jeudi 20 octobre 2016

Le crachat antisémite du candidat Poisson





 
 

 
 Poisson reçu par Assad à Damas
 
 
( voir les mises à jour en fin d'article

Jean-Frédéric Poisson, candidat du Parti chrétien démocrate de Christine Boutin à la primaire de la droite et « révélation » médiatique de sa première émission de télévision, a affirmé le 20 octobre que "la proximité de madame Clinton avec les super-financiers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l'Europe et la France".

Le terme de « lobby sioniste » est un terme codé bien connu qui stigmatise les Juifs et leur prétendue domination du pouvoir, surtout quand il est accolé comme ici à « Wall Street ».

De plus, il s’agit de la reprise des thèses de l’extrême-droite américaine. En effet  celle-ci utilise couramment le terme  ZOG, acronyme de Zionist Occupation Government (Gouvernement d'occupation sioniste) ou de Zionist Occupied Government (Gouvernement occupé par les sionistes). Elle exprime ainsi la théorie antisémite selon laquelle un ou plusieurs gouvernements, notamment celui des USA, seraient en fait contrôlés par les Juifs.  
Cette accusation, qui revient à reprendre les thèmes du faux historique « Protocoles des Sages de Sion », est apparue dans les milieux d'extrême droite aux États-Unis (Néonazis, Ku Klux Klan) dans les années 1970, et s' y est répandue dans les années 1980. Dans les années 1990, le terme s'est répandu dans les divers milieux néonazis et antisémites à travers le monde.

La campagne de Trump, massivement soutenue par les néo-nazis,  a aussi recours à ces thèmes antisémites, comme le montre notamment le montage accusant sa rivale démocrate Hillary Clinton d'être corrompue et comportant une étoile juive publié sur son compte Twitter officiel publie ( ci-dessous)


L'étoile, superposée à un tas de billets de 100 dollars, porte l'inscription "Most Corrupt Candidate Ever !" ("La candidate la plus corrompue de tous les temps !").

Le tweet a été ensuite supprimé et remplacé par une nouvelle image où le slogan contre Hillary Clinton figure sur un rond rouge et non plus sur l'étoile controversée. Ce montage antisémite de Trump est issu d'un site néo-nazi et suprémaciste blanc; il y a été produit le 22 juin dernier. 


















Dans ce contexte on constate que le président de l’instance organisatrice de la primaire le député des Hauts-de-Seine, Thierry Solère, minimise la gravité des propos de Poisson et lui offre déjà une porte de sortie.  Certes il condamne et annonce que ces propos et la suite qui leur sera donnée seront examinés lors de la prochaine réunion, prévue le 26 octobre.  Mais il ajoute "Le terme 'lobby sioniste' n'a pas du tout la même signification en France qu'aux Etats-Unis. Cette déclaration alimente, en effet, des thèses conspirationnistes mâtinées d'antisémitisme", poursuit-il. Il suffirait donc à Poisson de plaider la confusion linguistique ou la « spécificité américaine » pour se justifier.   


Poisson assume la propos, mais il n’y voit "aucune espèce de thèse conspirationniste", car "il existe bien des groupes de pression sionistes( et non pas favorables au pouvoir israélien NDLR)  qui agissent aux Etats-Unis". 
Placer dans la même phrase "les super financiers de Wall Street" et "les lobbies sionistes" ne pose pas de problème au député des Yvelines. Interrogé sur la radio RCJ, Jean-Frédéric Poisson a reconnu que ses propos aient "pu provoquer une sorte d'émotion au sein du Crif". "J'en suis désolé, parce que ce n'était évidemment pas mon intention, et je veux redire ici toute l'amitié que j'ai pour l’État d'Israël et pour le peuple juif dans son ensemble."

On reconnaît ici l’excuse très classique de ceux qui tiennent des propos antisémites et se justifient par leur « amitié » avec les Juifs et /ou Israël. Ce fut le cas de Goasguen maire du 16e arrondissement de Paris et ancien du groupe fasciste Occident , mais aussi avant lui  du maire fascisant de Nice, Jacques Médecin. De plus le propos est absurde et mensonger car si Poisson a de « l’amitié «  pour Israël, pourquoi attaque-t-il Hilary Clinton précisément sur ce point ?

Poisson, président du Parti chrétien-démocrate fondé par Christine Boutin, a récemment annoncé qu'il tiendrait en décembre un meeting commun avec le maire fasciste de Béziers, Robert Ménard. Leur intégrisme réactionnaire les rapproche, notamment dans leur croisade contre les droits à l’IVG et au mariage pour tous.

En mai dernier, Poisson avait déclaré être "plus proche de Marion Maréchal-Le Pen que de Nathalie Kosciusko-Morizet". Or, la dirigeante du FN qu’il nomme mène une campagne inspirée par les thèses antisémites de Charles Maurras et de l’Action française. De son côté Marion MLP a déclaré:  « J’ai une sympathie humaine et politique pour Jean-Frédéric Poisson. Sur le plan de l’identité, de la souveraineté, de la politique étrangère, il est sur une ligne largement compatible »

La permanence antisémite dans la droite française, en passerelle avec les thèses de l'extrême-droite  bénéficie une fois de plus d'une complaisance scandaleuse.
Les nazis comme Soral s'en réjouissent bruyamment.

