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vendredi 16 juillet 2021

Shoah, étoile jaune, Rafle du Vel' d'Hiv, Mont Valérien, apartheid: l'outrage des complotistes


Mise à jour du 13 décembre 2021

Mont Valérien: profanation ignoble par des antipass/vax du lieu où les nazis ont fusillé plus de 1000 résistants, dont ceux de l'Affiche rouge et de nombreux Juifs otages. Les profanateurs utilisent les caractères de la SS ( ci dessous) dans leur inscription de cinquante mètres de long et c'est ce qu'ils sont eux-mêmes

 



 

 

Un contexte particulier 


 

La commémoration de la rafle du Vel' d'Hiv' du 16 et 17 juillet 1942 se déroule cette année dans un contexte nauséabond.

En effet la pandémie actuelle du Covid donne déjà lieu à une déferlante de propagande antisémite et complotiste sous la forme la plus violente.

Dans la dernière période, cela a pris la forme de l'assimilation de la vaccination et du pass sanitaire à la Shoah et à l'Apartheid .

Des étoiles jaunes sont brandies par les opposants organisés à la vaccination. On condamne un "pass nazitaire" et compare ce pass à l'inscription sinistre du portail d'Auschwitz (ci-dessous)




                                
                               Colère de Joseph Szwarc, 94 ans, rescapé de la rafle du Vel 'd'Hiv,  qui a porté l'étoile jaune, contre les comparaisons répandues ces jours-ci

                                   Vague de comparaisons nauséabondes

L'eurodéputée EELV Michèle Rivasi évoque l'Apartheid. C'est une multi-récidiviste en matière de complotisme anti-vaccins. Elle a plusieurs fois coopéré avec le médecin ultra-réactionnaire Henri Joyeux, opposant enragé au droit à l'IVG et pourfendeur des vaccins.

Les partisans de Florian Philippot, auto-proclamé chef de l'opposition à toute précaution face au Covid, sont au premier rang de cette manipulation qui revient à minimiser et banaliser le génocide des Juifs ou l'apartheid. 

Ainsi le 15 mai dernier, les partisans de Philippot se rassemblaient à Orléans, arborant des étoiles jaunes et une banderole "Liberté" (voir ci-dessous)

 



Le chef des " Patriotes" organise d'ailleurs une manifestation de "liberté" le samedi 17 juillet, à la date du deuxième jour de la rafle de 1942. 


 

 

On ne peut qu'être choqué et horrifié par l'appel de Fançois Ruffin, député LFI, coutumier des propos confusionnistes à se joindre "aux manifestations" de ce type. Il avait déjà congratulé le négationniste antisémite Étienne Chouard 

Le Figaro peut ainsi titrer "Ruffin, Philippot, Dupont-Aignan et Asselineau appellent à manifester contre le passe sanitaire " 

Or durant la campagne présidentielle de 2017, ce même Philippot, alors numéro deux du FN et porte-parole omniprésent de Marine Le Pen, avait délibérément lancé une polémique contre la reconnaissance historique le 16 juillet 1995 par Chirac de la responsabilité des autorités françaises dans cette rafle et dans la déportation des Juifs de France. 

Par un grossier tour de passe-passe, il évitait de condamner Pétain et le régime de Vichy, afin selon lui de préserver " la fierté de la France" Il déclarait ainsi:   "On peut être fier de l'histoire de France", a commencé le soutien de la candidate ( Philippot), en dénonçant la repentance de certains dirigeants. Une journaliste lui demande alors s'il pense que le discours de Jacques Chirac en était. "J'ai toujours été dans la position traditionnelle de la France à savoir que la France était à Londres. Je reste fidèle à cette histoire", a répondu Florian Philippot.

"Le responsabilité de l’État français dans la Collaboration n'est pas un fait historique?", le relance alors un journaliste. "La responsabilité de Français oui. De L’état français, non. Je mets la France et la République à Londres", conclut le conseiller de Marine Le Pen.

Marine Le Pen avait ensuite emboité le pas, en déclarant à deux semaines du premier tour de la présidentielle  : « Je pense que la France n’est pas responsable du Vél’ d’Hiv’ ». Il s’agissait manifestement d'un choix stratégique, car elle redoublait ainsi le propos de Philippot
Dans l’émission « Le Grand Jury RTL-LeFigaro-LCI » du 9 avril, le journaliste Olivier Mazerolle l’avait interrogée sur son programme prônant « la promotion du roman national et le refus de repentance ». Il lui avait demandé si Jacques Chirac avait eu tort de prononcer son discours de 1995 sur le Vél’ d’Hiv, dans lequel il avait reconnu la responsabilité de la France.  « Je pense que la France n’est pas responsable du Vél d’Hiv' », a-t-elle répondu, se plaçant ainsi en opposition à cette reconnaissance. 

