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dimanche 8 janvier 2017

Les croix gammées, par ci, par là.

C'est une drôle d'idée. Créer une alerte Google pour "croix gammées". Une idée d'"obsédés anti-nazis", comme on dit, dans l'Europe de 2016, où se souvenir que le fascisme régnait en maître sur le continent, il y 80 ans, suscite souvent des moues dédaigneuses.

C'est une drôle d'idée qui nous est venue à cause d'un "détail". Qui n'en était pas un à nos yeux. Le fait de tomber sur des croix gammées par hasard. Dans les toilettes d'un café parfaitement banal, gravées sur le banc en bois d'un parc, dessinées au feutre sur l'arrêt d'un car de ramassage scolaire à la campagne.

On était sans doute décalés et ultra-sensibles, mais ça nous faisait un choc à chaque fois. On nous disait que c'était des "gosses", des "fous", des "imbéciles" qui ne se rendaient pas compte de ce qu'ils avaient dessiné. 
C'est à cause de cela qu'on a commencé à recenser. A cause de ces réactions absurdes: en réalité, on ne peut pas dessiner une croix gammée sans savoir ce que c'est. Et si ce sont des adolescents qui dessinent, alors, cela signifie au moins une chose: on vit dans une société, où déjà à quinze ou seize ans, on peut être contaminé par la fascination pour les auteurs d'un génocide.

On a trouvé ce qu'on cherchait, malheureusement. 

D'abord dans les gros titres. Parfois les croix gammées font l'évènement, un petit peu. Quand on ne peut pas dire qu'elles n'ont pas de sens, même avec la meilleure volonté de ne pas les voir.

Par exemple le soir de Noël, sur l'école Anne Frank de Montreuil, très bien tracées, comme les slogans qui l'accompagnent: " Juden Verboten", " Sales Juifs", Sales Roms". Ou lorsqu'en un an, elles accompagnent, par deux fois, l'attaque nocturne de la mosquée de Perpignan.  Ou lorsqu'en mars 2016, elles sont dessinées sur la synagogue de Verdun.

Dans ces cas là, il est difficile de dire, évidemment, que leurs auteurs ne savaient pas ce qu'ils faisaient. La cible du racisme et de l'antisémitisme est trop voyante. Et puis, on vit dans un pays où des mosquées se font fréquemment incendier, où des personnes se font tuer et attaquer parce qu'elles sont juives. 

Cependant, à la médiatisation et à l'émotion, succèdent très souvent de drôles de dénouements, dans le silence et le déni, de nouveau. Ainsi, la police comme la presse ont-elle décrété que le néo-nazi de Montreuil , un récidiviste, était un "marginal". Et si l'on sait qu'il a été jugé le 28 décembre, on ne trouve ensuite aucun compte-rendu de l'audience.
On retrouve aussi rarement ceux qui s'en prennent aux mosquées. Encore faudrait-il vraiment chercher, y mettre l'énergie qu'on met dans d'autres domaines.

Mais ce ne sont "que" des croix gammées.Et qui sont ceux qui les tracent ? La question n'effleure pas tellement les médias locaux qui les évoquent parfois. Ainsi, à Ballon, lorsque des jeunes sont interpellés pour des cambriolages ET des croix gammées sur l'école Badinter, en novembre 2016, l'article classé dans la rubrique Faits Divers n'évoque à aucun moment la portée politique de l'acte, passée sous silence pendant l'audience . Ce mois là, la presse évoquera enfin l'invasion de croix gammées qui défigure le village de Saint Michel du Doubs depuis des semaines, parce que les néo-nazis se sont attaqués au monument aux morts, le 11 novembre. Mais les précédentes croix gammées sur l'école et jusque sur les pots de fleur n'avaient guère fait débat. Il y a quelques jours, l'auteur a été pris sur le fait par les habitants. Ce n'était ni un "jeune", ni un "fou", mais l'ex-président du comité des fêtes, un habitant intégré dans son environnement, âgé de 64 ans.

A l'autre bout de la France, ce même été, un village de la Meuse, Villers le Peuplier connaît le même phénomène, sans émouvoir tellement.
Quant aux artistes de Blérancourt-Nampcel, dont les oeuvres extérieures ont été par deux fois dégradées et couvertes de symboles nazis, ils n'auront eux aussi que des articles de la presse locale.

