samedi 16 mai 2015

Néo-nazisme: la radicalisation terroriste se confirme partout en Europe

 











Actualisation du 17 juin 2016 :

L'assassin présumé de la députée britannique Jo Cox , Thomas Mair , était un soutien de longue date de la National Alliance, principale organisation néo-nazie aux Etats-Unis, selon le très sérieux  Southern Poverty Law Center (SPLC), institut américain dédié à la surveillance des mouvements extrémistes  aux USA.
Le SPLC a publié sur son site deux factures au nom de Thomas Mair datant de 2003, pour l’achat de plusieurs publications de la NA, dont un manuel destiné à la confection d’armes artisanales (chimie des poudres et explosifs, manuel des munitions improvisées, etc). 

Mair était aussi l'un des premiers abonnés à S. A. Patriot, revue sud-africaine d'un mouvement suprématiste blanc,  pro-apartheid ouvertement opposé aux «sociétés multiculturelles» et à «l'expansion de l'Islam»

D’autres cas de violences homicides néo-nazies ont eu lieu récemment en Grande-Bretagne et ont rencontré un très faible écho médiatique, comme dans le cas du docteur Sarandev Bhambra attaqué à la machette en janvier 2014. 

Memorial 98 

 En France, un silence troublé seulement par quelques dépêches de presse assez lapidaires  entoure les suites des arrestations menées en Picardie, à Ham, contre un  groupe néo-nazi, le White Wolf Klan. Treize nouvelles mises en examen pour violences volontaires entre les membres même du groupe viennent d'être annoncées, mais on ne sait toujours pas qui était visé par la tentative d'homicide volontaire pour laquelle ils ont été interpellés initialement.
Aucun lien n'est fait dans la presse entre cette affaire et celle du réseau  du néo-nazi Claude Hermant, arrêté il y a quelques semaines et qui  a décidé de parler. L'ancien membre du DPS (service d'ordre du Front National) prétend être un informateur policier. Il déclare avoir, dans ce cadre, informé ses référents du trafic d'armes qu'il menait depuis longtemps et qui pourrait avoir notamment avoir alimenté le réseau du tueur antisémite Amedy Coulibaly (Hyper Cacher de Vincennes). Si les dires de cet ancien barbouze sont à prendre avec précaution, ils décrivent cependant une situation assez semblable à celle qui a conduit la NSU, groupe néo-nazi allemand à pouvoir commettre une dizaine d'assassinats au moins, sans être inquiété, alors qu'il s'agissait de militants identifiés dès la fin des années 90 comme potentiellement violents.

En Allemagne d'ailleurs, d'autres groupes similaires sont actifs sur le territoire.
Le 6 mai 2015, plusieurs membres d'une organisation terroriste néo-nazie ont été interpellés dans ce pays. La police indique qu'ils projetaient des attentats contre des lieux de cultes musulmans et des centres accueillant des réfugiés. Ces attentats  auraient sans doute été meurtriers, au vu du matériel explosif puissant retrouvé aux domiciles des présumés terroristes.

Au Royaume Uni, se tient en ce moment le procès d'un suprémaciste blanc, soupçonné d'avoir voulu assassiner plusieurs membres de la famille royale. Il revendique son admiration pour le norvégien Andreas Breivik et avait développé une obsession raciale mortifère contre les bruns aux yeux noirs, selon lui signes du métissage conduisant la race blanche au déclin.

Le terrorisme d'extrême-droite est une réalité bien vivante en Europe: mais sans même se pencher sur l'hypothèse malheureusement crédible de certaines complaisances policières envers cette mouvance, on doit constater une très grande indifférence sociale à ce phénomène.

Celle-ci est a été relevée récemment par l'étude d'une entreprise privée de sécurité suisse qui met en lumière des éléments parlants sur le terrorisme néo-nazi en Allemagne: contrairement à d'autres formes de terrorisme, la violence d'extrême-droite n'est pas l'objet de beaucoup de recherches scientifiques d'ampleur. Les faits existants ne sont donc que rarement reliés entre eux alors même que des facteurs communs relient les agissements des activistes violents de cette mouvance.

Cette étude met notamment en relief plusieurs points communs.

Les groupes terroristes néo-nazis sont le plus souvent de petite taille , quelques individus pouvant commettre un nombre importants de crimes. Très souvent, ces groupes, voire individus ne revendiquent pas leurs actes, parce qu'ils estiment que le choix des cibles, dans l'immense majorité, des immigrés, des Juifs ou des militants de gauche parlent d'elles même, et que l'acte en lui même suffit à générer l'effet recherché, à savoir la terreur dans le groupe social visé.