La justification de la chef frontiste se dévoila ensuite, lorsqu’elle poursuivit dans une argumentation manifestement reprise  des propos de Philippot:  « …  La France a été malmenée dans les esprits depuis des années. En réalité, on a appris à nos enfants qu’ils avaient toutes les raisons de la critiquer. De n’en voir que peut-être que les aspects historiques les plus sombres. Je veux qu’ils soient à nouveau fiers d’être Français. »
La diatribe de la chef frontiste avait fait ressurgir en pleine lumière non seulement la continuité antisémite du FN mais également l’histoire originelle de ce parti, dont nombre de fondateurs étaient issus de la collaboration avec les nazis.

Nous condamnons également la reprise par Jean-Luc Mélenchon d'une argumentation proche de celle de ces duettistesRéagissant aux propos de Marine Le Pen, il avait estimé dans un premier temps que ce qu'elle avait dit "déclench[ait] des polémiques absolument inutiles. L'Histoire de France a fait que les présidents successifs ont fait évolué la question et le regard que l'on portait dessus." "Pourquoi rallume-t-elle cette querelle? Pour blesser?", se demandait-il alors . "Le président Chirac a dit une fois une chose ( discours de 1995 ). Tâchons de nous tenir à une continuité dans notre regard sur l'histoire."  « Sur cette affaire, il devient très difficile de dire que personne n'y est pour rien, alors que c'est la police française qui a organisé la rafle (...) Ça blesse, ça crée une polémique inutile.» "La République française n'est pas coupable mais la France l'est", notait-il." Donc une réaction certes modérée à l'égard de la cheffe frontiste, mais clairement dans l'esprit du discours de Chirac en 1995. 

Mais quelques semaines plus tard, à l'occasion de la commémoration du 75e anniversaire de la même rafle, le chef de la LFI disait exactement l'inverse et se retrouvait ainsi aux côtés du FN ainsi que de Sarkozy, pourfendeur de la repentance française  y compris à l'égard de la Shoah. 

Mélenchon écrivait alors : "Après cela, déclarer que la France est responsable de la rafle du Vel d’Hiv’ est là encore un franchissement de seuil d’une intensité maximale.  Mais dire que la France, en tant que peuple, en tant que nation est responsable de ce crime c’est admettre une définition essentialiste de notre pays totalement inacceptable..." . Jamais, à aucun moment, les Français n’ont fait le choix du meurtre et du crime antisémite ! Ceux qui ne sont pas juifs ne sont pas tous, globalement et en tant que Français, coupables du crime qui a été commis à ce moment-là ! Tout au contraire, par sa résistance, ses combats contre l’envahisseur et par le rétablissement de la République dès que celui-ci a été chassé du territoire, le peuple français a prouvé de quel côté il était réellement. Il n’est pas au pouvoir de Monsieur Macron d’assigner tous les Français à une identité de bourreau qui n’est pas la leur ! Non, non, Vichy ce n’est pas la France !"

Mélenchon  choisissait au passage de déformer les propos de Macron. Ce dernier n'avait fait qu'actualiser le discours de Chirac en 1995, en y introduisant une référence évidente à Marine Le Pen et en rappelant de la IIIe République était déjà ravagée par le racisme et l'antisémitisme, notamment lors des émeutes fascistes de 1934 et lors de l'accession au pouvoir du Front Populaire et de Léon Blum

Macron mettait en valeur le rôle des résistants les plus précoces, en les opposant à ceux qui collaboraient avec les nazis. Il était bien loin d’"assigner tous (!) les Français à une identité de bourreau " comme Jean-Luc Mélenchon ( JLM) faisaitt semblant de le croire. Au passage, ce dernier semblait impliquer que contrairement aux Français, d'autres populations auraient "fait le choix du meurtre et du crime antisémite". Il s'agit d'une allusion assez limpide à l'Allemagne et au prétendu vote majoritaire pour les nazis en 1933.

En se positionnant ainsi, le chef de la LFI   se plaçait, une fois de plus, dans le sillage de celui qu'il présente comme son inspirateur et modèle politique, c'est à dire François Mitterrand. Il reprenait d'ailleurs quasiment mot pour mot les termes que ce dernier utilisait afin de minimiser les responsabilités françaises dans la responsabilité des autorités françaises, au prix d'arguties juridiques de mauvaise foi.  