Quand on tombe sur ces brefs articles, parfois des souvenirs reviennent et des questions.
Que sont devenus les jeunes néo-nazis qui avaient profané les tombes du cimetière juif de Sarre Union, le 12 février 2015 ?  Où en est la procédure judiciaire ?
Et Claude Hermant, néo-nazi et indicateur de police qui a vendu les armes qui ont servi au tueur de l'Hypercasher ? Pourquoi, alors qu'il est en prison, n'est-il pas dans le nombre de ceux qui sont directement visés par l'enquête anti-terroriste sur l'attentat et seulement poursuivi pour "trafic d'armes", alors qu'il n'y a qu'un intermédiaire entre lui et celui qui a remis les armes au tueur ?
Et finalement, de quoi ont écopé les troupes du Bloc Identitaire qui avaient envahi la mosquée de Poitiers en 2012 et uriné sur des tapis de prière  ? Et bien de rien, ils n'ont pas encore été jugés.
Quant à la milice néo-nazie de Picardie qui avait fait les gros titres l'année dernière, sur la vingtaine d'hommes arrêtés, tous sauf un sont en liberté avant leur jugement. Tout ce qu'on sait, c'est que finalement, ils n'iront qu'en correctionnelle, un jour, parce que les délits qui leur sont reprochés "ne sont pas si graves".

Arriver armé dans un bar et menacer de le faire exploser, ce n'est pas très grave non plus. Du moins si on est néo-nazi, déjà condamné à sept reprises. Alexis I. a ainsi écopé de dix mois pour port d'armes mais a été relaxé du chef de "menaces", ce 5 janvier. Le fait qu'il appartienne à la même organisation que les néo-nazis picards, Troisième Voix , d'ailleurs légalement dissoute, ne fera pas couler d'encre judiciaire ou médiatique sur l'existence d'un quelconque réseau qui terrorise un peu partout en France. 

Les croix gammées, ce n'est pas très grave. Les néo-nazis, ce n'est pas très grave non plus. Plus encore que les néo-nazis et les croix gammées elle même, c'est cela qui est inquiétant, et qui devrait être terrifiant. Cet oubli permanent, ces têtes qui se détournent, ces affaires qu'on ensevelit dans le silence dès qu'il est question du néo-nazisme.

Cette injonction permanente en France à faire du néo-nazisme un détail de l'Histoire du temps présent. Une injonction qui elle-même est presque invisible, puisqu'elle se présente sous la forme du silence social sur les faits de néo-nazisme, ou de leur réduction au fait divers non-signifiant.

Cette injonction fonctionne si bien que rien ne l'ébranle. Pas même les faits pourtant tellement signifiants: l'assassinat de la députée britannique Jo Cox, les incendies par centaines de foyers de réfugiés en Allemagne. Les armes fournies par les néo-nazis au tueur de l'Hypercacher ici.

Le Front National qui peut parvenir au pouvoir dans moins de six mois.
Mais qu'on est sommés de ne jamais lier aux croix gammées qui éclosent partout où vivent ses millions d'électeurs. Parce que, voyons, l'extrême-droite n'a rien à voir avec l'extrême-droite, quelle drôle d'idée.

Une drôle d'idée, qui tout de même fait son chemin. A laquelle s'accrochent, partout en France, les sombres silhouettes qui parsèment les murs de croix gammées, avec obstination et assurance.
L'assurance de ceux qui voient des millions de gens porter à chaque élection un morceau de fascisme dans les urnes, tandis qu'ils peuvent revendiquer le nazisme dans les rues, sans que nul n'y descende pour dénoncer leurs symboles.

Un jour, ce pays se réveillera peut-être en se demandant comment et pourquoi il avait décidé qu'une croix gammée sur un mur n'était pas signifiante, même quand il n'y en avait plus une mais mille, si bien qu'il y avait même sur les réseaux sociaux, des commentaires nombreux sur les différence de qualité de la reproduction entre les unes et les autres.

En attendant, et justement parce que c'est considéré comme absurde de les comptabiliser et de les recenser, plus que jamais l'antifascisme consiste à refuser de les laisser classer dans les "faits divers".
MEMORIAL 98

samedi 16 mai 2015

Néo-nazisme: la radicalisation terroriste se confirme partout en Europe

 











Actualisation du 17 juin 2016 :

L'assassin présumé de la députée britannique Jo Cox , Thomas Mair , était un soutien de longue date de la National Alliance, principale organisation néo-nazie aux Etats-Unis, selon le très sérieux  Southern Poverty Law Center (SPLC), institut américain dédié à la surveillance des mouvements extrémistes  aux USA.
Le SPLC a publié sur son site deux factures au nom de Thomas Mair datant de 2003, pour l’achat de plusieurs publications de la NA, dont un manuel destiné à la confection d’armes artisanales (chimie des poudres et explosifs, manuel des munitions improvisées, etc). 

