avait dédouané un assassin par laxisme à l'égard d'un "salafiste" ayant tué une Juive.

En soi, contester les décisions de justice représente un droit démocratique. L'état de droit inclut le droit de contester la justice. Nous avons d'ailleurs souvent l'occasion de contester telle ou telle décision. Nous contestons les décisions d'expulsion de telle ou tel migrant, des décisions que nous estimons arbitraires contre un-e syndicaliste, un-e manifestant-e mais aussi la faiblesse des peines contre Soral et Dieudonné, ainsi que la non-exécution de ces peines.  Il en est de même en ce qui concerne le contenu des expertises médicales ordonnées par le justice  

Ainsi Maurice Papon fut condamné le 2 avril 1998 à une peine de dix ans de réclusion criminelle, d'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour complicité de crimes contre l'humanité par la cour d'assises. Mais ses amis veillent et il n’exécutera pas la peine à laquelle il a été condamné pour son rôle dans la déportation des Juifs de Bordeaux. 

C’est grâce à une loi de 2002 sur les détenus malades et à une expertise médicale mensongère que Papon sortit rapidement de prison dès le 18 septembre 2002. Il est libéré sur la base d'une "expertise " de médecins complaisants mandatés par la justice. Ces experts l'ont déclaré "grabataire"  et ont estimé que le « pronostic vital » du prisonnier était posé. Cette expertise a permis à "Papon-le-grabataire" de sortir seul et à pied de la prison, de rentrer sans encombre chez lui et d’y vivre tranquillement pendant près de 5 ans, jusqu’en Février 2007.

Plus près de nous la famille d’Adama Traoré tué en 2016 mène un combat déterminé contre des expertises visant à exonérer les gendarmes impliqués dans sa mort et a obtenu des résultats concrets

Mais ici il s’agit ici de bien autre chose : face à l’avis unanime de deux collèges successifs de psychiatres, la campagne en cours vise à faire croire à un double laxisme :

  -à l’égard de la consommation de cannabis : «  Il suffit de fumer un joint pour être exonéré de toute responsabilité ».  Ce mensonge est repris sans fin, y compris par Joan Sfar, sous la forme d'une pseudo-question naïve.

- à l’égard des états délirants. C’est le grand-rabbin de France lui-même, Haïm Korsia, qui se fait juriste et psychiatre en inventant une prétendue contradiction entre la reconnaissance du caractère antisémite du crime et l’abolition du discernement. Or les experts psychiatres ont répondu par avance à cette « énigme » en utilisant une image pertinente  « Nous dirions en résumé que Monsieur Traoré était au moment des faits, du fait de la prégnance du délire, un baril de poudre. Mais que la conscience du judaïsme de Madame Attali a joué le rôle de l’étincelle. » 

Notons que le rabbin Korsia avait déjà choqué en signant l’appel calamiteux contre le « nouvel antisémitisme » de Philippe Val.

 Suite au crime monstrueux qui a frappé Mme Sarah Halimi, et meurtri sa famille ainsi que toutes celles et ceux qui s'inquiètent crimes antisémites en France, de nombreux récupérateurs sont à l’œuvre et orientent la colère dans un sens délétère.

Ils tentent d'instrumentaliser les douleurs et les peurs légitimes afin de la dresser contre la décision judiciaire qui estime que le meurtrier relève de l’"abolition du discernement" en raison de son état délirant et qu'il ne peut donc pas être jugé.  

Car heureusement on ne juge pas les personnes relevant de la folie.

 A la manœuvre on retrouve des manipulateurs habituels :

- Gilles-William Goldnadel, éternel sous-marin du FN au sein de la population juive, avocat et défenseur officiel des fascistes de Génération Identitaire et propagandiste de Bachar El Assad 

- Meyer Habib, député des français de l'étranger et en même temps représentant quasi officiel de Netanyahou (Il ne s'agit pas ici d'une accusation de double loyauté, mais du positionnement politique explicite de ce député)

-Francis Szpiner, avocat, maire du 16e arrondissement de Paris et dirigeant LR, mêlé à toutes les combines judiciaires de la droite et qui lors du procès des assassins d'Ilan Halimi a empêché les organisations antiracistes de se constituer parties civiles.