Car Mitterrand n'a pas du tout été "mutique" à propos  de la rafle du Vel d'Hiv' et plus généralement  à propos de la persécution des Juifs sous Vichy , contrairement à ce que Macron a choisi de  dire diplomatiquement lors de son discours . Au contraire, il a maintes fois marqué son inclinaison pour l'ambiguïté,  le mensonge, et la dissimulation en la matière. 

On connait notamment son amitié et sa complicité maintenues pendant de très longues années avec René Bousquet, chef suprême de la police de Vichy et signataire des accords dits "Bousquet-Oberg" ( général SS, chef supérieur de la SS et de la police en zone occupée) établissant la déportation des Juifs et la place centrale de la police française dans ce processus. Bousquet est l'organisateur de la rafle du Vel' d'Hiv' ainsi que de celle de Marseille en 1943 .

Le sachant parfaitement, Mitterrand agira afin de retarder le procès qui doit enfin s'ouvrir contre son ami Bousquet au milieu des années 1980. C'est ce qu'établissent les juristes de la mission de la FIDH qui font savoir que « il y a une décision politique au plus haut niveau de ne pas faire avancer l’affaire Bousquet ». Après une nouvelle plainte pour crimes contre l'Humanité déposée contre lui en 1989, Bousquet comme beaucoup d'autre bourreaux ne sera jamais jugé, car il est assassiné en 1991.

Mais il y a un autre fait: chaque 11 novembre, de 1987 à 1992, Mitterrand alors président de la République, a fait déposer une gerbe de fleurs présidentielle sur la tombe du Maréchal Pétain, à l’île d’Yeu, au prétexte du rôle de ce dernier lors la première guerre mondiale

Les associations de résistants et de victimes du nazisme avaient beau protester unanimement, rien n'y faisait. En 1992 le scandale fut plus important, car une large campagne publique se déroulait contre ce geste de révérence à l'égard du chef de la collaboration.

Du coup, le préfet de la Vendée, chargé par la présidence de la République de fleurir la tombe au nom du chef de l’État le 11 novembre, dut attendre cette année-là 17 h 15 pour se rendre en hélicoptère sur l'île d'Yeu, lieu de sépulture de Pétain. Il craignait  d'être confronté aux manifestants présents sur place. C'était juste après que Serge Klarsfeld et la quarantaine de personnes l'accompagnant eurent pris le dernier bateau régulier de retour de l'île. Ils étaient venus «s'assurer qu'une gerbe ne sera plus déposée sur la tombe de Pétain par le président de la République». Au bout du compte, la gerbe du préfet côtoyait celles déposées dans les heures précédentes par Jean-Marie Le Pen et par "l'Association nationale Pétain Verdun" (ANPV, émanation des nostalgiques de Vichy). 

Devant l’ampleur du scandale, Mitterrand fut contraint de suspendre l'hommage à Pétain à partir de 1993, c'est à dire à la toute fin de son deuxième septennat .

Or, c'est Pétain qui a promulgué le statut discriminatoire des Juifs dès 1940 et l'a même personnellement aggravé par des annotations. C'est lui qui a instauré la collaboration avec Hitler et l'Allemagne nazie.

On comprend dès lors que Mélenchon, disciple revendiqué de Mitterrand, préfère semer le confusion sur les responsabilités des uns et des autres dans la déportation des Juifs de France, afin de protéger la mémoire de son mentor.

 Une deuxième vague antisémite

La campagne actuelle consistant à salir la mémoire des victimes de la Shoah et de l' Apartheid  vient à la suite d'une première vague déjà très violente. 

Soral, toujours en liberté malgré ses condamnations à des peines de prison ferme,   était évidemment  au premier plan avec sa vidéo nommée Couillonavirus Communauté organisée qui tient la France. Il y stigmatisait 

"le gang qui a en charge la médecine d’État : Buzyn, Lévy, Bauer, Hirsch, Jacob, Guedj, Salomon… C’est la liste de Schindler. » il éructe que les Juifs « veulent faire du pognon sur le dos des Français, affaiblir le peuple français par le nombre de morts » .

Cette propagande se focalise notamment sur la diabolisation d’Agnès Buzyn et de son mari Yves Lévy, ancien directeur de l’Inserm.
Elle prend notamment pour prétexte d’une part le rôle de l’ancienne ministre de la Santé dans les débuts de l’épidémie et d’autre la présence d’Yves Lévy lors de l’accréditation d’un laboratoire de recherche de haute sécurité financé par la France à Wuhan, le 23 février 2017. 