Mair était aussi l'un des premiers abonnés à S. A. Patriot, revue sud-africaine d'un mouvement suprématiste blanc,  pro-apartheid ouvertement opposé aux «sociétés multiculturelles» et à «l'expansion de l'Islam»

D’autres cas de violences homicides néo-nazies ont eu lieu récemment en Grande-Bretagne et ont rencontré un très faible écho médiatique, comme dans le cas du docteur Sarandev Bhambra attaqué à la machette en janvier 2014. 

Memorial 98 

 En France, un silence troublé seulement par quelques dépêches de presse assez lapidaires  entoure les suites des arrestations menées en Picardie, à Ham, contre un  groupe néo-nazi, le White Wolf Klan. Treize nouvelles mises en examen pour violences volontaires entre les membres même du groupe viennent d'être annoncées, mais on ne sait toujours pas qui était visé par la tentative d'homicide volontaire pour laquelle ils ont été interpellés initialement.
Aucun lien n'est fait dans la presse entre cette affaire et celle du réseau  du néo-nazi Claude Hermant, arrêté il y a quelques semaines et qui  a décidé de parler. L'ancien membre du DPS (service d'ordre du Front National) prétend être un informateur policier. Il déclare avoir, dans ce cadre, informé ses référents du trafic d'armes qu'il menait depuis longtemps et qui pourrait avoir notamment avoir alimenté le réseau du tueur antisémite Amedy Coulibaly (Hyper Cacher de Vincennes). Si les dires de cet ancien barbouze sont à prendre avec précaution, ils décrivent cependant une situation assez semblable à celle qui a conduit la NSU, groupe néo-nazi allemand à pouvoir commettre une dizaine d'assassinats au moins, sans être inquiété, alors qu'il s'agissait de militants identifiés dès la fin des années 90 comme potentiellement violents.

En Allemagne d'ailleurs, d'autres groupes similaires sont actifs sur le territoire.
Le 6 mai 2015, plusieurs membres d'une organisation terroriste néo-nazie ont été interpellés dans ce pays. La police indique qu'ils projetaient des attentats contre des lieux de cultes musulmans et des centres accueillant des réfugiés. Ces attentats  auraient sans doute été meurtriers, au vu du matériel explosif puissant retrouvé aux domiciles des présumés terroristes.

Au Royaume Uni, se tient en ce moment le procès d'un suprémaciste blanc, soupçonné d'avoir voulu assassiner plusieurs membres de la famille royale. Il revendique son admiration pour le norvégien Andreas Breivik et avait développé une obsession raciale mortifère contre les bruns aux yeux noirs, selon lui signes du métissage conduisant la race blanche au déclin.

Le terrorisme d'extrême-droite est une réalité bien vivante en Europe: mais sans même se pencher sur l'hypothèse malheureusement crédible de certaines complaisances policières envers cette mouvance, on doit constater une très grande indifférence sociale à ce phénomène.

Celle-ci est a été relevée récemment par l'étude d'une entreprise privée de sécurité suisse qui met en lumière des éléments parlants sur le terrorisme néo-nazi en Allemagne: contrairement à d'autres formes de terrorisme, la violence d'extrême-droite n'est pas l'objet de beaucoup de recherches scientifiques d'ampleur. Les faits existants ne sont donc que rarement reliés entre eux alors même que des facteurs communs relient les agissements des activistes violents de cette mouvance.

Cette étude met notamment en relief plusieurs points communs.

Les groupes terroristes néo-nazis sont le plus souvent de petite taille , quelques individus pouvant commettre un nombre importants de crimes. Très souvent, ces groupes, voire individus ne revendiquent pas leurs actes, parce qu'ils estiment que le choix des cibles, dans l'immense majorité, des immigrés, des Juifs ou des militants de gauche parlent d'elles même, et que l'acte en lui même suffit à générer l'effet recherché, à savoir la terreur dans le groupe social visé.

