dimanche 22 février 2015

"Islamo-fascisme" : une simplification démagogique qui complique une lutte rationnelle contre l'intégrisme

Islamo-fascisme? Ce mot-polémique, resurgit cette fois dans la bouche du Premier ministre, Manuel Valls. Ce lundi matin 16 février sur RTL, au lendemain des attentats sanglants de Copenhague, il a appelé à combattre ce mal.
Nous sommes tous décidés à nous opposer à des terroristes se réclamant de l’islam radical ou d'ailleurs de toute autre idéologie de haine. Mais le terme "islamo-fascisme", loin d'être innocent et descriptif , à été popularisé par les "néo-conservateurs" américains par le passé afin de justifier des guerres et opérations militaires.
La structure même de ce mot, bâti à partir de "islam" et non de "islamisme" est génératrice d'islamophobie.
Le simplisme du rapprochement islamisme - fascisme vise à amalgamer tous les mouvements islamistes, quelle que soit leur orientation. Peut on dire que la parti Ennhada en Tunisie est-il "islamo-fasciste"? Certes pas. Et au fond quel besoin autre que manipulatoire d'accoler les 2 termes islam et fascisme.? En réalité ce terme publicitaire minimise et euphémise le caractère du fascisme historique.


Ces mots dans la bouche de Manuel Valls n'arrivent pas tous seuls, et Manuel Valls n'est pas un militant du parti ouvrier d'Irak, c'est le premier Ministre d'un pays qui vend des avions de guerre aux militaires égyptiens, certes dénonciateurs fervents de l'"islamo-fascisme", mais assassins des démocrates égyptiens. L'utilisation politique de certains concepts n'a pas les mêmes implications selon le contexte: ainsi par exemple, les antisémites français utilisent depuis des années des expressions, des concepts, disent des choses , qui en interne à Israël n'ont pas du tout la même résonance, la même histoire, les mêmes effets qu'ici. Se déclarer "antisioniste" en pleine offensive militaire quand on est à Jérusalem,par exemple, n'est pas la même chose que se déclarer "antisioniste" en France quand des synagogues sont attaquées.

Quant à l'"islam politique", c'est un concept très vaste qui définit énormément de courants. Et si les Frères Musulmans sont un mouvement de l’islam politique, les qualifier de "fascistes" en bloc revient, par exemple, à dire " la droite, c'est tous des fascistes". C'est complètement absurde, même si ça fait du bien, et c'est pour le coup très connoté géographiquement et culturellement, on n'aurait jamais l'idée de faire pareil avec des courants politiques occidentaux ayant un siècle d'existence dans divers pays, donc un siècle de pratique, de corpus idéologique qui se sont incarnés de manière très diverse. 
D'ailleurs on voit immédiatement les limites d'une telle simplification en prenant l'exemple de Manuel Valls lui même qui déclare démagogiquement vouloir combattre "LES" Frères Musulmans , sans rien définir. Va-t-il enlever la Légion d'Honneur à Tarek Oubrou, l'imam cité en exemple par tous les gens de gauche peu regardants parce qu'il déclare désormais le port du voile non obligatoire et même problématique ? Va-t-il fermer toutes les mosquées affiliées à l'UOIF, et qui, défendant un conservatisme parfaitement banal pour des religieux s'opposent évidemment aux courants intégristes et terroristes ? 
Ces simplifications démagogiques ne résolvent rien, ne combattent rien, elles rendent juste plus difficile une lutte rationnelle contre l'intégrisme, d'un côté et un combat offensif contre la réaction en général.

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