Depuis des mois ils martèlent leurs accusations contre les juges et multiplient les contre-vérités.

Ils proposent maintenant d'organiser un procès par contumace du meurtrier délirant de Mme Halimi en Israël, comme s’il s’agissait d’un Adolf Eichmann, dont on vient tout juste de marquer le 60e anniversaire de l’ouverture du procès .

Et d’appeler à manifester contre la dernière décision judiciaire dans l’affaire Halimi, en prétendant qu'elle constitue une permission à "tuer des Juifs" ...

ll faut donc en revenir aux expertises successives.

Nous analysions déjà cet enchaînement en juillet 2018 :

 « Une nouvelle expertise psychiatrique a eu lieu dans le cas de Mme Sarah Halimi et entraîne de nombreuses interrogations et réactions.

Un des avocats de la famille proteste contre le principe même de cette nouvelle expertise. Or cette expertise collégiale ne remet pas en cause le caractère antisémite du crime mais considère que le coupable présumé présentait un état psychotique (c'est à dire délirant) au moment des faits. Dans ce cas, selon la loi, son discernement est considéré comme aboli et il ne peut pas être jugé. C'est un principe permanent qui a résisté aux nombreuses tentatives venues de la droite dure et de l'extrême-droite afin de le remettre en cause, au nom de la défense des victimes et de leurs familles.

Il est donc nécessaire de tenter de comprendre les analyses et appréciations des différents experts et d'éviter la confusion avec la détermination du caractère antisémite.

Par une ordonnance datée du 4 avril 2018 – date anniversaire du meurtre – les trois experts psychiatres ont été chargés de répondre notamment aux questions suivantes : « Dire si le sujet présente des anomalies mentales ou psychiques et dans l’affirmative, les décrire » et « préciser si l’intéressé était atteint au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli/altéré son discernement ou le contrôle de ses actes ».

« Oui », ont-ils répondu à la première question dans le rapport d’expertise psychiatrique de vingt-neuf pages que Le Monde a pu consulter dans son intégralité : « Kobili Traoré souffre d’un trouble psychotique chronique, vraisemblablement de nature schizophrénique, faisant suite à un épisode délirant aigu inaugural. Il souffre par ailleurs d’une addiction ancienne au cannabis ». Il dispose également d’une « personnalité pathologique antisociale » (incapacité à se conformer aux normes sociales, impulsivité, irritabilité, agressivité, irresponsabilité...) et d’une propension à la violence.

« Oui », ont-ils également tranché à propos de son discernement : il était « aboli ». Kobili Traoré est « inaccessible à une sanction pénale », affirment-ils, précisant que les soins seront « longs et difficiles » : « On ne peut que constater l’extrême dangerosité de ce patient que nous considérons, hélas, comme durable en dehors d’un milieu psychiatrique ».

Interné en hôpital psychiatrique depuis la nuit du drame,  Traoré est, depuis juillet 2017, mis en examen pour « homicide volontaire ». Mais il avait fallu attendre la fin du mois de février 2018, après une seconde audition du suspect par la juge d’instruction Ihuellou, pour que le caractère antisémite soit retenu. Ce que les parties civiles et le parquet réclamaient depuis des mois.

« Un préjugé se mue en haine délirante »

La première expertise, réalisée par le psychiatre Daniel Zagury, avait conclu que Kobili Traoré, sans antécédent psychiatrique, était atteint, au moment des faits, d’une « bouffée délirante aiguë » provoquée par une forte consommation de cannabis – une quinzaine de joints par jour, selon les déclarations du suspect. Selon Daniel Zagury, son discernement était « altéré » mais pas « aboli », un avis qui le rendait passible de poursuites pénales.