Memorial 98  



Actualisation du 22 novembre 2016: 

Après l'élimination de Sarkozy, le candidat antisémite, facho et anti-IVG Poisson se rallie évidemment à Fillon. Ce dernier avait d'ailleurs soutenu Poisson en déclarant que les prétendues
"excuses"  de ce dernier étaient suffisantes pour qu'il puisse poursuivre sa participation à la primaire  (ci-dessous).
Poisson retrouvera ainsi Thierry Mariani, soutien de longue date de Fillon, pro-Assad et affairiste pro-Poutine, profondément raciste et n'hésitant pas à défendre les antisémites ( voir ici) . Rappelons que Poisson était soutenu par les intégristes négationnistes de Civitas, par Robert Ménard et par le journal antisémite Minute ( ci-dessous) 


Actualisation du 17 novembre

Sarkozy espère récupérer les voix de Poisson lors du deuxième tour de la primaire de la droite car ce dernier appellerait à voter pour lui en échange de la promesse d'un ministère, révèle le Canard enchainé du 9 novembre.
Le candidat facho et antisémite est soutenu publiquement par Civitas, Minute et Robert Ménard. 

Memorial 98

Actualisation du 26 octobre

Sans surprise, Poisson est maintenu dans la primaire de la droite par une décision unanime de la commission d'organisation ainsi par la "Haute autorité" qui la supervise. Fillon et Le Maire avaient déjà par avance annoncé cette décision (ci-dessous).

On peut donc comme lui proférer des diatribes antisémites et complotistes suivies d'excuses bidon, être soutenu par Marion Maréchal Le Pen, combattre les droits des femmes dont l'IVG, soutenir Assad, Trump et Poutine, appeler à des accords avec le FN et néanmoins faire partie du débat de la droite. 

Il suffit juste de s’engager à voter pour le vainqueur qui sortira de cette consultation, comme vient de le faire Poisson. On comprend dès lors pourquoi les intégristes fascisants de Civitas ainsi que le parti SIEL associé au FN appellent à aller voter pour lui.

Cela rappelle le cas de Nadine Morano, porte-parole de la "France blanche", elle aussi supportrice de Poutine, à peine sanctionnée puis réintégrée par Sarkozy

Ceux qui ont blanchi Poisson sont complices de ses abjections.

Actualisation du 25 octobre


Marion Maréchal Le Pen se porte au secours de Poisson et déclare sur RTL: ‘ ... Si votre question c’est de savoir si je pense que Jean-Frédéric Poisson est antisémite, je vous dis non. Je ne crois pas une demi-seconde qu’il soit antisémite’’, Marion Maréchal-Le Pen n’exclut pas de pouvoir ‘’discuter’’ avec lui s'il se retrouve hors du processus de la primaire. 
Celle qui est proche de son grand père, Jean-Marie Le Pen, dont le Parlement vient de suspendre l'immunité parlementaire et qui se réclame des idées de l’antisémite historique Charles Maurras, apporte ainsi son expertise en la matière, avec le soutien et les félicitations de toute la fachosphère.

Memorial 98 

                                    
Actualisation du 24 octobre

Poisson a donc demandé "pardon" à sa manière.
Il s'adresse exclusivement aux "personnes membres de la communauté juive", comme si il s'agissait d'un conflit privé et personnel entre sa parole antisémite et les Juifs. Cet allié de Robert Ménard et Marion Maréchal Le Pen ne peut évidemment pas concevoir que son antisémitisme représente un problème beaucoup plus fondamental. Il précise d'ailleurs que ses collègues de droite connaissent fort bien ses positions qui sont de notoriété publique.
La question est donc à nouveau posée au parti LR et à son groupe parlementaire: vont-ils continuer à cohabiter avec un antisémite déclaré ?
Actualisation du 23 octobre:

Bruno Le Maire ne veut pas sanctionner Poisson et Fillon considère que ses prétendues "excuses"  sont suffisantes pour qu'il puisse poursuivre sa participation. La complaisance à l'égard de la diatribe antisémite et complotiste de Poisson se confirme donc. Fillon qui cultive l'amitié avec Poutine, se sent solidaire de son acolyte Poisson qui cultive la même orientation.


Actualisation du 22 octobre 2016
: de manière très prévisible, Jean Frédéric Poisson utilise la méthode du retournement victimaire pour se défendre: dans un entretien accordé au Point, le candidat à la primaire se présente comme "celui qui dérange" et qui paie sa franchise.

Face à NKM qui proteste contre ses propos, il se décrit aussi comme le "cousin de province " qui mange avec les doigts": la rhétorique est là encore empruntée à l'imaginaire antisémite classique de l'extrême-droite française, qui présente la société comme opposant des "élites urbanisées et mondialistes" , et le "pays réel" des "enracinés". 

On remarquera enfin que l'homme prend soin de rappeler l'une des fonctions de son discours antisémite contre Hilary Clinton: défendre Assad, Poutine et Trump. 

Quelles que soient les suites données à ses propos par les responsables des Républicains, les faits sont accablants pour le parti de droite: Jean-Frédéric Poisson n'a pas brusquement "viré de bord", ses positions de fond sont les mêmes depuis des années, et son appartenance aux cercles qui réunissent droite et extrême-droite est connue de tous. Comme l'était sa collègue, Christine Boutin, qui a été ministre de Sarkozy pendant des années.  

Memorial 98


                                 





 
 






mardi 18 octobre 2016

Lampedusa: récits d'une île d'accueil




Mis à jour du 27 mai 2017



Méditerranée: des milliers de migrants en difficulté au large de l'Italie. Le sommet du G7 en parle à peine, alors que sa tenue bloque les secours.

Des milliers de migrants étaient encore en détresse vendredi 26 mai au large de la Libye, alors que les quelque 6.400 secourus ces derniers jours arrivaient en Italie ou étaient encore en route, dans des conditions souvent difficiles.

En raison du sommet du sommet du G7 qui se déroule en Sicile, les débarquements y sont interdits cette semaine, ce qui rallonge considérablement le trajet des navires de secours.