Dans l'immense majorité des cas, également, le laps de temps entre la constitution du groupe et le passage à l'acte violent est très court, moins d'un an. Ce dernier élément suppose donc d'une part un conditionnement préalable très fort des individus concernés et correspond effectivement à l'ambiance des mouvances néo-nazies dans laquelle des jeunes gens vont se socialiser: l'univers  néo-nazi actuel offre en effet tout le panel d'une culture de mort et d'apologie de la terreur apte à radicaliser extrêmement rapidement les nouveaux adeptes. On notera également qu'un passage à l'acte aussi rapide après la constitution d'un groupe destiné à commettre des actes très violents suppose aussi l'accès à des connaissances et à des moyens matériels pour pouvoir agir. Si les groupes sont de petite taille, voire même parfois composés d'un seul individu, cela ne signifie donc nullement qu'ils correspondent au mythe des Loups Solitaires propagés par les médias: en effet, se procurer des armes et l'ensemble de la logistique permettant d'agir implique des inter-actions avec un milieu beaucoup plus large. 

Malheureusement, en France, pour le moment, l'analyse sociale, médiatique, scientifique, politique reste bien en deçà de ce qui pourrait permettre de comprendre et de combattre un phénomène dont tout montre, pourtant, qu'il est en plein développement. A commencer par l'explosion des actions de " basse intensité" commises par de très jeunes gens, notamment ce qu'on peut appeler les opérations "croix gammées": il ne se passe pas un mois, sans que dans les journaux locaux soient relatées la découverte dans de petites villes ou villages d'inscriptions néo-nazies recouvrant les murs . Ainsi, ce 15 mai, à Proyart, c'est le parvis de l’Église qui est maculé à la craie de croix gammées et de slogans xénophobes. Si les journaux sont prompts à se moquer de sigles souvent mal dessinés, de fautes d'orthographe dans les mots inscrits et si ces éléments indiquent souvent la très grande jeunesse des auteurs, cela rend la chose encore plus inquiétante. Ce "fait maison" maladroit des jeunes néo-nazis indique une volonté d'action autonome forte, malgré l'absence de moyens,  sans utiliser par exemple des affiches de groupes militants existants.

Cette volonté d'action s'exprime aussi dans les profanations de cimetières Juifs ou musulmans, le stade d'au dessus du passage à l'acte. Là aussi, le néo-nazi, généralement un peu plus âgé, se saisit finalement de ce qui est à sa portée immédiate pour exprimer concrètement sa haine, le stade suivant étant l'agression de personnes physiques. 

Si ces passages à l'acte peuvent paraître dérisoires et au fond très anecdotiques, des affaires comme celle de Ham montrent bien que leurs auteurs sont pourtant ceux qu'on va retrouver ensuite dans des groupes armés et prêts à passer à l'action: Jérémy Mourain, le principal animateur du White Wolf Klan a par exemple été condamné plusieurs fois pour des faits de ce genre.

Aussi, l'hypothèse selon laquelle ces actes seraient aussi des rituels de passage, des épreuves initiatiques permettant de "gagner la confiance" des militants plus vieux et plus expérimentés, ceux qui ont des armes, des réseaux et des potentiels matériels plus vastes, mériterait-elle d'être creusée. 

Malheureusement, dans le cas du néo-nazisme, il n'existe pas d'espaces d'études et de combat contre la radicalisation: pas de numéro à appeler si l'on trouve des portraits de Hitler sur le téléphone de son fils de 14 ans, pas d'étude des signes inquiétants chez l'adolescent, pas de structures de "déradicalisation". 

En réalité face aux jeunes militants néo-nazis, l'intervention étatique se divise en deux catégories , généralement selon la classe sociale de l'intéressé: les jeunes issus des classes populaires se faisant attraper suite à un acte violent passent en comparution immédiate et prennent des peines modérées mais incluant souvent quand même un passage par la case prison. Cela a été le cas par exemple, pour les jeunes gens qui ont tenté d'incendier récemment une mosquée à Mâcon. Quant à ceux qui sont issus de classes favorisées ou élèves de prestigieuses écoles militaires, la justice les  oriente généralement vers des procédures longues, pendant lesquelles les avocats de la défense auront largement le temps de créer les conditions d'un acquittement ou d'une peine symbolique. C'est par exemple, le cas des cadets  du lycée de l'Armée de l'air qui avaient aussi projeté un attentat contre une mosquée.

Le néo-nazisme violent dérange  : c'est un phénomène qui ne correspond pas au discours dominant sur ce que sont les tares de nos sociétés. Les discours violents contre l'immigration ou les musulmans, le repli nationaliste exacerbé sont tenues par des forces désormais intégrées au jeu politique et en pleine expansion, et s'intéresser au phénomène néo-nazi, c'est aussi regarder en face une des traductions concrètes de ces discours banalisés. 