Selon ces théories, le virus du Covid est issu de ce laboratoire et a été volontairement répandu avec la complicité, voire même sous la responsabilité d’Yves Lévy,  tandis que son épouse sabotait la prise en charge de l’épidémie en France. On peut même voir des caricatures montrant Agnès Buzyn en train d'empoisonner un puits, comme dans la tradition antisémite séculaire ( ci-deesous) 


Mais au delà de ces cibles, on retrouve le site complotiste et antisémite Mondialisation.Ca publie ainsi un texte qui accuse les Israéliens de diffuser le virus.
De son côté Marine Le Pen a plusieurs fois relayé la rumeur d’une origine « mystérieuse et inconnue » du coronavirus.
Elle prolonge ainsi les thèse de son parti contre les acquis de la santé publique.

La tradition antisémite en action 
Cette propagande ne surgit pas du néant. Elle s’inscrit au contraire dans une tradition fort ancienne.  
Ceux qui jouent sur la hantise des grandes épidémies ont recours à tous les poncifs de l'antisémitisme historique, concernant particulièrement la peste. 
Ainsi lors l’épidémie de peste noire qui toucha l'Europe entre 1347 et 1350, les agitateurs antisémites l'attribuèrent à un acte satanique orchestré par les Juifs qui voulaient dominer le monde en empoisonnant l'air et l'eau.
Une vague de massacres s'ensuivit notamment dans les aires germaniques et catalanes : en 1348 en Catalogne, les violences antijuives se diffusent presque au même rythme que la peste : Hyères, Toulon, Perpignan, puis Barcelone (peste le 15 mai 1348, pogrom le 17 mai) et de là Tàrrega (peste le 30 juin, pogrom le 6 juillet)
Aucune communauté juive importante d'Allemagne ne fut épargnée par les massacres et  les pillages. A Berne et à Zurich, des Juifs furent jugés et exécutés.
2000 Juifs furent tués à Strasbourg lors du "massacre de la Saint Valentin" en février 1349, d'autres victimes furent nombreuses à Colmar, Worms, Francfort, Cologne et ailleurs.

Plus près de nous le spectre de la « peste juive » réapparut en 1920
Aux premiers jours du mois de décembre 1920, une  rumeur est diffusée dans Paris : une pandémie inconnue et mortelle, la maladie n° 9 ( nom de code pour la peste), dont seraient porteurs les immigrés juifs originaires d'Europe orientale, se propagerait à vive allure dans les quartiers populaires de la capitale.
Les pouvoirs publics, impuissants à endiguer l'épidémie, auraient déjà recensé plusieurs centaines de cas mais refuseraient d'en faire état. La presse s'empare de l'affaire, bientôt instrumentalisée par la droite nationale et antisémite.
La crainte de la prétendue "maladie n° 9 " donne lieu, au Sénat, à une séance houleuse et retentissante le 2 décembre 1920. De nombreux élus dénoncent le caractère " inassimilable " des " Juifs d'Orient ", accusés de répandre l'épidémie, avec la complicité de leurs coreligionnaires installés en France depuis plusieurs générations. Présentés comme réfractaires aux mœurs de la civilisation occidentale, assimilés à des rats grouillant dans Paris, les Juifs sont également accusés de propager le " microbe " du " bolchevisme défaitiste ". 
Les classiques de l’antisémitisme tels le faux nommé Protocole des Sages de Sion et Mein Kampf martèlent ce genre d’accusations.
Il ne s’agit pas seulement de propos hallucinés et sans effet pratique mais d’un encouragement à la violence antisémite.
Celle-ci s’est manifestée ces dernières années lors des attentats meurtriers des synagogues de Pittsburgh, de San Diego et de Halle en Allemagne. Or les auteurs de ces attentats ont commis leurs crimes  en s’appuyant sur les accusations complotistes portées contre les Juifs et leurs actions maléfiques. Ainsi Robert Bowers, le terroriste de Pittsburgh a donné comme raison de son passage à l'acte une accusation elle-aussi éternelle contre « les Juifs coupables de favoriser les migrants afin de détruire l'Amérique. »
 
 16 et  17 juillet 1942: «Vent printanier»
Ce fut le nom de code imaginé pour la plus vaste opération d'arrestations de Juifs pendant la Seconde guerre mondiale en France et pour laquelle le régime de Vichy avait mobilisé la police française.

D'autres rafles avaient précédé celle-ci, dont celle du 20 août 1941. 

Puis le 7 juin 1942, le port de l'étoile jaune entre en vigueur pour les Juifs de la zone occupée et ce dès l'âge de 6 ans. Il s'agissait ainsi pour les nazis de désigner et stigmatiser la population juive.