Le psychiatre avait également conclu que le crime de M. Traoré était un « acte délirant et antisémite ». Il indiquait dans une formule particulièrement problématique : « Aujourd’hui, il est fréquent d’observer, lors d’efflorescences [en psychiatrie, perte de contrôle lors d’une phase délirante] délirantes, chez  les sujets de religion musulmane (généralisation problématique sans aucune base scientifique NDLR) , une thématique antisémite : le juif est du côté du mal, du diabolique. Ce qui est habituellement un préjugé se mue en haine délirante. (…) Dans son bouleversement délirant, c’est l’incarnation du diable qu’il terrassait. »

Sur ces conclusions du Docteur Zagury, le collège de trois "nouveaux" experts déclare : « Nous sommes en plein accord avec le diagnostic d’état psychotique aigu et avec l’analyse qui est faite de la dimension antisémite du geste », même si, indiquent-ils, « nous ne pensons pas qu’elle a été déterminante dans le processus psychopathologique du passage à l’acte » : « Nous dirions en résumé que Monsieur Traoré était au moment des faits, du fait de la prégnance du délire, un baril de poudre. Mais que la conscience du judaïsme de Madame Attal a joué le rôle de l’étincelle. »

 Le seul  désaccord entre les deux expertises porte sur « les conséquences médico-légales de la consommation de cannabis » : « La particularité du délire aigu de Monsieur Traoré est le rôle possiblement déclencheur du cannabis. La question se posant donc de savoir s’il s’agit d’un trouble induit par le cannabis ou si le cannabis n’a joué qu’un rôle précipitant d’un délire. » Le docteur Zagury avait estimé que sa consommation excessive de cannabis était « consciente et volontaire ». Pour les trois psychiatres, ce n’était pas le cas. L’existence de délires induits surviennent à des doses importantes et « s’amendent (stoppent) dès l’arrêt de l’intoxication ».Or, soulignent-ils, les taux de THC (le principe actif du cannabis) relevés dans le sang du suspect étaient modérés – ce qui ne correspond pas à la consommation alléguée le jour du drame – et ses idées délirantes ont persisté « longtemps après l’arrêt de l’intoxication ». Pour les  deux collèges  composés chacun de trois experts, la prise de cannabis n’a pas donc pas induit une crise aigüe mais n’a fait qu’aggraver un processus psychotique déjà amorcé. C'est en conséquence de ce raisonnement médical et médico-légal que le discernement est considéré comme aboli. » 

Les psychiatres membres des deux collèges d'experts rappellent que contrairement aux affirmations répandues, il n'y a pas de "non-lieu" mais une culpabilité établie accompagnée d'une irresponsabilité pénale. Ils déclarent dans une tribune:   

"Nous comprenons que l’absence de procès d’assises puisse choquer, mais avec les réserves suivantes : depuis la loi du 25 février 2008, les familles de victimes d’un malade mental criminel ne sont plus privées du débat comme c’était auparavant le cas, avec le non-lieu prononcé sans audience. Il y en a désormais une, devant la chambre de l’instruction, en cas d’éventuelle irresponsabilité pénale : les débats ne portent alors que sur cette question essentielle. Cette audience a eu lieu le 27 novembre 2019 pour Kobili Traoré ; y assistèrent les parties civiles, les avocats, les experts et même la presse. Les experts furent entendus et ont répondu aux avocats. À l’issue d’une telle audience, la chambre de l’instruction peut soit renvoyer devant la cour d’assises, si les arguments en faveur de l’irresponsabilité pénale lui paraissent insuffisants, soit rendre un arrêt de déclaration de culpabilité et d’« irresponsabilité pénale pour trouble mental ». Le crime reproché au sujet est alors inscrit à son casier judiciaire, la culpabilité est définitivement établie, même s’il est pénalement irresponsable. Le « non-lieu » qui révoltait autrefois, à raison, les familles comme l’opinion a bien disparu. Cette évolution législative concilie, au terme d’un débat contradictoire, une reconnaissance de culpabilité et une irresponsabilité pénale. Ce qui est conforme au principe éthique de toutes les démocraties judiciaires, remontant au droit romain, selon lequel les malades mentaux ne peuvent être condamnés. On ne juge pas les fous, c’est ainsi, et c’est l’honneur de la justice comme de la psychiatrie."

 

Nous combattons fermement l'antisémitisme d'où qu'il vienne et  poursuivrons ce combat notamment dans le cadre du Réseau d'Actions contre l'antisémitisme et tous les racismes ( RAAR),  mais dans ce cas la campagne qui a précédé les manifestation du 25 avril  est le produit d'une manœuvre politique à laquelle nous ne participons pas.

La nouvelle loi déjà annoncée par Macron et Dupont-Moretti devrait restreindre les modalités de la reconnaissance de l’abolition du discernement en cas de prise de produits stupéfiants. Elle sera votée dans la précipitation et dans un contexte pré-électoral propre à toutes les escalades répressives.