Mais ce qu'on ne regarde pas continue à exister et à se développer.

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jeudi 7 mai 2015

Mâcon: encore des "individus" qui incendient une mosquée.

Circulez, il n'y (plus) rien à voir.
C'est le message envoyé par l'extrême concision des informations données par la presse, jointe à une non moins extrême rapidité de l'enquête et du procès suite à l'incendie de la mosquée de Mâcon survenu le 26 avril dernier.
Dans la nuit, deux personnes avaient été filmées par la vidéo surveillance alors qu'elles mettaient le feu à la mosquée de cette ville de Saône et Loire avec un bidon d'essence et du papier toilette. 

Deux jeunes hommes sont arrêtés le 3 mai, et reconnaissent les faits. Le parquet prend alors la décision d'un passage en comparution immédiate : hier les deux incendiaires sont condamnés à trois ans de prison dont seulement six mois ferme. Fermez les bans judiciaires et policiers.
Quant aux médias, ils ne sont guère plus loquaces sur les auteurs de cet incendie. " Se disant patriotes", " évoquant le contexte des attentats de janvier" et "certains différends avec la communauté turque de la ville", voilà tout ce qu'on apprend d'eux dans les journaux locaux et dans Le Parisien. 

Évidemment, ce n'est pas avec une procédure de comparution immédiate, très rapide , avec une seule et unique audience publique qu'on peut espérer en savoir plus sur les mobiles, le contexte politique, les complicités éventuelles de ces deux "individus". Dont il apparaît "seulement" qu'ils sont évidemment d'extrême-droite.

S'ils ne l'étaient pas d'ailleurs, les choses ne se seraient jamais passées de cette manière: actuellement n'importe quel projet d'acte violent envisagé par des jeunes se réclamant de l'islam radical fait l'objet d'un traitement politique de l'information et d'un traitement policier et judiciaire antiterroriste. Avec les incriminations du type "association de malfaiteurs" , et avec la loi votée récemment qui permet de réprimer même un projet individuel non abouti, les moyens pour enquêter sont énormes.

Mais concernant l'extrême-droite raciste,  ils ne sont jamais utilisés: les auteurs interpellés alors qu'ils sont déjà passés à l'acte, ou empêchés de le faire parce qu'ils ont été dénoncés par un proche sont toujours des "individus" et seulement cela.

Un "individu", Christophe Lavigne: militaire de carrière, le jeune homme n'était pas encarté au Bloc Identitaire mais fréquentait virtuellement tous les réseaux de la mouvance fasciste: sur son profil Facebook, on trouvait tout aussi bien Dominique Venner que Guillaume Faye, prédicateur de "la guerre totale entre l'Occident et l'islam".

Quatre  "individus", , élèves de première et terminale dans un lycée militaire près de Grenoble mis en examen pour avoir projeté un attentat à l'explosif contre une mosquée à Montélimar, et qui ont été laissés libres sous contrôle judiciaire. 

Un "individu", le militaire retraité du 3ème RIPMA de Castres qui avait été arrêté près de la mosquée de Carcassonne, après avoir annoncé à ses voisins son intention de la faire sauter.

Pour d'autres affaires, on parle de "réseaux", de "mouvances" , de "sites de propagande", d'"endoctrinement virtuel". Quand il s'agit d'actes islamophobes ou racistes, ce sont des "individus".

Des "individus" qui font la même chose sur l'ensemble du territoire et qui ont tous la même obsession: détruire des mosquées, et peu importe qu'il y ait ou non quelqu'un à l'intérieur. Des "individus", qui tous reconnaissent leurs actes à la barre, et les justifient par leur haine des musulmans et des personnes issues de l'immigration. 

Des individus qui répètent exactement le discours des réseaux d'extrême-droite locaux: par exemple, les trois derniers articles du Bloc Identitaire Bourgogne, la région où ont agi les incendiaires de Mâcon sont consacrés à des torrents de rage et de haine contre un projet de mosquée à Nuit Saint Georges.
En Saône et Loire, nos deux "individus" évoluent dans un contexte où le FN est arrivé en tête des élections départementales. Parmi ses candidats, de joyeux drilles "individuels" , comme Sébastien Hallouin, pris en photo en train de faire le salut nazi déguisé en Hitler

Autre fait récurrent et national, les tentatives de destruction contre les mosquées sont toujours précédées d'actes de dégradation moins poussés mais répétitifs dans la même sphère géographique: ainsi en Saône et Loire, comme ailleurs, inscriptions islamophobes et têtes de porcs devant les mosquées sont choses assez courantes. 