"Heures d'angoisse avec des milliers de personnes à la dérive en Méditerranée. Les secouristes demandent des renforts, où il y aura encore des tragédies", a commenté Carlotta Sami, porte-parole en Italie du Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR), alors que plusieurs ONG s'interrogeaient: "Où sont les navires européens ? Où est Frontex ?".

- Ni eau, ni vivres -
Dans le même temps, plus de 6.400 personnes secourues cette semaine au large de la Libye ont pris la direction des côtes sud de l'Italie, dont environ les deux-tiers vendredi.
La Croix-Rouge italienne a annoncé que 250 bénévoles étaient mobilisés depuis l'aube dans les ports concernés, en particulier pour aider au regroupement des familles dont les membres ont été séparés au moment de l'embarquement ou du secours.
La tâche est délicate, d'autant que les migrants sont souvent répartis dès l'arrivée au port vers les innombrables centres d'accueil qui hébergent déjà quelque 175.000 personnes à travers toute l'Italie.
Pour les migrants déjà secourus mais encore en mer, la situation était souvent difficile: les navires commerciaux n'ont ni eau, ni vivres, ni couvertures à leur fournir, alors que les côtes sud de l'Italie sont à 48 heures de navigation, contre 24 heures pour la Sicile.

Le Prudence, affrété par Médecins sans frontières (MSF), a lancé un appel à l'aide vendredi, alors qu'il faisait route vers Naples, avec plus de 1.400 personnes à bord, le double de sa capacité.
Depuis le début de l'année, l'Italie a vu débarquer plus de 50.000 migrants sur ses côtes, sans compter ceux secourus ces derniers jours, tandis qu'au moins 1.442 autres sont morts ou disparus en mer, selon l'ONU.

L'actuel afflux n'a rien d'exceptionnel. Il y a exactement un an, plus de 13.000 personnes avaient été secourues en 5 jours fin mai 2016, tandis que plus d'un millier d'autres avaient trouvé la mort.

Et ainsi, les "grands de ce monde" devisent et organisent la traque aux migrants pendant que ceux-ci se noient ou sont sauvés par les bateaux des associations ou des garde-côtes.




MEMORIAL 98




Actualisation du 12 décembre 

« Fuocoammare » récompensé comme meilleur documentaire de l'année, lors de la 29e cérémonie de remise des prix du cinéma européen, le 10 décembre, à Wroclaw, capitale européenne la Culture 2016. 

C'est une bonne occasion de faire connaître cette oeuvre.

Memorial 98

Le documentaire italien Fuocoammare-Par-delà Lampedusa, de Gianfranco Rosi, sorti en février 2016, a obtenu un Ours d'or au festival du film de Berlin.

Fuo… mare… On bafouille quand il faut annoncer le titre à la caissière du cinéma.
 Mais heureusement Lampedusa figure aussi dans le titre enregistré dans notre mémoire, tel un message subliminal.
Combien de fois a-t-on entendu ou vu le nom de cette île sicilienne, à la radio, à la télévision, à la Une des journaux ? 
Des migrants qui accostent ou meurent en route sur le point d'atteindre leur objectif : rejoindre l'Europe afin de fuir la guerre et la famine, quel qu'en soit le prix à payer. 

Les premières images se fixent sur la mer d'huile, un ciel bleu intense, une île parsemée de vert, un nom poétique qui chante le soleil et la lumière. Fuocoammare signifie : ˝mer en feu˝. Pourtant l'eau et le feu ne font pas bon ménage !

Immédiatement, les gyrophares tournent, avant le drame. Ils bleuissent le ciel d'encre. Des hommes s'affairent, enserrés d'une combinaison blanche qui les protège des pieds à la tête.  
Ces silhouettes immaculées n'ont pas de visage. Leur corps s'agite sur un bateau militaire de sauvetage.
Blancheur d'une trêve pour les hommes, les femmes et les enfants en détresse, qui appellent au secours. Un porte-voix s'égosille afin d'obtenir la position de ce ˝rafiot˝ à la dérive où des êtres humains sont amassés. Ils abordent enfin. Les plus vaillants, ceux qui étaient en haut ou sur le pont, débarquent les premiers. Les plus faibles, ceux qui étaient dans la cale, dégagent une odeur de pétrole : ˝Ils pourraient s'enflammer˝ lance un sauveteur ...

Le coût de la traversée n'est pas le même qu'on soit en haut, sur le pont ou dans la cale : une hiérarchie dans l'échelle sociale, pour atteindre dans des conditions déplorables une terre promise.

Une étincelle dans la nuit : chaque naufragé est enveloppé dans une couverture de survie. 
Un sauveteur prend une photo tandis qu'un autre tient un petit carton à la droite des visages hagards. Une date et un numéro y sont inscrits. On les décompte, on les ˝nomme˝ : Lybie, Érythrée, Syrie, Somalie…
Épuisés, ils se meuvent comme des automates, les femmes pleurent; la caméra n'expose pas les enfants. Tous sont transis. 
C'est l'hiver à Lampedusa, la végétation est aride, l'île pelée. Un choix du réalisateur de filmer pendant cette saison.
Des images en filigrane : des corps inertes en hypothermie, gonflés d'eau et morts. La caméra, discrète, ne s'attarde pas.
Le réalisateur dresse le portrait le quelques autochtones de l'île : un médecin, l’animateur d'une radio locale, un enfant d'une douzaine d'années et sa grand-mère.
Un récit s'élabore, aller retour, entre la vie quotidienne des habitants et la radio qui parle de naufragés. Deux mondes se côtoient sans jamais se croiser. C'est le parti pris du réalisateur de ce documentaire subtil et singulier.