C'est dans ce contexte que nous interpellons les pouvoirs publics: où sont donc les plans ambitieux de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, annoncés successivement par les différents gouvernements dans ce domaine ? Quels nouveaux outils ont été mis à la disposition de celles et ceux qui souhaitent combattre le fléau de l'antisémitisme ? Où est l’effort d’éducation et de solidarité nécessaire ?


Nos pensées vont plus que jamais à Sarah Halimi et à toutes les victimes de crimes antisémites et racistes.

Mise à jour du 30 avril 2021

Paul Bensussan, un des experts psychiatres qui a examiné Kobili Traoré, rappelle dans différents entretiens que « six experts en deux collèges ont conclu de façon absolument unanime » sur la « bouffée délirante aiguë » du meurtrier.

Le psychiatre a également rappelé que Kobili Traoré était consommateur chronique de stupéfiants depuis l’adolescence : « Il consommait quotidiennement du cannabis depuis une quinzaine d’années, au moment où il est passé à l’acte. Je dénonce déjà un premier raccourci, qui est de postuler que le cannabis était la seule cause de son trouble psychotique. Nous avons conclu unanimement à une bouffée délirante aigüe chez un sujet qui n’était pas délirant auparavant. »

« Il consommait du shit pour s’abrutir ou s’endormir, il n’avait jamais fait d’expérience délirante dans sa vie. Cette expérience délirante a commencé 48 heures avant les faits. Il entendait des voix, croyait qu’il était possédé et poursuivi par des démons. Peu avant les faits, il a séquestré ses voisins musulmans qui se sont barricadés et ont appelé la police, et c’est par le balcon, en fuyant les démons, (et pas dans un état de parfaite lucidité comme je l’ai entendu de manière très choquante) qu’il est rentré dans l’appartement de Sarah Halimi », a expliqué Paul Bensussan.

Sur BFMTV, il a évoqué « l’insomnie totale, l’agitation anxieuse, les thèmes délirants, les hallucinations auditives » également rencontrés par Traoré jusque 48 heures avant le crime. L’homme « se croit marabouté, il est persuadé que son beau-père veut l’empoisonner, que l’auxiliaire de vie de sa mère pratique sur lui des rituels vaudous, son agitation monte comme cela »

Alors que, parmi les Français, qui sont des consommateurs très réguliers de cannabis, « il y a extrêmement peu de troubles psychotiques, les effets attendus du cannabis n’étaient évidemment pas ceux là [par le meurtrier], ce n’est pas comme s’il avait pris du LSD. Ça fait 15 ans que cet homme fumait, essentiellement pour s’abrutir, ou s’endormir. Là il ne trouvait pas l’apaisement parce qu’il a démarré un trouble psychotique ».

« On s’imagine qu’il a fumé un peu ou beaucoup de cannabis et qu’il a démarré un état délirant, ce n’est pas du tout cela », a-t-il dit.


Couverture nauséabonde de Charlie-Hebdo



Albert Herszkowicz pour Memorial 98 

Articles et dossiers de Memorial 98 en lien avec ce texte (sur ce site et sur www.memorial98.org )

http://info-antiraciste.blogspot.com/2020/09/hyper-cacher-une-tuerie-antisemite-en.html

 http://www.memorial98.org/article-33829718.html  Ilan Halimi

http://www.memorial98.org/article-33829718.html (procès des assassins d'Ilan)

http://www.memorial98.org/article-32128459.html  (procès)

http://info-antiraciste.blogspot.com/2018/03/contre-lantisemitisme-et-tous-les.html

 http://info-antiraciste.blogspot.com/2018/10/terrorisme-antisemite-pittsburgh-le.html

 http://www.memorial98.org/article-vagues-d-attaques-neo-nazies-125553047.html

https://info-antiraciste.blogspot.com/2018/03/contre-lantisemitisme-et-tous-les.html

https://info-antiraciste.blogspot.com/2018/03/lassassinat-de-mme-mireille-knoll.html 

http://www.memorial98.org/2021/02/ilan-halimi-15-ans-depuis-sa-mort-mobilisation-contre-l-antisemitisme-et-tous-les-crimes-racistes.html