  
Les 16 et 17 juillet 1942, à Paris 12884 Juifs  furent arrêtés par la police française jusqu'à la fin de l’opération le 17 juillet à 13 h. Les fiches des « absents » lors de la rafle restent dans les commissariats et des équipes spéciales font des visites régulières pendant plusieurs semaines, comme l'indique l'historien Laurent Joly dans son livre " L' État contre les Juifs" ( voir ici notre entretien avec l'auteur)
  
Au total le nombre de raflé.e.s jusqu'au 20 juillet est de 13152.  Cette rafle se fait à la demande des nazis, avec l'accord du gouvernement de Pétain et Laval.


1129 hommes, 2916 femmes et 4115 enfants sont enfermés dans l’enceinte sportive du Vélodrome d’Hiver. Les conditions sont effroyables, comme en témoignent les rescapé.e.s

Dans ce qui fut un enfer et une antichambre de la mort, il faut rendre hommage aux personnes qui ont montré leur humanité et leur détermination dans l'enceinte du Vel d'Hiv. Il s’agit bien sûr des infirmières et assistantes sociales qui se sont engagées dans l’aide  aux internés, mais aussi des pompiers du capitaine Pierret.

 
Ils étaient une demi-douzaine de pompiers a peine; ils ont passé des heures à distribuer de l’eau et recueilli à eux seuls des centaines de messages qu’ils sont allés poster incognito le lendemain depuis des points différents de Paris pour ne pas éveiller les soupçons de l’administration. Pierret est aussi entré en résistance, fournissant les plans des installations militaires allemandes de Paris aux alliés.

Les raflés du Vel d'Hiv' prennent la route de l'extermination

A partir du Vel d'Hiv', les couples sans enfants et les célibataires (1989 hommes et 3003 femmes) sont internés au camp de Drancy.  
Du 19 au 22 juillet, les familles du Vél’ d’Hiv’ sont quant à elles transportées dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande (Loiret) gérés par l’administration française. Adultes et adolescents sont alors déportés en premier, par 4 convois entre le 31 juillet et le 7 août 1942.

Le sort des enfants 

Brutalement séparés de leurs parents, environ 3000 enfants en bas-âge sont laissés sur place dans une affreuse détresse. Les parents ont été rapidement déportés vers Auschwitz, alors que les nazis n’ont pas encore donné leur réponse quant au sort des enfants. 
La période durant laquelle les enfants internés dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande ont vécu séparés de leurs parents déjà déportés est décrite par les témoins comme un des moments les plus insupportables. Âgés de 2 à 15 ans, ceux-ci restent seuls durant plusieurs semaines. Désorientés par l’absence de leurs parents et vivant dans des baraques inadaptées à la présence d’enfants, ils vivent dans des conditions d’hygiène catastrophiques. Huit d'entre eux meurent durant cette période.
 
Le 13 août 1942, les services d’Eichmann décident que les enfants doivent également être déportés: ils sont alors transférés vers Drancy et, de là, embarqués dans les convois partant pour Auschwitz entre le 17 et 31 août 1942. Aucun d’entre eux n’est revenu.

La responsabilité écrasante du régime de Vichy dans les déportations des Juifs est restée longtemps un sujet tabou,
Enfin, c'est seulement en 1995 lors de la cérémonie commémorative de la rafle du Vel' d'Hiv en juillet que Jacques Chirac reconnut publiquement que les autorités françaises avaient accompli l’irréparable, en déclarant notamment : «Manquant à sa parole, elle (la France) livrait ses protégés à leurs bourreaux.»
Une partie de la droite a rejeté cette prise de position, soit ouvertement , soit en attaquant la « repentance » comme Sarkozy à plusieurs reprises, soit en défendant ouvertement Pétain comme Eric Zemmour, également candidat potentiel à la présidentielle de 1922
    
Dans nos combats contre contre tous les génocides et contre tous les racismes, la date du 16 et 17 juillet 1942 représente une date importante au cours de laquelle nous honorons la mémoire des victimes et renouvelons notre engagement à lutter contre toutes les formes de racisme,  d'antisémitisme et de négationnisme.

Lors de cette journée nous rappelons aussi les autres victimes de génocides plus récents ou  plus anciens afin que justice leur soit rendue et pour éviter de nouveaux crimes du même type.

En effet, l'impunité des auteurs de génocides et massacres représente un facteur évident de récidive et de perpétuation de ces actes criminels. C'est pourquoi, plus que jamais et en permanence,  la mémoire des génocides nourrit nos combats. 
 