Les gyrophares illuminent inlassablement les nuits.
Les sauveteurs ont des gestes automatiques, presque rituels. Ils exécutent leur travail consciencieusement. Le médecin se penche vers ces êtres anéantis, grelottants de froid et leur prodigue des paroles réconfortantes.

Il fait jour, une mélodie s'égrène à la radio. L'enfant court dans la forêt. Sa grand-mère fait son lit, méthodiquement. Les draps immaculés n'ont pas un pli.

Demain on entendra qu'un bateau s'est renversé non loin des côtes faisant tant de morts.
Comme cette habitante, en train de plumer un poulet dans sa cuisine, commentera-t-on « pauvres gens » avant de partir faire le marché ?

Point de passage sur la route maritime entre l'Afrique et l'Europe, cette ile minuscule de vingt kilomètres carrés a vu passer depuis vingt ans quelque 400 000 migrants. Depuis 2010, la vague migratoire s'est accentuée. Le nombre de morts est saisissant : 15000 depuis 2010, 33000 depuis 2002, à la mesure du traitement dégradant imposé par l'Union européenne.

L'exploitation par les passeurs est scandaleuse: 1500 euros pour traverser en haut du navire, 1000 euros sur le pont, 800 euros dans la cale. 

Il faut aller voir ce film avant qu'il ne disparaisse des écrans, ou se procurer le DVD. Le sujet est impitoyable. Il ne s'agit pas d'une randonnée sur l'ile de Lampedusa telle qu'elle est décrite sur les dépliants destinés aux touristes.

Lampedusa, signifie ˝torche˝. Ce nom musical et lumineux n'évoque plus que des naufragés. Il y en a eu des centaines et puis des milliers.

Laurent Gaudé (écrivain français), dans son roman ˝Eldorado˝ paru en 2006, décrivait ces ˝voyages˝ avec un réalisme poignant. Personnage principal : un commandant, gardien de la citadelle Europe, chargé d'intercepter les embarcations des émigrants clandestins. Des histoires de vie de tous ces hommes et femmes en quête de liberté. Ils ont rêvé le paradis Europe. 

L'arrivée est fracassante de ces êtres harassés. Un roman d'une actualité brûlante.

EL


mercredi 28 septembre 2016

Au début de la Shoah: Babi Yar septembre 1941




                                      Le ravin de Babi Yar

Le 29 et 30 septembre 1941, trente-trois mille sept cents Juifs ukrainiens de tous âges et des deux sexes ont été tués par les nazis au lieu-dit Babi Yar (le «ravin de la vieille femme» en russe) à proximité de Kiev. 

Ce massacre est le plus important de cette première phase de la Shoah; il dépasse même les chiffres des tueries quotidiennes dans les camps de la mort.

Ce crime de masse survient dix jours après l'entrée des troupes nazies dans ce qui était alors la capitale de l'Ukraine soviétique. La ville de Kiev comptait 900.000 habitants, dont environ 120.000 Juifs .

Ces derniers ont été convoqués par les autorités allemandes à Babi Yar le 28 septembre, veille cette année là de la grande fête juive de "Yom Kippour"  et menacés d'exécution sur place en cas de désobéissance. 

Croyant d'abord à un départ vers un camp quelconque, les Juifs sont immédiatement conduits par groupes de dix vers le bord du ravin, obligés de se dévêtir et massacrés à la mitrailleuse. Les rescapés de ce premier massacre vont être tués à leur tour et jetés dans le ravin au cours des mois suivants, au rythme de deux jours de tuerie par semaine.


Le site de Babi Yar a été jusqu'en 1943 le théâtre d'exécutions massives: jusqu'à 100.000 personnes y ont été tuées, parmi lesquelles des Juifs, des Tziganes, des combattants de la résistance et des prisonniers de guerre soviétiques.

Après la guerre, la mémoire de ce début de la Shoah fut longtemps masquée.

Le carnage des 29 et 30 septembre 1941 a certes été révélé lors des grands procès de Nuremberg en 1946, mais les dirigeants de l'URSS, dont l'Ukraine faisait  alors partie, ont toujours cherché à minimiser ce drame, pour ne pas avoir à admettre que les victimes étaient juives. 

En effet, les autorités soviétiques staliniennes niaient et dissimulaient le caractère antisémite des exactions nazies, ajoutant ainsi  une occultation au génocide lui-même. 
Dans le cas de Babi Yar , les victimes juives étaient ainsi présentées comme des « citoyens soviétiques pacifiques » sans mention de leur judéité et de l'acharnement des nazis contre elles.  
Pendant des décennies, les rassemblements de commémoration furent interdits dans le ravin.
La publication en 1961 du poème  "Babi Yar" , du poète  russe contestataire Evgueni Evtouchenko, fit l'effet d’un choc salutaire, car il proclamait que les victimes étaient  exterminées parce que juives et il évoquait les pogroms en Russie. 

Le poème débute ainsi : 

" Non, Babi Yar n'a pas de monument.
Le bord du ravin, en dalle grossière.
L'effroi me prend.
J'ai l'âge en ce moment
Du peuple juif. Oui, je suis millénaire.
Il me semble soudain-
l'Hébreu, c'est moi, ..."

En 1966, les autorités soviétiques érigèrent sur place un monument qui ne mentionnait toujours pas les victimes juives. 
Ce n’est qu’en 1991, après la chute de l'URSS, que le gouvernement ukrainien autorisa la création d'un monument spécifique à ces victimes. Ce monument fut inauguré 10 ans plus tard, en septembre 2001, soit soixante ans après les faits.

L'exécution de Babi Yar s'est déroulée le jour de la fête la plus importante du calendrier juif, Yom Kippour. 
Les nazis, dans leur rage antisémite, utilisaient souvent les dates des fêtes religieuses juives afin de procéder à des persécutions particulières.