 

 

 

jeudi 18 février 2016

Simone Lagrange: victime de Klaus Barbie et combattante de la mémoire


    









Hommage à Simone Lagrange,  décédée le 17 février 2016





Le 19 juillet 1998, lors d'une cérémonie du souvenir  à Izieu (Ain), Simone Lagrange apostropha publiquement le président du conseil régional Rhône-Alpes de l'époque,  Charles Millon (maintenant soutien de François Fillon) et lui ordonna de quitter la commémoration, en raison de son alliance avec un parti raciste et négationniste, le Front National. 
Simone Lagrange agissait en tant que présidente régionale de l'Amicale des déportés d'Auschwitz, mais aussi en tant que victime de Klaus Barbie, initiateur de la déportation des enfants réfugiés à Izieu  .

Ainsi devant la stèle qui commémore le sort  de 44 enfants et 7 adultes juifs raflés dans ce village et morts pour la plupart en 1944 à Auschwitz, Charles Millon fut mis en cause et  conspué.
 

Quelques mois plus tard  en novembre 1998, il fut  exclu de l'association du Mémorial des enfants d'Izieu alors qu'il était membre de droit de sa direction, en raison de ses fonctions électives.
Son allié et compère frontiste était le dirigeant du FN Bruno Gollnisch, déjà négationniste  et condamné plus tard à une peine de prison pour ses déclarations sur les chambres à gaz. Aujourd'hui Golnisch fait des conférences pour le compte du néo-nazi Soral. Un autre pilier de l'alliance était Pierre Vial, fasciste et antisémite avéré, animateur du courant dit « païen » du FN, qui fut nommé vice-président de la commission culture du conseil régional. On notera que Gilbert Collard, chantre du FN "dédiabolisé" continue à profaner la mémoire des enfants d'Izieu en prétendant être leur représentant. 

L'interpellation de Simone Lagrange s'inscrit dans le long combat de celle qui fut déportée à Auschwitz à l'âge de 13 ans. Cela inclut son témoignage lors du procès Barbie en 1987 et ses très nombreuses interventions auprès de jeunes:  elle ne cessa jamais de lutter pour la mémoire du génocide et contre ses négateurs. 
 
Née au sein d'une famille juive originaire du Maroc, Simone et sa famille s'étaient installées dans les années trente à Saint-Fons (métropole de Lyon). À l'âge de 13 ans, Simone a été arrêtée avec ses parents au domicile familial, sur dénonciation, le 6 juin 1944 jour du débarquement allié en Normandie.
Conduits dans les locaux de la Gestapo à Lyon, fille et parents furent  interrogés et torturés par son chef local Klaus Barbie, qui voulait la contraindre à révéler le lieu où étaient cachés les plus jeunes des enfants de la famille. Incarcérées  à la prison de  Montluc, Simone et sa mère seront transférées à Drancy le 23 juin, puis déportées sept jours plus tard vers Auschwitz-Birkenau par le convoi n° 76. Mère et fille avaient été sélectionnées à leur arrivée pour le travail dans le camp des femmes de Birkenau, mais la mère de Simone avait été gazée dès le 23 août. Son père avait été déporté par le convoi parti de Lyon le 11 août 1944, avec deux des enfants de sa fille aînée âgés de 5 et 7 ans.
Seule Simone avait survécu au travail forcé et aux "marches de la mort", au cours desquelles son père fut tué sous ses yeux le 19 janvier 1945. De retour en France fin mai 1945, elle retrouva ses jeunes frère et soeur qui avaient été cachés dans une institution religieuse. Simone Kadoshe, devenue ensuite Simone Lagrange, sera un des témoins-clés du procès de Klaus Barbie, tenu à Lyon en 1987. Tout au long de sa vie, elle fut aussi  une infatigable témoin de la Shoah auprès des jeunes, dans les classes. Elle avait relaté son parcours dans un livre, Coupable d'être née: honneur à sa mémoire






Nous associons à cet hommage la mémoire de deux autres rescapés de la Shoah qui n'ont cessé de lutter pour le châtiment des criminels.