Dans l'immense majorité des cas, également, le laps de temps entre la constitution du groupe et le passage à l'acte violent est très court, moins d'un an. Ce dernier élément suppose donc d'une part un conditionnement préalable très fort des individus concernés et correspond effectivement à l'ambiance des mouvances néo-nazies dans laquelle des jeunes gens vont se socialiser: l'univers  néo-nazi actuel offre en effet tout le panel d'une culture de mort et d'apologie de la terreur apte à radicaliser extrêmement rapidement les nouveaux adeptes. On notera également qu'un passage à l'acte aussi rapide après la constitution d'un groupe destiné à commettre des actes très violents suppose aussi l'accès à des connaissances et à des moyens matériels pour pouvoir agir. Si les groupes sont de petite taille, voire même parfois composés d'un seul individu, cela ne signifie donc nullement qu'ils correspondent au mythe des Loups Solitaires propagés par les médias: en effet, se procurer des armes et l'ensemble de la logistique permettant d'agir implique des inter-actions avec un milieu beaucoup plus large. 

Malheureusement, en France, pour le moment, l'analyse sociale, médiatique, scientifique, politique reste bien en deçà de ce qui pourrait permettre de comprendre et de combattre un phénomène dont tout montre, pourtant, qu'il est en plein développement. A commencer par l'explosion des actions de " basse intensité" commises par de très jeunes gens, notamment ce qu'on peut appeler les opérations "croix gammées": il ne se passe pas un mois, sans que dans les journaux locaux soient relatées la découverte dans de petites villes ou villages d'inscriptions néo-nazies recouvrant les murs . Ainsi, ce 15 mai, à Proyart, c'est le parvis de l’Église qui est maculé à la craie de croix gammées et de slogans xénophobes. Si les journaux sont prompts à se moquer de sigles souvent mal dessinés, de fautes d'orthographe dans les mots inscrits et si ces éléments indiquent souvent la très grande jeunesse des auteurs, cela rend la chose encore plus inquiétante. Ce "fait maison" maladroit des jeunes néo-nazis indique une volonté d'action autonome forte, malgré l'absence de moyens,  sans utiliser par exemple des affiches de groupes militants existants.

Cette volonté d'action s'exprime aussi dans les profanations de cimetières Juifs ou musulmans, le stade d'au dessus du passage à l'acte. Là aussi, le néo-nazi, généralement un peu plus âgé, se saisit finalement de ce qui est à sa portée immédiate pour exprimer concrètement sa haine, le stade suivant étant l'agression de personnes physiques. 

Si ces passages à l'acte peuvent paraître dérisoires et au fond très anecdotiques, des affaires comme celle de Ham montrent bien que leurs auteurs sont pourtant ceux qu'on va retrouver ensuite dans des groupes armés et prêts à passer à l'action: Jérémy Mourain, le principal animateur du White Wolf Klan a par exemple été condamné plusieurs fois pour des faits de ce genre.

Aussi, l'hypothèse selon laquelle ces actes seraient aussi des rituels de passage, des épreuves initiatiques permettant de "gagner la confiance" des militants plus vieux et plus expérimentés, ceux qui ont des armes, des réseaux et des potentiels matériels plus vastes, mériterait-elle d'être creusée. 

Malheureusement, dans le cas du néo-nazisme, il n'existe pas d'espaces d'études et de combat contre la radicalisation: pas de numéro à appeler si l'on trouve des portraits de Hitler sur le téléphone de son fils de 14 ans, pas d'étude des signes inquiétants chez l'adolescent, pas de structures de "déradicalisation". 

En réalité face aux jeunes militants néo-nazis, l'intervention étatique se divise en deux catégories , généralement selon la classe sociale de l'intéressé: les jeunes issus des classes populaires se faisant attraper suite à un acte violent passent en comparution immédiate et prennent des peines modérées mais incluant souvent quand même un passage par la case prison. Cela a été le cas par exemple, pour les jeunes gens qui ont tenté d'incendier récemment une mosquée à Mâcon. Quant à ceux qui sont issus de classes favorisées ou élèves de prestigieuses écoles militaires, la justice les  oriente généralement vers des procédures longues, pendant lesquelles les avocats de la défense auront largement le temps de créer les conditions d'un acquittement ou d'une peine symbolique. C'est par exemple, le cas des cadets  du lycée de l'Armée de l'air qui avaient aussi projeté un attentat contre une mosquée.

Le néo-nazisme violent dérange  : c'est un phénomène qui ne correspond pas au discours dominant sur ce que sont les tares de nos sociétés. Les discours violents contre l'immigration ou les musulmans, le repli nationaliste exacerbé sont tenues par des forces désormais intégrées au jeu politique et en pleine expansion, et s'intéresser au phénomène néo-nazi, c'est aussi regarder en face une des traductions concrètes de ces discours banalisés. 

Mais ce qu'on ne regarde pas continue à exister et à se développer.

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