Memorial 98
 
 
 
 
 

 

samedi 27 juillet 2019

Pierre Péan: vie et mort d'un négationniste


La mort de Pierre Péan, journaliste et écrivain, donne lieu à une véritable avalanche d'éloges. Il est présenté comme un modèle de rigueur et d’indépendance. On le désigne même comme celui qui aurait découvert et publié les turpitudes de Mitterrand à l’époque de Vichy, alors que celles-ci étaient connues depuis fort longtemps.
La mort de Péan a également servi aux adversaires de Mediapart et des enquêtes journalistiques en général à le présenter comme l’anti-modèle de ce travail d’investigation. Péan avait depuis longtemps emboîté le pas à la haine de Mitterrand et de ses amis et obligés à l'encontre d'Edwy Plenel, fondateur de ce média.

Or Péan a porté le drapeau du négationnisme sur le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, au cours duquel un million de personnes ont été massacrées en quelques semaines. Il a défendu la politique des autorités françaises de l’époque qui ont permis et couvert ce génocide et notamment celle de Mitterrand alors président de la République. Il a inventé un « complot » des victimes Tutsi qui aurait été responsable du déclenchement du génocide. Ses thèses alimentent encore largement la propagande négationniste en la matière.
Notons que Péan ne s’est jamais rendu au Rwanda.
Cette fureur négationniste concernant un génocide en Afrique, continent dont il se présentait comme un spécialiste, est parfaitement en phase avec les discours du pouvoir et de la haute hiérarchie militaire française. Elle soulève évidemment de graves interrogations sur l’ensemble de l’œuvre de Péan. 

   
Ses écrits ont donné lieu à un procès en 2008. A la suite de la publication de son ouvrage « Noires fureurs, Blancs menteurs » Péan ainsi que son éditeur Claude Durand (Fayard) étaient poursuivis par Ibuka, association de rescapés du génocide des Tutsi du Rwanda et SOS Racisme pour diffamation raciale et provocation à la discrimination raciale. 
Quatre pages dans le premier chapitre, expliquaient, entre autres, que «  le Rwanda est aussi le pays des mille leurres tant la culture du mensonge et de la dissimulation domine toutes les autres chez les Tutsis et, dans une moindre part, par imprégnation, chez les Hutus ». D'autres passages reprennent ce propos, étayé par des citations d'anciens colons allemands ou belges et l'accentuent même. Parmi les défenseurs de Péan, Hubert Védrine et Bernard Debré , ministre de la coopération de Balladur au moment du génocide. Ce dernier maintient une ligne négationniste, notamment dans deux livres qui diffusent cette propagande.

Pendant trois jours de procès, les 24, 25, 26 septembre 2008, on a souvent débattu de l'«ubwenge», concept rwandais qui, selon les défenseurs de Pierre Péan, s'apparente au mensonge systématique mais « pas de façon négative comme chez nous, en France », ou selon ceux de la partie civile, à de l'intelligence.
 Face à cette querelle d'africanistes, la procureure de la République, Anne de Fontette a, au terme des débats, remis certains points sur les i. : «  Les témoins sont venus dans un drôle de mouvement intellectuel nous dire que le mensonge, au Rwanda, serait une qualité. Pour ma part, je note que le terme a été utilisé en français, sans précision sur les diverses traductions que pouvait revêtir le mot en kinyarwanda, au Rwanda. Or, le terme est ici utilisé à la française, où il n'a pas une connotation positive. » La représentante du ministère public s'est également étonnée du choix de certains auteurs des citations choisies par Pierre Péan, comme Paul Dresse, proche de l'extrême droite et dont le « langage colonial de l'époque », comme le souligne l'auteur, n'hésite pas à qualifier les Tutsis «  de race des plus menteuses sous le soleil ». Et Anne de Fontette de conclure que les deux délits étaient bel et bien constitués.

A l’occasion récente du 25e anniversaire du génocide, les mises en cause à propos de l’implication de dirigeants français de l’époque ont été actualisées. L’attention s’est portée sur Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères et surtout à l’époque secrétaire général de l’Élysée. Or ce même Védrine a comparu afin de défendre Péan en 2008 lors du procès de ce dernier. La boucle est bouclée dans ce petit monde qui gravitait autour de Mitterrand.  
Le déroulement de ce procès démontre les ressorts et arguments des négationnistes, si proches de ceux qu’on retrouve dans des cas semblables (lire ici le compte rendu qu'en fit Memorial 98 sous la plume de Souâd Belhaddad)
   

Au moment du génocide, Mitterrand était président et Balladur chef d’un gouvernement de cohabitation, suite aux élections de 1993. Védrine jouait un rôle capital et bénéficiait de l’entière confiance du président.    