Il s'agit d'une part de Mme Rosa-Ida Halaunbrenner (décédée en 1988) qui manifesta à la Paz avec Beate Klarsfeld en mars 1972 (ci-dessous), en pleine dictature militaire, pour exiger  que Klaus Barbie soit jugé. Il était directement responsable de la mort de son mari et de 3 de ses enfants. Ses deux filles Claudine, cinq ans, et Mina, neuf ans, faisaient partie des quarante-quatre enfants juifs raflés à Izieu le 6 avril 1944 par la Gestapo.

Elle témoigna également lors du procès Barbie, jugé  en 1987 après avoir été extradé en 1983, 11 ans après la manifestation de La Paz. Il faut rappeler que
Klaus Barbie fut récupéré et protégé par l’armée américaine dès 1947 dans le cadre de la lutte contre le "communisme". 
Quand, à  partir de 1948, la France réclama l'extradition de Barbie, le Counter Intelligence Corps qui l’employait refusa, puis l’exfiltra vers l’Argentine avec le concours des réseaux d’évasion de l’Église catholique qui servirent à de très nombreux nazis.



                 La Paz 1972: BK et Rosa-Ida Halaunbrenner s’enchainent sur un banc



Et  d'autre part Michel Slitinsky décédé en 2012, symbole de l'affaire Papon dont il fut à l'origine. C’était aussi un ami de Memorial 98 dont il lisait les articles.

Le 19 octobre 1942  son père, Abraham Slitinsky, est raflé par les services de police de la préfecture de Gironde, puis déporté et gazé à Auschwitz. Sa mère restera cachée pendant trois ans dans une cave. Michel Slitinsky, âgé de 17 ans, aura juste le temps de s'enfuir par les toits lors de l'arrestation nocturne de sa famille.
                                          Michel Slitinsky durant le procès Papon

Il entre en clandestinité et intègre un réseau de résistance qui le mène dans les maquis d'Auvergne. Dès son retour à Bordeaux, à la Libération, il  porte plainte contre les policiers qui étaient venus l'arrêter. L'affaire est classée sous des prétextes fallacieux. Slitinsky poursuit ses recherches. Il reconstitue l'histoire de la Résistance en Gironde, collectant témoignages et documents consignés dans des livres parus en 1969 et 1972. 
Il fouille les archives, reconstitue les carrières et les organigrammes. Il réunit suffisamment de preuves pour démasquer des hauts fonctionnaires de Vichy responsables des déportations et des spoliations. En 1981 l’universitaire  Michel Bergès, qui effectue des recherches dans les archives de la préfecture de Gironde, retrouve le procès-verbal de police qui relate l'arrestation la famille Slitinsky.
D'autres documents portent le nom de Maurice Papon alors ministre du Budget et qui était, entre 1942 et 1944, secrétaire général de la préfecture de Gironde. La communication par Slitinsky de certaines de ces documents au Canard enchaîné, qui les publie, est à l'origine de l'« affaire Papon ». Celui-ci protégé par ses amis haut-placés ne sera jugé qu'en 1997. Condamné à 10 ans de réclusion, il fut  libéré de prison dès septembre 2002 sur la base d'une "expertise " de médecins complaisants. 
Ces experts l'avaient déclaré "grabataire". Cette expertise permit à Papon-le-grabataire de sortir seul et à pied de la prison, de rentrer sans encombre chez lui en septembre 2002, puis et d’y vivre tranquillement jusqu’en Février 2007. 

Le combat de Michel Slitinsky, se sera heurté à la solidarité des hautes sphères de l’État.

Leur combat  demeure d'une actualité brûlante 

Mise à jour du 14 mai 2017:

A l'occasion du 30e anniversaire du procès Barbie, qui débuta  le 11 mai 1987 à Lyon, une importante exposition s'ouvre au Memorial de la Shoah à Paris .

Au mémorial d'Izieu, une commémoration s'est déroulée le 14 mai .

Rappelons que Laurent Wauquiez, le très droitier président LR de la région ARA, avait entrepris de baisser la subvention du Mémorial d'Izieu. Il a soulevé un immense tollé qui l'a fait reculer.  

MEMORIAL 98


Actualisation 5 mai 2016: le témoignage particulièrement fort de Simone Lagrange, notamment lors du procès Barbie, à voir ici jusqu'au 10 mai : http://pluzz.francetv.fr/videos/infrarouge.html




MEMORIAL 98