Ni oubli, ni pardon: la mémoire des crimes du nazisme inspire nos combats


         






mercredi 31 août 2016

Discrimination au restaurant Le Cénacle: que cachent les accusations contre les victimes ?

On aurait tort de penser que l'affaire des deux femmes insultées et chassées d'un restaurant à Tremblay en France, au motif explicite qu'elles étaient musulmanes, est un incident extraordinaire et isolé: en réalité, la discrimination islamophobe est banale, ce qui l'est moins, ce sont les preuves irréfutables et accablantes. 

Pour une fois, parmi tant d'autres, les victimes ont pu filmer le racisme dans toute son expression la plus crue. Ce qui permet la médiatisation, mais aussi et surtout une plainte qui a des chances d'aboutir. En effet, en l'absence de preuves, dans une période où malheureusement le rapport de forces en faveur des antiracistes est défavorable, la seule parole des victimes est bien souvent ignorée, et bien souvent aussi, décrédibilisée, minorée, ignorée. 

A titre d'exemple particulièrement grave, on rappellera les deux jugements rendus successivement par le tribunal et la Cour d'Appel de Pau en 2015, qui avaient entraîné la relaxe d'une gérante de camping : celle-ci avait exigé d'une femme qu'elle enlève son voile ou qu'elle quitte immédiatement les lieux. Mais une fois devant le juge, elle avait affirmé que ses propos n'avaient pas été aussi catégoriques, que la femme et son mari étaient partis d'eux même après une altercation sans gravité, sans quoi "un arrangement aurait pu être trouvé". Cette justification odieuse et absurde avait suffi à motiver la décision des juges qui avaient décidé que la discrimination n'était pas prouvée. 

Le propriétaire du restaurant Le Cénacle, lui ne pourra pas nier la clarté raciste de ses propos.La campagne de solidarité comme la médiatisation de l'affaire peut évidemment encourager d'autres victimes à avoir le réflexe d'enregistrer le racisme dont elles sont victimes. Une victoire judiciaire serait aussi un encouragement pour toutes celles et ceux qui de guerre lasse, ne portent pas plainte contre les discriminations qu'ils subissent au quotidien.

Evidemment, dans le camp islamophobe et raciste, on est parfaitement conscient du problème. Certes, le restaurateur du Cénacle est promu au rang de héros par tous les sites d'extrême-droite , dont certains n'hésitent pas à inviter à suivre son exemple. Seulement, lui même a préféré s'excuser hypocritement suite à la mobilisation, et celle-ci a rendu visible un rapport de forces qui ne va pas forcément encourager les militantEs et sympathisantEs racistes à jouer les francs-tireurs.

C'est la raison pour laquelle l'ensemble du camp islamophobe a déployé une offensive importante, fondée sur la stratégie classique du retournement victimaire: le pauvre restaurateur aurait été victime d'une "manipulation". 

Très significativement, la même thèse est propagée par Fdesouche et par les réseaux prétendûment laïques de Manuel Valls ou de Jean-Pierre Chevènement, par exemple dans une tribune signée d'une secrétaire nationale du MRC, Fatiha Boudjahlat: le restaurateur serait la victime d'une "provocation islamiste ". En clair, les deux femmes auraient fait exprès de venir dans ce restaurant , sachant qu'elles n'y seraient pas les bienvenues pour provoquer une réaction raciste , la filmer et la dénoncer. Et le pauvre restaurateur " poussé à bout" aurait craqué et serait tombé dans le "piège islamiste". 

Une partie des médias, notamment Le Parisien,  n'hésite pas à reprendre cette thèse , en l'étayant d'ailleurs avec des arguments qui laissent pantois, d'autant qu'ils sont présentés comme émanant de "sources policières". Le fait qu'aucune des deux femmes n'habite Tremblay, mais d'autres villes, est présenté comme un élément à charge. On apprend ainsi avec intérêt que les femmes musulmanes "normales" devraient donc rester dîner dans leur commune d'origine et ne pas franchir de frontières communales sans être suspectes. 

Les deux femmes, comme leur défense ont rejeté avec force ces accusations, et quiconque n'appartient pas au camp raciste n'a évidemment aucune raison de discuter leur parole de victimes qui ont eu le courage de dénoncer. 

Mais pour le camp antiraciste, l'enjeu est encore bien plus grand: il ne s'agit pas seulement de dénoncer l'utilisation de la thèse du complot, argument éculé des racistes et des antisémites à chaque agression, à chaque acte révélé. 

En effet, ce qui est présenté comme une manipulation inacceptable , si  elle avait correspondu à la réalité serait tout bêtement un  outil des plus communs et  des plus efficaces de l'antiracisme: le testing. 

En réalité, il n'y a jamais assez de militantEs pour mener sciemment des opérations qui permettront de démasquer des racistes qui sévissent au quotidien, et de faire cesser des discriminations qui ne sont jamais sanctionnées parce que le plus souvent, les concernéEs ne peuvent en apporter la preuve. 
La solitude de la victime face à celui qui discrimine ne se résume pas seulement aux situations dans lesquelles elle est seule avec son oppresseur quand celui-ci l'exclut ou l'agonit d'injures. La présence de témoins ne suffit pas: d'une part, parce que ceux-ci ne sont pas toujours disposés à témoigner, pour des raisons multiples. Le statut social de l'oppresseur, la crainte d'avoir des ennuis, la complaisance ou tout simplement l'indifférence suffisent souvent à ce qu'une scène survenue aux yeux de tous ne se retrouve confirmée par personne devant la justice et la police. Bien souvent aussi, être victime de racisme direct et ouvert suscite des réactions légitimes de sidération, d'abattement, de peur, et de pessimisme qui mettent du temps à se dissiper, si bien qu'il est trop tard lorsqu'on se décide à réagir. Si on se décide, parce que l'envie d'oubli et d'avancer est tout aussi légitime. 