Mitterrand et Védrine étaient particulièrement complaisants à l’égard des chefs Hutu, considérés comme favorables à la France car francophones, alors que les dirigeants Tutsi, qui avaient dû se réfugier en Ouganda, étaient considérés comme favorables au monde anglophone. Péan,  souverainiste  et nationaliste très proche de Chevènement, partageait cette vision « géopolitique » anti-Tutsi.
Les habitants et les pouvoirs publics de notre pays ont un devoir particulier en ce qui concerne le Rwanda.
En effet, une partie du combat est aujourd'hui celui de la pleine reconnaissance par l’État français de ses responsabilités.
Cet État qui prétend parler en notre nom, persiste aujourd'hui à garder un silence complice sur l’implication de l’armée française dans le génocide des Tutsi.
Or le pouvoir Hutu extrémiste a reçu de manière continue et appuyée le soutien des autorités françaises tant au plan politique, militaire que financier, avant, pendant et après le génocide. Toute la vérité doit être faite au sujet de cette implication : tous les documents doivent être rendus publics. C’est pourquoi nous soutenons et partageons pleinement le combat de nos amis et partenaires de Ibuka, du CPCR et de Survie afin que la vérité se fasse jour et que les coupables éventuels soient jugés.

On notera que Védrine est toujours présent sur la scène politique et médiatique. Il s’est manifesté en organisant très récemment l'offensive rageuse des fidèles de Mitterrand à propos du génocide des Tutsi. Ces derniers ont adressé une lettre à Olivier Faure, dirigeant du Parti socialiste afin de mettre en cause Raphaël Glucksmann, tête de la liste commune PS-Place Publique pour les élections européennes de mai 2019. A leurs yeux, il a péché en osant rappeler le rôle de l'ancien président et de son entourage dans l'aide apportée par les autorités françaises aux génocidaires .

Parmi les signataires de ce texte, Hubert Védrine, principal suspect dans ces décisions mais également Roland Dumas, ancien ministre des Affaires étrangères de Mitterrand. Or Dumas est depuis fort longtemps passé du côté des dictateurs en Afrique, fait appel à des thèmes antisémites et assistait au meeting-spectacle de Dieudonné au Zénith de Paris dès 2006, en compagnie de ses amis de la famille Le Pen.

Cette lettre de menaces a montré quel point les amis de Mitterrand sont soucieux d'empêcher que la vérité se fasse jour à propos de ce génocide et des responsabilités françaises.

C'est ce que nous avions également rappelé lors d'une allocution de Memorial 98 le soir du 7 avril, dans le cadre de la veillée organisée comme chaque année par l'association Ibuka-France en mémoire des victimes du génocide. 
Nous y appelions à la vigilance face aux nombreuses tentatives pour bloquer un accès complet aux archives, voir ici la vidéo de cette intervention: https://www.youtube.com/watch?v=MaYgH39DV4Y

Péan soutient Mitterrand sur la (non) responsabilité de Vichy et Pétain dans la déportation des Juifs de France.

Contrairement à la légende qui entoure son livre sur Mitterrand intitulé « Une jeunesse française » Péan ne voulait pas compromettre le président de l’époque, comme il l'a lui-même indiqué à de nombreuses reprises. Il cherchait au contraire à maitriser avec lui le flot de révélations qui se faisait jour. Il a d’ailleurs souvent manifesté son agacement face à l’interprétation trop négative qui aurait été faite de sa publication et insisté sur la cordialité et le caractère affectueux maintenu de ses relations avec Mitterrand après la parution du livre.


La clé se trouve dans son livre  Dernières volontés, derniers combats, dernières souffrances (de Mitterrand publié en 2002). L'essentiel de cet ouvrage est consacré aux rapports de Mitterrand et de la place de Vichy et Pétain dans la déportation des Juifs de France.  L’antisémitisme y affleure dans de nombreuses pages.
Péan fait comme si Mitterrand avait été victime d'un complot animé par Serge Klarsfeld, ayant des prolongements jusqu'en Israël, et qui visait à "remettre la Shoah au centre de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale". Selon Mitterrand, approuvé par Péan, Klarsfeld voulait " mettre la République à genoux" 
Il y justifie qu'un président de la République ait pu organiser un véritable mur du silence autour de son passé avec décoration par la francisque de Pétain, de son amitié maintenue avec René Bousquet, et avec la même impudence,  ait pu rompre ce silence en banalisant Vichy.
                    Bousquet avec des hauts officiers SS et ci-dessous dans                           l'intimité de Mitterrand à Latché en 1974 





