Ce lundi, Pascale Boistard , secrétaire d'Etat aux droits des Femmes affirme n'être pas sûre que "le voile fasse partie de l'Enseignement Supérieur".
On notera l'élégance deshumanisante de la formule, d'autant plus remarquable qu'elle émane d'une politique qui se vit comme féministe: en l'occurrence, la femme musulmane est immédiatement privée d'existence, reste "le voile", un objet qui définit donc l'humain et le remplace.
L'occultation est commode : elle permet de mettre un voile pudique sur la raison qui conduit Pascale Boistard à évoquer ce sujet précis , à savoir l'exclusion éventuelle d'une partie des étudiantes musulmanes de l'Université. Si ce marronnier de l'islamophobie ne date pas d'aujourd'hui, il a été remis sur le devant de la scène à l'occasion d'humiliations publiques infligées en toute illégalité par des professeurs hommes à des élèves femmes, dans le cadre d'un rapport hiérarchique défavorable.
Le lundi 2 février, c'est en effet un enseignant en droit des assurances qui s'en prend, devant tous les autres élèves à une étudiante voilée, estimant qu'il n'a pas à supporter cet "affront". Sortie sans doute soigneusement préparée, puisque le jour même, l'enseignant en question écrit à la direction de l'Université Paris 13 pour exprimer son refus d'enseigner à des jeunes femmes voilées de manière globale, contraignant évidemment l'Université à le suspendre.
Trois semaines plus tôt, c'était un enseignant de l'Ecole du Barreau de Paris qui infligeait la même séance d'humiliation et de dénonciation publique à une étudiante: cette fois, l'homme en vient même à se dévêtir en partie . Grégoire Lafarge est l'avocat de Florian Philippot, et encore une fois, la préméditation politique du happening islamophobe n'est pas à exclure.
Immédiatement après ces deux évènements, l'extrême-droite mobilise ses réseaux pour les médiatiser, et également pour assaillir de commentaires racistes l'ensemble des médias mainstream.
Face au bouillonnement des réseaux bruns, il ne faut même pas une semaine après l'humiliation raciste survenue à Paris 13 pour que l'UMP ponde un communiqué exigeant l'interdiction du voile à l'Université. Celui-ci est un modèle du retournement victimaire: "Depuis plusieurs mois les incidents dans les universités se multiplient et remettent en question la sérénité de l’enseignement", affirme-t-il. L'offensive raciste de quelques professeurs se transforme donc en offensive des victimes et les voilà accusées de troubler la sérénité de l'enseignement par leur seule existence. Le communiqué ajoute une remarque d'un profond cynisme, en concluant par "Quelle insertion professionnelle peuvent-elles réellement espérer ?" Il s'agit d'un appel pur et simple à la discrimination illégale à l'embauche, puisqu'aujourd'hui seul le secteur public fait l'objet d'une loi interdisant le port du voile. Par contre, effectivement, des entreprises de plus en plus nombreuses tentent d'exclure ou de harceler les femmes voilées.
Mais l'extension du domaine de la haine ne va pas seulement de l'extrême-droite à l'UMP: il ne faudra pas plus de trois semaines à une Ministre du gouvernement pour embrayer, elle aussi, sur la possibilité d'une exclusion des étudiantes voilées de l'Université. On remarquera que dans ce domaine, la fameuse solidarité gouvernementale ordonnée par François Hollande n'est pas d'actualité: la ministre de l'Enseignement Supérieur, Geneviève Fioraso a déjà déclaré qu'elle n'était pas favorable à une quelconque exclusion. Mais cela n'empêche pas une autre Ministre de lancer son ballon de sonde.
Il aura des effets parfaitement connus: la spirale de l'islamophobie s'alimente elle-même. Encouragés par une membre du gouvernement, sur le terrain, des doyens, des professeurs vont désormais passer à l'offensive, soit en déclenchant des incidents, soit en faisant publier des tribunes dans les grands journaux. Comme à l'accoutumée, ces tribunes mêleront tout et n'importe quoi, les références au terrorisme, les anecdotes invérifiables, et le bruit médiatique sera couronné par un sondage favorable à l'interdiction, sondage lui même évidemment influencé par le bruit médiatique.
Et si ça ne va pas jusqu'à une loi, cette fois-ci, qu'à cela ne tienne, ce sera pour la prochaine fois: l'essentiel est que les femmes musulmanes voilées ne sont jamais tranquilles depuis plus de dix ans. Jamais absentes du débat public où elles sont systématiquement des cibles. D'ailleurs, le Parti Radical de Gauche dépose quant à lui une proposition de loi pour interdire le port du voile à domicile aux assistantes maternelles. Chaque islamophobe a donc le choix de sa campagne d'exclusion du moment.
Bien évidemment, les mêmes qui alimentent cette spirale de rancoeur et de peur permanente, condamneront souvent les agressions physiques des femmes musulmanes. Seulement, quand on crie à longueur de temps qu'une personne n'a pas sa place dans le train, et qu'elle menace la sécurité immédiate de tous les voyageurs, il faut être bien hypocrite pour s'étonner lorsqu'un quidam la pousse sur les voies.
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