Le testing pratiqué sciemment est évidemment une arme qui permet d'éviter tout cela, de rassembler des preuves et de mener méthodiquement une offensive efficace contre des instititutions, des entreprises ou des individus qui verront enfin leur impunité remise en cause. Et bien au delà, des condamnations judiciaires qui peuvent ainsi frapper les racistes un par un, l'existence même de ces pratiques en dissuadera bien d'autres, qui face à des victimes potentielles, garderont à l'esprit que celles-ci sont peut-être bien aussi organisées, solidaires et offensives.

Voilà tout l'enjeu de l'affaire de Tremblay et de la réponse antiraciste à y apporter.

Dénoncer les accusations odieuses des islamophobes d'une part. Celles-ci s'inscrivent dans l'offensive plus globale visant à faire des personnes assignées musulmanes des coupables du seul fait d'exister , au restaurant, à la plage, partout. Des coupables qui mériteraient plus ou moins la violence et la persécution dont elles sont victimes. 

Défendre la lutte antiraciste , d'autre part. Provoquer les racistes, les tromper, les manipuler pour les démasquer et amplifier le rapport de forces pour les neutraliser, c'est un combat légitime, nécessaire et urgent. 

Les deux femmes courageuses qui ont eu le sang-froid de penser aux preuves de la discrimination dont elles étaient victimes n'avaient pas prémédité leur courage. Mais les militantEs antiracistEs devraient, encouragés par leur acte,  songer à multiplier les "préméditations" et les "provocations" pour enfin, faire reculer les discriminations.

jeudi 25 août 2016

Sarkozy est l'ordonnateur direct des arrêtés anti-burkini





                                   A Nice, les policiers de Estrosi en action.







Plusieurs mises à jour à la suite de l'article dont une rappelle le rôle central de David Lisnard, maire de Cannes.

25 aout
C’est l’entrée en campagne de Sarkozy pour la primaire de la droite qui a déterminé la décision des maires de son parti de prendre des arrêtés dit « anti-burkini » et d’ouvrir ainsi un nouvel épisode de la stigmatisation des musulman.e.s de ce pays.

Nulle théorie du complot dans ce constat mais un examen de la chronologie des événements, des thèmes de campagne sarkozystes et du casting de ses responsables ( Hortefeux, Wauquiez, Ciotti) . 
On y ajoutera le mode de fonctionnement très centralisé des soutiens de Sarkozy, qui laisse fort peu de place aux initiatives locales  

Le 28 juillet, le maire LR de Cannes, David Lisnard,  relativement peu connu, prend le premier arrêté. C'est un proche de Ciotti.
Il est immédiatement suivi par le député-maire de Villeneuve-Loubet LR Lionnel Luca, qui se présente comme le représentant de la "garde de fer sarkozyste " adepte des références antisémites et nostalgique du fascisme roumain. 
Son arrêté reprend exactement les termes de celui de Cannes
Puis vient Estrosi, dont on sait qu'il est le petit télégraphiste habituel de Sarkozy, malgré quelques mises en scène de brouilles temporaires.

A cette période Sarkozy a  évidemment déjà fixé le cadre de sa campagne qui sera lancée par son interview à Valeurs actuelles le 11 aout.  
Son livre est bouclé, les ralliements de dirigeants LR sont en cours.

Peut-on penser un seul instant que les maires en question agissent alors de leur propre initiative ? C'est en coordination directe avec lui, voire à son initiative personnelle qu'ils publient leurs arrêtés identiques.
D'ailleurs, dans l’un des phrases clé de son interview au journal de la droite radicale, Sarkozy déclare à propos du FN :   

"Les Français ont vu que le FN avait atteint un plafond de verre aux dernières élections. Il nous faut les ramener vers nous en répondant à leurs attentes et en proposant des solutions concrètes." 

Sarkozy ne condamne donc pas la politique raciste du  FN sur le fond (il ne le fait jamais, comme le montre ce florilège)  mais lui reproche son inefficacité, laquelle contrasterait avec sa propre capacité à mettre en œuvre des politiques équivalentes. Dès lors, les arrêtés apparaissent comme un exemple de cette capacité


Sarkozy prolonge ainsi la ligne explicitée par son porte-parole l’ex-ministre Eric Woerth:
« Pour endiguer le FN, il faut montrer que la barrière est infranchissable en refusant toute alliance. A partir du moment où la digue est érigée, on peut aller très loin en s’approchant le plus possible de la frontière ».

Il s'agit  pour Sarkozy et LR  de capitaliser doublement, d'une part en légitimant les thèses racistes et islamophobes du FN afin de s'adresser à l'électorat de l'extrême-droite, tout en se proclamant les seul capables d'empêcher le désordre, notamment économique, que le FN apporterait selon eux.

Ou exprimé plus brutalement par Simonpieri (expert en la matière, maire de Marignane sous la bannière FN, intégré à l'UMP par Gaudin en 2004)  au lendemain du premier tour de la présidentielle de 2007 qui sert de référence à la Sarkozie :
«Beaucoup d'électeurs FN ont constaté que Nicolas Sarkozy disait les mêmes choses que Le Pen, mais que lui avait une chance de les mettre un jour en application. Ils ont donc voté utile. Parce qu'ils ont cessé de croire à l'accession de Le Pen au pouvoir» ( in Le Canard enchaîné du 25 Avril 2007

On retrouve donc le fond de commerce habituel de Sarkozy lors de ses campagnes de 2007 et 2012 et même dès 1998 (avant toute menace islamiste)  lorsqu’il approuve explicitement avec Balladur la thèse lepéniste de la  « préférence nationale »  mais cette fois-ci  pour 2017, il joue plus gros.