Mais peu importe, circulez, y'a rien à voir. A Mâcon, comme ailleurs, on expédie la procédure quand les auteurs sont interpellés, on ne cherche pas plus loin. Et ça ne date pas d'aujourd'hui: à Auxerre, département voisin de la Saône et Loire, c'est par hasard en 2006, qu'avaient été arrêtés les membres d'un groupe néo-nazi "Ordre National" lié au FN local qui depuis deux ans perpétraient ratonnades et incendies contre les kebabs dans la ville . Leur procès s'était tenu cinq ans plus tard et le maximum des peines prononcées avait été de quelques mois fermes. Même quand la procédure est longue, l'affaire est minimisée, et ne suscite que peu d'intérêt politique et médiatique. Ainsi, deux mois après l'arrestation de membres d'un groupe néo-nazi picard, on ne sait toujours pas contre qui a eu lieu la "tentative d'homicide volontaire" évoquée par la presse.

Ces derniers mois, les preuves s'accumulent pourtant de l'existence de réseaux violents , structurés, liés à des structures para-légales , à des réseaux de propagande nationaux , fortement implantés dans de nombreuses régions et dont les membres se tournent de manière croissante vers le passage à l'acte islamophobe ou antisémite violent. 

Quand on en arrivera au pire, certes on ne parlera plus d'"individus". Quand il s'agit d'une affaire de meurtre lié à l'extrême-droite, le terme est un peu plus fleuri pour évacuer les mêmes questions. On dit alors "loup solitaire",  comme pour Breivik en Norvège.

Mais à Mâcon, collectivement, une centaine de personnes ont manifesté contre l'incendie de la mosquée, à l'appel des antiracistes. Une réaction collective salutaire face à ce qui est tout sauf une "entreprise individuelle".

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vendredi 1 mai 2015

Les musulmans d'un village de Haute Corse visés par des actes racistes à répétition

Une carcasse de sanglier a été déposée jeudi 30 avril devant une boucherie musulmane de Ghisonaccia, un village de Haute Corse qui compte des habitants d'origine maghrébine.
 
Le même dépôt de dépouilles animales sanglantes avait déjà été fait devant une salle de prières du village en janvier. Et la violence derrière le message est très claire, car une balle avait également été retrouvée à l'époque devant la boucherie, située en face du lieu de culte.
Au même moment, des inscriptions racistes et néo-nazies avaient également été retrouvées sur une mosquée à Baleone en Corse du Sud, siège du conseil du culte musulman régional.


Malheureusement, à Ghisonaccia, les auteurs sont introuvables.. Aucun indice concluant: en effet, si obtenir des carcasses de sanglier à plusieurs reprises et sans attirer l'attention est essentiellement à la portée de chasseurs ou de personnes connaissant des chasseurs, on imagine bien le travail de Titan que cela représenterait d'aller vérifier une hypothèse, qui bien que très probable, n'en est pas pour autant certaine, dans un village de 5000 habitants, c'est trop de boulot. 
De plus ce soupçon ne relève-t-il pas d'une attitude discriminatoire envers les chasseurs, qui sont tout de même un symbole magnifique de notre culture, contrairement aux boucheries halal, qui après tout ne seraient pas souillées de dépouilles de cochons sauvages si elles en mettaient en vitrine ?

dimanche 26 avril 2015

Attentat raciste dans un village des Vosges

"Croix gammées et incendie de voiture", titre très sobrement le journal. Mais l'incendie qui visait la  famille Selouane, qui vit dans un village de 600 habitants, dans les Vosges,  a été provoqué sciemment juste en bas du domicile et a endommagé l'immeuble, et il y aurait pu avoir des victimes, notamment si les voisins n'avaient pas alerté à temps la maman, qui se trouvait seule avec ses quatre jeunes enfants.
Des croix gammées ont également été tracées sur la maison.

Malgré cette revendication politique sans équivoque, le mot "terrorisme" n'est pas prononcé.
La terreur dans laquelle vit une partie de la population face à la violence raciste des néo-nazis s'installe durablement, pourtant.

Et il a fallu près de 3 semaines pour que les faits, qui remontent à début avril, soient annoncés, et encore seulement dans la presse locale...