En effet Mitterrand a maintenu durant ses deux septennats la fiction d'une non responsabilité des autorités françaises dans la déportation des Juifs de France. Il faisait même fleurir très régulièrement la tombe de Pétain.   
Ainsi chaque 11 novembre, de 1987 à 1992, François Mitterrand alors président de la République, a fait déposer une gerbe de fleurs présidentielle sur la tombe du Maréchal Pétain, à l’île d’Yeu, au prétexte du rôle de ce dernier lors la première guerre mondiale
Les associations de résistants et de victimes du nazisme avaient beau protester unanimement, rien n'y faisait. En 1992 le scandale fut plus important, car une large campagne publique se déroulait contre ce geste de révérence à l'égard du chef de la collaboration. 
Du coup, le préfet de la Vendée, chargé par la présidence de la République de fleurir la tombe  le 11 novembre, dut attendre cette année-là 17 h 15 pour se rendre en hélicoptère sur l'île d'Yeu, lieu de sépulture de Pétain. Il craignait  d'être confronté aux manifestants présents sur place. C'était juste après que Serge Klarsfeld et la quarantaine de personnes l'accompagnant eurent pris le dernier bateau régulier de retour de l'île. Ils étaient venus «s'assurer qu'une gerbe ne sera plus déposée sur la tombe de Pétain par le président de la République». Au bout du compte, la gerbe du préfet côtoyait celles déposées dans les heures précédentes par Jean-Marie Le Pen et par "l'Association nationale Pétain Verdun" (ANPV, émanation des nostalgiques de Vichy). 
Devant l’ampleur du scandale, Mitterrand fut contraint de suspendre l'hommage à Pétain à partir de 1993, c'est à dire à la toute fin de son deuxième septennat.





Lionel Jospin, qui a succédé à François Mitterrand à la tête du Parti socialiste, avait pris d'emblée du recul à l'égard de ce dernier lorsqu'il fut le candidat de la gauche à l'élection présidentielle de 1995.  Il fit état d'un « droit d'inventaire » par rapport aux positions de Mitterrand à l'égard du régime de Vichy, et notamment aux liens d'amitié qui l'unissaient à René Bousquet, ancien dirigeant de la police du régime pétainiste, organisateur notamment de la rafle du Vel’d’Hiv’. Cette rupture avec le passé mitterrandien lui valut d'ailleurs des haines féroces de la part des proches de l'ancien président et un soutien de ce dernier à  la candidature de Chirac. Ses fidèles Pierre Bergé et Roger Hanin se chargèrent des attaques violentes à l'encontre du candidat socialiste. par une ironie de l’Histoire, c’est ce même Chirac qui prit le parti de rompre avec l’hypocrisie et de reconnaître enfin en juillet 1995 que « "...Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l'État français. La France, patrie des Lumières, patrie des Droits de l'homme, terre d'accueil, terre d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable..."


A droite, c'est Sarkozy qui lança, dès sa campagne électorale de 2007, une offensive d'ampleur contre la "repentance" et contre la reconnaissance de la participation des autorités françaises à la Shoah
Sarkozy a même boycotté la cérémonie du 8 mai 2007, pour ne pas se retrouver à côté de Chirac qui avait reconnu les responsabilités françaises dans la déportation des Juifs. Son successeur Laurent Wauquiez  a poursuivi dans la même voie par un accueil en grande pompe de Eric Zemmour qui travaille à réhabiliter Pétain et son régime. 
Plus récemment, Emmanuel Macron a voulu rendre hommage à Pétain, lors du centenaire de la fin de la 1e guerre mondiale. Il a repris l’argumentation bien connue sur le « grand soldat » qui aurait ensuite fait « des choix funestes ». Face au scandale, il a du renoncer à cet hommage.


Au total, Pierre Péan, prétendument rigoureux et indépendant, a de manière croissante dans son œuvre, épousé les méandres des froids intérêts de pouvoirs en place. Il a sacrifié toute retenue à la défense d'une propagande négationniste à propos du génocide de Tutsi au Rwanda et de l’implication de Mitterrand dans le déroulement de ce terrible massacre. Cette dérive avait débuté bien avant, notamment par sa complaisance à l’égard des ambiguïtés de Mitterrand face à Pétain et Vichy.

Albert Herszkowicz 
MEMORIAL 98 

De nombreux liens et références figurent dans ce texte. Ils donnent une image plus complète des problèmes traités. On pourra aussi consulter les articles suivants concernant d'autres proches de Mitterrand qui le suivirent dans ses méandres et mensonges concernant la Shoah ou le génocide des Tutsi : Jean d'Ormesson ainsi que Jean-Luc Mélenchon