D’une part il doit affronter une primaire alors qu’il traîne des casseroles judiciaires et le souvenir de son échec. D’autre part Marine Le Pen et son parti sont en ordre de bataille.

Sarkozy cherche donc une transgression majeure inaugurant sa campagne, comme celle du Ministère de l'Identité Nationale en 2007.
 Il ne se satisfait pas de la remise en cause du droit du sol et du regroupement familial. Il lui faut un thème plus explosif et de plus susceptible de créer un écho au sein des courants de gauche sensibles à la propagande islamophobe. 
Là aussi le modèle de 2007 le hante, qui avait vu le ralliement de responsables du PS dont Eric Besson puis Bernard Kouchner. 

Il a déjà constaté en 2015 que Valls et Hollande avaient été disposés à reprendre son idée (commune avec le FN) de déchéance de nationalité.
Sait-il que cette fois-ci, à nouveau, Manuel Valls approuvera les arrêtés des maires de droite et que nombreux seront ceux  et celles qui à sa suite danseront au son de la musique raciste et islamophobe en pensant (ou feignant de penser) qu’on défend ainsi la laïcité, voir le droit des femmes ? 
Devine-t-il que Valls ira jusqu'à blâmer en direct Najat Vallaud-Belkacem afin d'imposer à gauche la ligne ignoble de Sarkozy, comme dans le cas de la déchéance de nationalité?
La ministre de l’Éducation nationale a fort modérément affirmé que "la prolifération des arrêtés" n'était "pas la bienvenue" et a ajouté "Jusqu’où va-t-on pour vérifier qu’une tenue est conforme aux bonnes mœurs ?" puis a évoqué une "dérive politique dangereuse pour la cohésion nationale" qui "libère la parole raciste". 
Valls la désavoue en direct et réaffirme son soutien aux mesures des maires LR parrainées et initiés par Sarkozy .
Notons que la ministre de la Santé, Marisol Touraine, s'oppose aussi aux arrêtés anti-burkini et à la stigmatisation du voile.

Dès lors, quoi de plus facile et de plus pervers pour Sartkozy que de s’attaquer aux femmes musulmanes, accusées de "faire allégeance au terrorisme" ? Qu’importe que le burkini et la présence à la plage soient honnis par les fondamentalistes islamistes? Qu’importe  que cette polémique génère une fracture chez de nombreux musulmans et puisse alimenter le discours djihadiste, comme l’explique le spécialiste David Thomson ? 

Sarkozy fait donc lancer par les maires LR la vague de l’attaque généralisée.
Dès sa première émission de télévision en tant que candidat, le 24 août il redouble ses coups et esquisse une interdiction généralisée du voile à l’Université, dans les entreprises, et sans doute demain dans la rue.

Sarkozy ne lâchera plus ce thème. 
Face à son offensive et à ses dangers, il ne doit plus être question de recul ou d’accommodement. C’est l’avenir du vivre-ensemble et même de la démocratie qui sont en jeu.

PS : Memorial 98, qui combat résolument la politique xénophobe de Sarkozy, avait en 2007 défendu ce dernier contre les attaques pétainistes de Jean-Marie Le Pen. Celui mettait en cause les " 3 grands-parents étrangers" de Sarkozy. Nous avions alors révélé qu’il s’agissait d’une référence directe au statut des Juifs de 1940. Au même moment Sarkozy faisait récolter par Nadine Morano des signatures d’élus en faveur du même Le Pen.   

  MISES A JOUR
 
 
17 Novembre 2021
David Lisnard élu président de l'Association des Maires de France: c'est lui qui a lancé la grande manipulation raciste du burkini sur ordre de Sarkozy qui débutait ainsi sa campagne pour la primaire de la droite
Un dossier de L'Obs  en rappelle le déroulement: 
"Mi-août 2016, Nicolas Sarkozy s’apprête à officialiser sa candidature à la primaire. Lui qui veut faire campagne sur l’identité française devine l’intérêt à exploiter l’affaire du burkini. Au cours du week-end, il félicite par téléphone David Lisnard et Lionnel Luca [les maires de Cannes et Villeneuve-Loubet, qui ont pris les premiers arrêtés anti-burkini]. Le fait savoir. […]

Dès le 16 août, trois de ses soutiens annoncent l’interdiction du burkini sur leurs plages : Michel Py à Leucate, Natacha Bouchart à Calais, Daniel Fasquelle au Touquet. […] Dans les Alpes-Maritimes, après les arrêtés pris isolément par les maires de Cannes, Mandelieu et Villeneuve-Loubet, un mouvement bien plus organisé se prépare.

Pression sur les maires

Un homme joue le rôle de détonateur : Xavier Beck, maire de Cap-d’Ail, commune de 5.000 habitants collée à Monaco. Beck est un protégé d’Eric Ciotti, lieutenant de Sarkozy et homme fort du département. […] Le 16 août, il envoie son texte anti-burkini à la préfecture. […] Dans la foulée, quatre communes voisines de Cap-d’Ail prennent le même arrêté : Saint-Jean-Cap-Ferrat, Villefranche-sur-Mer, Beaulieu-sur-Mer et Eze. […]

Le mouvement est lancé. Sur les maires du littoral qui n’ont pas pris d’arrêté, la pression est immense. […] Les édiles les plus réticents finissent par signer : Roquebrune, Théoule-sur-Mer, Saint-Laurent-du-Var.

"Je lisais que le burkini était interdit partout ailleurs et je me disais : ces femmes vont toutes venir chez moi", se souvient Joseph Ségura, maire de Saint-Laurent-du-Var.

