Suffira-t-il désormais d'alléguer qu'"on n'est pas raciste" pour pouvoir discriminer en toute liberté ?
Confrontées à une discrimination, les victimes devront-elles faire justice elle-mêmes pour ne pas être accusées d'avoir trop peu fait valoir leurs droits ?
Ces questions peuvent paraître absurdes et caricaturales, elles se posent cependant après un deuxième jugement de relaxe prononcé à l'encontre de la gérante d'un camping de Dax.
En novembre 2013, comme tant d'autres retraités, Nama Mohamed et son époux avaient programmé un séjour avec leur camping car: ils ont réservé et même payé des arrhes dans un établissement. Mais à leur arrivée, la gérante signifie très clairement à l'époux de Nama, que celle-ci ne pourra accéder aux parties communes du camping, puisqu'elle porte le voile. Ces affirmations ne seront jamais niées par la gérante, qui évoquera également en justice l'existence d'un "règlement intérieur " portant sur ce point. Celui-ci, qu'il existe ou non, serait évidemment illégal.
Mme Mohamed et son époux prennent la décision qui s'impose face à cette interdiction d'accès raciste: ils quittent immédiatement les lieux et vont déposer plainte. Le soir même, Nama Mohamed fait un passage par la case hôpital à cause d'une montée de tension consécutive à la discrimination.
Premier signe de mollesse devant la discrimination avérée, le procureur commence par proposer une "médiation pénale" à la victime, comme si l'acte était finalement minime. Celle-ci refuse légitimement.
En première instance, le procureur requiert cependant une condamnation pour la gérante. Mais le tribunal la relaxe estimant que la discrimination n'est pas assez "caractérisée": en clair, Mr et Mme Mohamed ont eu le tort de partir suite aux déclarations de la gérante, au lieu de déclencher une altercation, qui aurait permis de "caractériser " le refus. Les juges prennent pour argent comptant les justifications de la gérante qui affirme qu'"on aurait pu s'arranger" si les époux "avaient insisté". Le jugement donne donc tort au couple d'avoir gardé son calme et de s'en être référé aux autorités et à la loi . Il faudrait donc "insister" devant celles et ceux qui nous discriminent ....
Malheureusement, le Ministère Public, au lieu de se montrer encore plus offensif en appel, n'y requiert plus qu'une amende avec sursis contre la gérante et déclare à l'audience qu'il faut bien admettre que celle-ci n'est pas raciste. La raison de cette affirmation ? La gérante n'avait pas refusé les arrhes et la réservation des époux Mohamed,bien que leur nom laisse deviner leurs origines.....
Une justification absurde et dangereuse: dans la plupart des cas, les discriminations ne sont pas faites sous des formes aussi évidemment condamnables juridiquement. En plein mois de novembre, on ne peut guère refuser une réservation en prétendant le camping complet, sans que le motif raciste apparaisse clairement.
Bien au delà de ce cas précis, bien des propriétaires ou des employeurs reçoivent, pour un entretien ou une visite d'appartement des candidats qu'ils souhaitent de toute façon évincer pour des motifs discriminatoires, et ce afin justement de rendre la discrimination moins détectable.
Le droit criminaliste la discrimination, indépendamment de son auteur, comme pour toutes les infractions. C'est l'acte qui doit être examiné et incriminé, sans quoi les lois n'auraient plus de sens: imagine-t-on un conjoint violent être relaxé au motif qu'il verse chaque année un don à une association de lutte contre les violences conjugales ?
Pourtant la Cour d'Appel de Pau a relaxé la gérante du camping. On notera que cette dame "pas raciste", avait au départ affirmé mensongèrement que Mme Mohamed portait une forme de voile intégral, avant de changer sa version et ses justifications....
Cette décision contredit une jurisprudence bien établie depuis l'affaire Truchut, en 2006: la situation était parfaitement similaire , refus opposé dans un gîte à une femme , au motif explicite du port du voile. La condamnation de la gérante, avait ulcéré des militantEs islamophobes notamment issus des rangs de la gauche féministe, qui avaient créé peu avant la condamnation, le groupe raciste désormais bien connu Riposte Laïque.
Ce retour de jurisprudence de la Cour d'Appel de Pau reflète ce qui se passe à l'extérieur du tribunal: ces dernières années, les appels à interdire le voile dans des espaces toujours plus nombreux se multiplient, qu'il s'agisse du public (Universités) ou de l'extension au secteur privé. Certains n'hésitent donc plus à discriminer, avec la loi contre eux, car ils comptent sur l'indulgence sociale et judiciaire.
Cette décision renforcera d'autant plus leur détermination. Aux antiracistes de montrer la leur, en dénonçant vigoureusement ce déni de droit.
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