A son tour, Christian Estrosi, le "vrai-faux maire" de Nice, signe un arrêté le 19 août. A contrecœur, tant il voit la main de son rival Ciotti derrière ce déferlement. Plus tard, il dira :

"C’est un non-sens d’avoir pris ces arrêtés."

Regrets similaires chez Stéphane Cherki, maire d’Eze : "J'ai peut-être fait une erreur."

Le mensonge se fissure

Dans les Alpes-Maritimes, une douzaine d’arrêtés sont pris en une semaine. Officiellement, pas un coup de fil, aucun mot d’ordre. Le maire de Menton, Jean-Claude Guibal, invoque des "fluides magnétiques" pour expliquer que tous aient senti la même urgence, au même moment, de signer le même arrêté, copié-collé de celui de Cannes.

Il nous faudra promettre l’anonymat pour que ce mensonge se fissure.

"Oui, les maires se sont parlé. On nous a réclamé un soutien moral, il fallait montrer notre solidarité", lâche un édile. "Bien sûr qu’il y a eu un donneur d’ordres", témoigne un autre élu. Pour les sarkozystes, l’objectif est atteint : à la télévision, dans la presse, dans les dîners, on ne parle que du burkini…"

MEMORIAL 98






 
Actualisation du 5 octobre 2016
Sarkozy poursuit son escalade et confirme qu'il était bien à la manœuvre sur le burkini:
Le candidat à la primaire a semblé confirmer ce 5 octobre l'information selon laquelle son entourage planchait sur un texte interdisant le voile dans la rue, à l'exclusion de tous les autres signes religieux.
Ses conseillers  travailleraient sur un texte législatif qui interdirait  le port du voile dans l'espace public, rapportent plusieurs médias.
 "Pas de voile, pas de burkini, pas d'horaires spéciaux dans les piscines, c'est l'égalité", a lancé Sarkozy ce 5 octobre sur Radio Classique. 
"Préparez-vous un projet pour interdire le voile?", lui a demandé le journaliste Guillaume Durand. "Exactement", a répliqué l'ancien président de la République. "Oui ou non?", l'a relancé le journaliste. "Oui", a insisté Nicolas Sarkozy.
Après avoir directement organisé la vague d'arrêtés anti-burkini (voir ci-dessous) Sarkozy lancerait donc une nouvelle offensive, confirmant ainsi le commentaire de Jean-Marie Le Pen qui lui adresse ses félicitations et considère que l'ancien président se " Jean Marise".

Les démentis diffusés par ses communicants, qui prétendent qu'il s'agissait uniquement de l'interdiction du burkini ou du voile intégral (déjà interdit par la loi) montrent que Sarkozy cherche en permanence à focaliser le débat sur ses provocations et manipulations islamophobes. 

MEMORIAL 98 


Actualisation du 6 septembre 2016
La vérité sur la manipulation de Sarkozy commence à se faire jour et confirme nôtre analyse, formulée ici dès le 25 aout. 

Selon l'hebdomadaire l'Express, un maire LR et juppéiste d’une ville du Sud-Est a livré le témoignage suivant  : « Nicolas Sarkozy a appelé lui-même certains maires pour qu’ils signent des arrêtés interdisant le burkini! Eric Ciotti [président du conseil général des Alpes-Maritimes, qui est l’un de ses porte-parole, NDLR] téléphonait et l’ancien chef de l’État passait derrière pour remettre un coup de pression.  »



Actualisation du 29 aout

Sarkozy veut changer la Constitution.

A nouveau Sarkozy poursuit le plan de provocation raciste qu'il a initié par la promulgation des arrêtés anti-burkini. 
Il réclame maintenant un changement de la Constitution en prétextant qu'on " ne peut pas laisser les maires seuls face à la situation".
Il veut ainsi imposer une loi d'interdiction du burkini, voire du voile.
L'incendiaire Sarkozy prétexte  du feu qu'il a allumé afin de poursuivre à jeter de l'huile sur les flammes.
Cette campagne et le climat créé sont  d'ores et déjà responsables du grave incident de Tremblay (93) au cours duquel un restaurateur a chassé des femmes musulmanes de son établissement.

Ceux et celles qui prêtent la main à l'entreprise sarkozyste, et au premier plan Manuel Valls, ou qui gardent le silence, prennent une lourde responsabilité. On favorise ainsi la diffusion des idées les plus toxiques. Le FN et Daech peuvent se frotter les mains. 

Memorial 98 


 

Actualisation du 26 aout 2016:

Le Conseil d’État a censuré et suspendu l'arrêté anti-burkini de Villeneuve-Loubet, mais la droite et ses alliés FN, ainsi que Manuel Valls, persistent et escaladent.  

L’ordonnance du Conseil d’État précise fort bien que « l’arrêté litigieux a ainsi porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. »
C'est aussi un désaveu direct de Manuel Valls, soutien acharné de ces mesures discriminatoires, qui prétend parler au nom du gouvernement.
Malgré ce désaveu de la haute juridiction, Sarkozy, parrain de toute l’affaire, ne lâchera évidemment pas le plan diabolique qu'il a concocté avec les maires LR de sa garde rapprochée, dont Lionnel Luca de Villeneuve-Loubet  et Estrosi.  
Ces derniers ont d’ailleurs refusé d’annuler leurs arrêtés.
Les déclarations de Sarkozy  à la télévision et lors de son premier meeting à Châteaurenard démontrent à nouveau qu’il met en œuvre un plan soigneusement prémédité, puisqu’il a immédiatement réclamé une loi permettant d’interdire le burkini.
Dans son sillage, la plupart des ténors de droite (sauf Juppé) et le FN  ont appelé à modifier la loi actuelle.

La bataille va donc se poursuivre et même s’amplifier.